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Compréhension des Quatre Vérités du Bouddhisme

C'est une des meilleures façons d'introduire le bouddhisme que de parler des quatre vérités des nobles, puisque c'est le premier enseignement qu'a donné le Bouddha après son éveil. Donc on dit à peu près 49 jours après son éveil. Après une période d'hésitation, où il ne savait pas trop s'il allait pouvoir faire passer le message, traditionnellement dit poussé par les dieux, il a décidé effectivement qu'il allait pouvoir enseigner. Et il a rassemblé d'anciens compagnons de pratique des ascètes. Il y avait cinq ascètes avec qui il avait fait une pratique d'ascèse assez...

5 à 7, oui, c'est ça. D'ailleurs souvent je l'écris au tableau 5 à 7. Et c'est devenu ses 5 premiers disciples alors qu'en fait ils n'étaient pas du tout contents qu'il les ait quittés pour justement chercher l'éveil de lui-même. Et ils avaient décidé de ne pas se déranger.

Et puis finalement, quand ils l'ont vu revenir, ils se sont dit qu'il y a quelque chose qui a changé chez lui. Et donc, ils l'ont quand même suivi. Et donc, c'est au parc des gazelles, à Sarnat.

c'est près de Bénarès, on parle souvent du serment de Bénarès, et c'est là qu'il a enseigné les quatre vérités des nobles. Alors, quatre vérités des nobles, déjà le titre veut dire quelque chose, parce qu'en fait on a toujours traduit par quatre nobles vérités, mais ce ne sont pas les vérités en elles-mêmes qui sont nobles, on parle de la souffrance, c'est pas spécialement, vous voyez, c'est ni noble ni non noble, on parle de l'origine de la souffrance, bon après on pourrait dire la cessation, oui c'est sympa, Et puis l'octuple noble sentier. Oui, là on peut dire que c'est noble, effectivement, c'est la pratique en fait. Mais en fait, c'est les quatre vérités qui amènent à l'état de noblesse spirituelle, c'est-à-dire à l'état d'éveil. Et d'ailleurs, grammaticalement, c'est comme ça que ça aurait toujours dû être traduit.

Mais pendant longtemps, on a traîné, on traîne des vieilles traductions, parfois longtemps, malheureusement, parce qu'elles ont été faites depuis un certain temps, donc tout le monde les a utilisées. Et puis finalement, on n'arrive plus à les changer. Donc il faut s'habituer. Alors à tous les coups, je vais revenir sur 4 nobles vérités à un moment donné ou à un autre, parce que moi-même, j'étais tellement habitué à utiliser ces termes-là.

Alors, vérité, maintenant, c'est intéressant, parce que ce matin, je vous ai remarqué une chose, c'est que vérité et réalité... C'est le même terme en sanscrit, c'est satya. Mais sat, c'est le verbe être, c'est ce qui est. C'est intéressant parce qu'en fait, là, on va essayer de montrer ce qui est. C'est pour ça qu'on appelle ça les quatre vérités.

Mais en fait, c'est la constatation de la réalité. C'est vraiment la réalité telle qu'elle est et non pas telle qu'on imagine qu'elle est et qui nous amène en fait à plein plein d'illusions dans notre existence. Donc là c'est vraiment regarder les choses en face. Et le premier enseignement du Bouddha, finalement, effectivement on pourrait dire, c'est pas très drôle quoi, parce que c'est effectivement, comme le disait d'ailleurs Pascal, c'est un enseignement... sur le mode médical, puisque la première vérité, c'est la souffrance, la constatation de la souffrance.

Mais si on veut guérir, il faut savoir qu'on est malade. Il faut accepter de faire la démarche en tant que malade. Donc c'est hyper important de se rendre compte. compte qu'on est malade du samsara. Parce que sinon, on va toujours essayer de s'égayer tranquillement tout en souffrant, mais en refusant en quelque sorte de regarder la réalité en face.

Et ça ne va pas nous amener à grand chose, parce qu'effectivement, la souffrance sera de toute façon là. Et elle risque d'empirer, comme une maladie qui serait négligée et empirerait parce qu'on ne la soigne pas. Donc après il y a la constatation du diagnostic, la seconde vérité, c'est vraiment l'origine de la souffrance. La cause de la souffrance, l'origine véritablement profonde de la souffrance, parce que le Bouddha ne voulait pas seulement soigner les bobos de l'existence.

Parce que ça, vous savez, par exemple, ça s'appelle le développement personnel. Alors je n'ai rien contre le développement personnel. mais le développement personnel c'est soigner les bobos de l'existence en attendant.

Mais ça ne sert pas à vraiment éradiquer les causes profondes de la souffrance. C'est un mieux-être dans un mal-être. Voilà.

Et donc ce n'est pas la même chose que ce que propose le Bouddha. Donc ne pensez pas que le bouddhisme est une voie de développement personnel. Ça l'est, mais a fortiori c'est beaucoup plus. Ça va beaucoup plus loin. Et la méditation n'est pas non plus un moyen de développement personnel seulement.

Ça va beaucoup plus loin. Et ça c'est extrêmement important de le comprendre, surtout à notre époque avec ce développement de la mindfulness. qui en soit, dans les domaines de soins, dans les domaines du stress, etc., est utile, mais en même temps montre vite ses limites. Et d'ailleurs, le but des gens qui font de la mindfulness, ce n'est pas de s'éveiller, ce n'est pas de se libérer de la souffrance fondamentale, c'est juste d'être moins stressé ou de se dissocier un peu de la douleur physique quand c'est une application thérapeutique. Donc c'est complètement différent.

Et on a des fois tendance un peu à confondre tout ça. Surtout à notre époque où il y a une forme de supermarché aussi spirituel et où la spiritualité pénètre même l'entreprise. Après avoir torturé les gens dans l'entreprise, les managers se sont décidés finalement à mettre un peu de baume dans la vie des employés. Et donc maintenant, quelque part, les coachs sont devenus des sortes de... de gourous de l'entreprise, des managers, qui améliorent un petit peu la condition des gens qui travaillent dans l'entreprise.

Mais ce n'est pas, encore une fois, véritablement un but spirituel. D'ailleurs, la preuve, c'est qu'on parle de méditation laïque, ce qui n'a rien à voir avec... D'ailleurs, la méditation, c'est bizarre de l'appeler laïque, parce que de toute façon, elle n'a jamais été réservée spécialement aux moines.

Donc déjà, le terme montre bien qu'il y a un sous-entendu là-dedans. C'est l'idée qu'il ne faut surtout pas qu'on parle du bouddhisme derrière, qui est quand même la source de ça. Et du coup, on a quelque chose d'assez édulcoré. Alors que bon, les quatre vérités nous amènent à vraiment réfléchir très profondément sur nos mots, et à regarder véritablement qu'est-ce qui se passe dans notre existence qui ne va pas.

Donc, la première vérité... La vérité de la souffrance. Alors, le terme, c'est dukkha.

Dukkha, c'est le pendant de sukha en sanscrit. Ça vous avance bien. Mais il y a kha dedans.

Et alors, si vous voulez, juste... Voilà. D'où...

K et sou-ka. Sou-ka, c'est cool, c'est sucré, c'est doux. Sou, c'est vraiment bien. En grec, c'est eux Donc c'est bon, c'est ce qui est bon, c'est ce qui est goûteux, ce qui est agréable, c'est le bien-être, etc.

Donc sou-ka, c'est le bonheur. Donc vous voyez, il y a bien un terme en sanskrit qui signifie bonheur. C'est sou-ka. Et doux-cas, doux, par contre, c'est douloureux, c'est dur.

Il y a quelque chose comme ça, on peut se rappeler au moins, même si ce n'est pas de la vraie étymologie. Il y a quelque chose de très dur dans le doux-cas. En fait, le cas indique le moyeu d'une roue. Le moyeu d'une roue, mais alors là, la roue, elle grince très sévèrement et elle risque de se rompre.

Alors que là, on a mis de l'huile. Et ça roule super bien, sans frottement. Donc là, il est question de dukkha. C'est quand ça grince dans la vie.

Vous avez remarqué, ça grince assez souvent. Voilà. Alors, effectivement, le terme souffrance ne remplit pas complètement l'objectif de traduction. On pourrait aussi dire mal-être.

C'est une forme de mal-être, c'est effectivement une insatisfaction, mais insatisfaction ce n'est pas assez fort, quelque part encore. C'est mal-être, vous voyez. C'est le fait qu'il y a une sorte de malaise derrière les choses, qu'il y a toujours un sentiment d'inachèvement. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond.

Voilà, du cas, ça ne tourne pas rond. Et c'est ça qui est véritablement sous-jacent un peu à tout ce que nous vivons. Même quand ça va bien, on sait que ça ne va pas durer.

C'est clair. Mais aussi, ce qui va mal ne durera pas non plus, puisque c'est impermanent aussi. Ça, c'est la bonne nouvelle de l'impermanence.

C'est que ça va dans un sens et dans l'autre. Mais il y a quand même une insatisfaction profonde dans l'existence. Et même si on devient le plus puissant des hommes, même si on devient le président de la République, il y a des choses qui montrent, des choses jaunes qui montrent que ce n'est pas si...

Ça va pas si bien que ça. Voilà. Et voilà, donc c'est quelque chose dont il faut vraiment petit à petit prendre conscience.

Il ne s'agit pas de penser à une erreur d'interprétation, c'est de dire que le Bouddha aurait dit Sarvam Dukam c'est-à-dire Tout est souffrance Il n'a jamais dit ça. Ça c'est une maxime qui se trouve dans les Upanishads, c'est hindou. Mais ce n'est pas bouddhiste.

Mais il a dit qu'il y avait toujours une possibilité de souffrance sous-jacente à toutes les situations d'existence. Pourquoi ? Parce que notre existence est conditionnée. Et que comme elle est conditionnée, nous ne sommes pas réellement libres. Et que ce manque de liberté, ce conditionnement qui est programmé par ce que nous avons produit avant, etc. c'est quelque chose qui nous entrave dans la vie et qui nous conditionne et qui nous alienne d'une certaine manière.

Et c'est sûr que quelqu'un d'aliéné ou qui est esclave, par exemple, de ses passions, de ses émotions, de ses pensées, n'est pas véritablement quelqu'un d'heureux. Donc voilà, du cas, c'est plutôt cet aspect-là. Alors, du cas, donc...

Voilà ce que dit donc le Bouddha, il dit Voici, ô moine, la vérité des nobles sur la souffrance. La souffrance, la naissance est souffrance. La vieillesse est souffrance. La maladie est souffrance. La mort est souffrance.

Être uni à ce que l'on n'aime pas est souffrance. Être séparé de ce que l'on aime est souffrance. Ne pas obtenir ce que l'on désire est souffrance.

Jusqu'ici tout va bien, on comprend. C'est quelque chose qui nous est familier, on le pratique. En résumé, les cinq agrégats d'attachement sont souffrance.

Là, c'est un peu plus technique. Les cinq agrégats, je ne vais pas rentrer trop dans le détail des cinq agrégats, parce que sinon, ça va faire toute la conférence. Non, mais disons que les cinq agrégats, c'est la manière dont les bouddhistes considèrent tous les éléments qui nous constituent. Parce que nous ne sommes pas véritablement... Comme nous on pense à un individu, c'est-à-dire quelque chose d'unitaire, mais en fait un composé, un phénomène composé de plein de causes et de conditions qui produisent notre existence.

Et donc on n'est pas unitaire, on est multiple. Et c'est ça qui est représenté par les cinq agrégats. Les cinq agrégats, grosso modo c'est le corps et l'essence qui vit. Les organes d'essence du corps qui nous mettent en contact avec le monde à travers nos sens. Les objets d'essence, c'est tout ce que nous percevons.

Par la vue, par l'ouïe, par l'odorat, le toucher, le goût, etc. Et il y a également un sens mental. Mais bon, celui-là ne fait pas partie de ce premier agrégat. Le premier agrégat, c'est l'agrégat des formes. Mais vous voyez, les formes, ça va plus loin que chez nous.

Parce que chez nous, les formes, c'est des formes visuelles, généralement. Mais là, par exemple, les odeurs sont des formes, les sons sont des formes. Ce n'est pas le même champ sémantique du mot forme.

Rupa veut dire beaucoup plus en sanscrit que le mot forme dans nos langues. Mais peu importe, c'est quelque chose, disons, qui constitue en quelque sorte notre support physique. Mais également... le rapport de ce support physique qu'est le corps avec tout son environnement. Parce qu'on ne peut pas considérer le corps tout seul.

Le corps tout seul, c'est un corps mort. Si on est balancé dans l'espace sidéral, il ne faut pas longtemps pour mourir. Nous, nous avons un corps, mais notre corps est toujours en lien avec l'univers, toujours en lien avec notre environnement.

On est toujours dépendant de la nourriture, de la chaleur, du froid, etc. On a besoin de vêtements, etc. Tout ça, ce sont des éléments extérieurs, mais c'est en interaction constante avec le corps. Le corps tout seul ne survit pas. Donc voilà, ce premier agrégat, finalement, c'est tout l'univers perceptible.

Ce n'est pas seulement le corps. Et donc, nous participons de l'univers perceptible. C'est quand même assez fort comme idée.

Alors là, pour le coup, l'environnement, ce n'est pas extérieur. C'est fondamental pour notre survie. Et si on pensait un peu comme ça, les choses iraient peut-être un petit peu mieux.

Le deuxième agrégat, c'est les sensations qui résultent du contact avec les objets d'essence à travers les organes d'essence. Et là, il y a des sensations, agréables, désagréables ou neutres. Et puis, on va repérer les phénomènes que nous percevons à travers ces sensations et on va les cataloguer.

Ça, c'est des représentations mentales que l'on se fait de l'univers qui se donne à nous. Mais dans ces représentations mentales, il y a aussi des préjugés qui vont se mettre en place. Il y a des idées toutes faites, il y a des étiquettes qui vont en fait insidieusement nous décaler par rapport à la réalité. Parce qu'on va finir par appliquer sur un arbre que l'on voit, la première instant on le voit l'arbre, mais après on met l'étiquette arbre et en fait c'est le concept d'arbre qui remplace l'arbre véritable dans notre esprit. Et donc on est décalé par rapport à la réalité.

Et c'est là où se glisse l'illusion. Quand on... On substitue au monde réel un monde de concepts. Et ça, on le fait tout le temps.

C'est en fonction de nos expériences précédentes. Ensuite, il y a toutes les habitudes, tous les conditionnements qui viennent de nos actes passés. Et ça, c'est le quatrième agrégat. C'est ce qu'on appelle les facteurs karmiques.

Les forces, les facteurs de composition, parce qu'ils composent notre existence. C'est en fait, nous sommes, notre existence à chaque instant, subit les effets finalement de ce qu'on a fait auparavant. Donc c'est ça qui nous conditionne, c'est toutes les... toutes l'énergie résiduelle en fait des actes antérieurs. Et c'est ça le karma.

Donc le quatrième agrégat, c'est tous les éléments de notre passé qui conditionnent notre présent. Et tout ce que nous faisons actuellement qui conditionnera notre futur. Et puis enfin, le dernier agrégat, c'est l'agrégat des consciences, c'est-à-dire ce qui en nous est lucide et capable de connaître. Parce que précisément, on n'est pas qu'un corps vivant, on est aussi un corps conscient. Donc ça, c'est les agrégats, c'est ça qui nous constitue, pour le bouddhisme.

C'est une manière de nous considérer. Donc vous voyez, en fait, comme il y a beaucoup de types de sensations, beaucoup de types de représentations mentales, beaucoup de formes, beaucoup de facteurs karmiques, et quand même 6 ou 8 consciences, ça fait du monde. Donc il y a beaucoup de monde à la maison, et on n'est pas unitaire. Mais nous, nous plaquons sur cet ensemble de phénomènes qui sont tous impermanents et qui n'ont pas d'existence en soi. C'est-à-dire qu'aucun de ces éléments ne survit tout seul.

Il faut qu'il soit tout le temps en interaction avec les autres, pour que nous puissions continuer à vivre. Et en même temps, ces éléments sont impermanents, c'est-à-dire qu'ils ne durent que quelques instants ou un instant, mais ils se renouvellent. En fonction des circonstances. Et donc là-dessus, on projette l'idée d'un moi permanent. Alors que tout est impermanent dans ce qui nous constitue, on projette l'idée d'un moi durable.

Et c'est là notre erreur. Et c'est là la méprise fondamentale. C'est ça qui nous amène à parler de la seconde, la deuxième vérité, qui est l'origine de la souffrance.

L'origine de la souffrance, c'est qu'on ramène tout au moi qu'on a constitué de cette manière-là. Mais ce moi n'est qu'une projection mentale. Alors vous voyez, on en fait tout un plat du moi en Occident, parce que la psychologie, on a fait un élément structurel de notre personnalité, qui, s'il n'est pas là, tout fout le camp.

On devient psychotique si on n'a pas de moi. C'est la vision occidentale du moi. C'est-à-dire qu'il y a un moi structurel. En réalité, pour les bouddhistes, ils ne disent pas qu'il n'y a pas de moi, mais c'est juste un processus qu'on essaye de fixer.

Mais la fixation de ce moi est fausse. En tant que processus, ok, il y a un processus, et conventionnellement on peut appeler ça le moi. Mais ce moi n'est jamais le même. Il évolue constamment. Et donc il n'est pas permanent.

Il change constamment. Et c'est ça notre erreur de penser que, et en plus on en fait en quelque sorte notre centre, donc nous sommes égocentriques. Et toutes nos réactions à l'égard de l'extérieur, des autres êtres, sont de ce fait égocentrées. Donc c'est toujours, est-ce que c'est bien pour moi ?

Est-ce que c'est mauvais pour moi ? Est-ce que c'est dangereux pour moi ? Est-ce que c'est intéressant ?

Est-ce que c'est attractif ? Est-ce que je vais pouvoir le faire mien ? Parce que quand il y a le moi, il y a le mien.

Il y a l'instinct de possession. Et qu'est-ce que c'est le mien ? C'est protéger le moi par le maximum de possession.

Et c'est comme ça qu'on continue à alimenter ce système. Mais comme on est égocentré, on a soif de continuer à exister de cette manière-là. Et c'est la soif qui est la cause véritable de notre souffrance. La soif du devenir, la soif de prolonger cette existence encore et encore, même si on s'en prend plein la gueule. On n'en a jamais assez, malgré tout.

Et il y a même une soif d'annihilation qui est comprise dans la seconde, la deuxième vérité, puisque le Bouddha dit à ce niveau-là... Qu'est-ce qu'il nous dit ? Il nous dit Voici au moins la vérité des nobles sur l'origine de la souffrance, c'est cette soif qui produit la renaissance, le redevenir, qui est liée à une avidité passionnée, et qui trouve un nouveau plaisir ici ou là, c'est-à-dire la soif des plaisirs d'essence, celle de l'existence et du devenir, et celle de la non-existence.

Vous voyez, par exemple, le désir de se détruire, dans le suicide, se tuer soi-même, suicide, c'est aussi un désir, mais à l'envers, une soif, mais une soif de ne plus exister. Ça fait partie du phénomène de soif. Donc ça ne peut pas amener non plus la fin de la souffrance. C'est impossible, puisque c'est l'origine de la souffrance. Et donc voilà pourquoi le suicide n'est jamais conseillé.

Ce n'est pas la solution. Il n'y a pas de raccourci clavier, il n'y a pas de zapping dans le système. Donc il va falloir travailler avec le système et arriver à petit à petit déconstruire ce que nous avons construit.

Si on veut véritablement se débarrasser de la souffrance, non pas en surface, mais au plus profond. Parce que c'est ça dont il est question. Le Bouddha, il n'a pas cherché une demi-solution, il a cherché une solution radicale.

C'est éradiquer, enlever la racine de la souffrance. De façon à ce qu'il n'y ait plus de poussée de cette mauvaise plante qu'est la souffrance. Donc vous voyez, c'est... C'est vraiment radical, c'est radical, radical, racine, effectivement. Voilà, donc la souffrance, une fois qu'on connaît son origine et qu'on commence à la comprendre, on observe donc qu'est-ce qui fait que nous prenons le moi comme une référence, alors que c'est une multitude de choses qui bougent tout le temps.

c'est le fait que nous ne comprenons pas notre vraie nature. Et donc ça s'appelle l'ignorance, effectivement. Donc à l'origine du moi, il y a l'ignorance, et le fait de vouloir entretenir ce sentiment du moi à tout prix, c'est la soif. La soif d'existence, la soif du devenir, etc.

Et là on a à peu près tout le mécanisme qui nous pousse à continuer dans cette existence qui est conditionnée et donc douloureuse. Mais comme je vous le disais, il n'y a pas de raccourci clavier. Pourquoi ?

Parce que qu'est-ce qui se passe ? A chaque fois que nous faisons quelque chose, dans un sens de... de comment ?

Soit de... Le désir attachement, de saisie de quelque chose. Il y a toujours de la saisie, même quand on repousse, c'est une saisie.

Mais le désir attachement, le désir de possession, ça c'est vraiment un aspect, c'est attirer et enrichir le moi. Attirer les choses au moi. les fermiennes, et enrichir mon moi, le protéger, le surprotéger.

Un peu comme un Bernard Lhermitte, vous savez, qui prend des débris de n'importe quoi pour créer sa coquille. Vous savez, le Bernard Lhermitte, c'est un crustacé qui n'a pas de coquille. Alors qu'est-ce qu'il fait ? Il prend des tas de débris et il crée sa coquille.

Le moi fait ça. Avec le sentiment du moi, c'est ce qu'on fait. On crée une espèce de coquille, mais qui ne marche pas très bien.

Et puis sinon, il y a des choses qui nous menacent, alors là, on les rejette. C'est l'aversion, c'est la colère, c'est le ressentiment, c'est la rancune, c'est tout ça. C'est le désir de vengeance, etc. Donc tout ce qui est lié à la haine et à l'aversion. Et puis, ce qui n'intéresse pas le moi, nous l'ignorons.

Et ça, en fait, ça participe d'une forme d'inertie ou de stupidité. Et bien ça, c'est les trois poisons. C'est ce qu'on appelle les trois racines de toutes les émotions négatives, de toutes les passions.

Donc il y a une passion qui ramène vers soi, une passion qui repousse, et une passion d'indifférence. C'est les trois fondements. Et si vous regardez bien, si vous analysez dans une journée comment on fonctionne, vous allez découvrir qu'en général on fonctionne sur ces trois schémas.

À tout moment. Et même quand on veut l'éveil, c'est un désir. Quand on ne veut pas souffrir, c'est une aversion. Et quand on en a marre de réfléchir parce que ça nous prend la tête, c'est ignorance.

Mais on est tout le temps là-dedans. Et même quand on fait des choses vertueuses, on est encore là-dedans souvent. Parce que quand on donne, par exemple, on a envie d'un retour. Et ça, quelque part, ce n'est pas vraiment du don. Donc vous voyez, on est toujours là-dedans.

Et finalement, l'être humain qui se croit si supérieur à tous les autres êtres, fonctionne sur le même modèle que n'importe quel être. dans le samsara, et je dirais même que nous n'avons pas tellement évolué depuis les amibes. Parce qu'une amibe fait exactement la même chose. Quand il y a une bactérie dans l'eau, elle va déplacer ses pseudopodes pour englober la bactérie et la digérer.

C'est le désir-attachement. Si jamais vous mettez une goutte de vinaigre dans la boîte de pétri où il y a des amibes, elles vont toutes se déplacer dans l'autre côté. pour éviter le bacide. Vous voyez, il y a toujours ça dans la vie.

Parce que la vie, en fait, ce qu'on appelle la vie, c'est toujours une vie samsarique. Toutes les formes de vie sont dans le samsara. On n'est pas les seuls dans le pétrin.

Mais nous, la particularité de l'existence humaine, c'est que simplement, on a une petite chance de plus d'en sortir parce qu'on peut en prendre conscience. Alors que dans les autres états d'existence, on n'en a pas conscience, on est le nez dans le guidon. Les êtres dans les enfers souffrent tellement qu'ils n'ont pas autre chose à penser que la souffrance.

Les êtres qui sont dans l'avidité la plus totale, ce qu'on appelle les fantômes affamés, ils sont dans l'avidité, il n'y a pas une goutte d'eau, il n'y a pas une miette de nourriture pendant des siècles pour eux. Ils sont totalement dans l'avarice. Et ça c'est le résultat de l'avarice. Donc, il y a des... bon, comment les en faire ?

On dit que c'est le résultat de la haine et de la colère. C'est pas des choses qui sont... c'est pas des domaines dans lesquels on est puni et où on va.

C'est nous qui créons, par notre esprit. Nous créons des projections par notre esprit qui correspondent à nos actes. Et donc, nous sommes les scénaristes de nos existences successives. Comme je le dis souvent, j'aime bien dire ça, on est des mauvais scénaristes, et en plus, on est obligés de se taper le film après. Ça, c'est vraiment problématique quand même.

Parce qu'on fait de la série D, mais en plus, on est obligés de regarder le film après. Donc c'est ça en fait le problème du karma et du conditionnement. C'est que c'est nous qui en réagissant à des situations qui elles-mêmes sont déjà souvent le produit de conditionnement antérieur, qui sont liées à nos conditions karmiques, nous créons des réactions qui sont des réactions émotionnelles, qui créent à nouveau de nouveaux karmas.

Et ça peut durer longtemps. Et c'est pour ça qu'on parle d'une errance dans le samsara qui dure extrêmement longtemps. Tant qu'on ne regarde pas son esprit, tant qu'on ne comprend pas que nous ne sommes pas nos passions, nous ne sommes pas nos pensées, que c'est juste des mouvements dans l'esprit qui s'élèvent et qui retombent, et que si on ne leur donne pas de pouvoir, et bien ils n'en ont pas, et ça c'est la méditation qui nous permet de comprendre ça, et bien tant qu'on ne commence pas à desserrer l'étau de cette espèce de...

de compulsions constantes, d'actions dans le potage, parce qu'on agit mais on est toujours dans le potage, parce qu'on ne voit jamais pourquoi on agit. Et on se débat tout le temps avec ces actions compulsives. Eh bien, évidemment, on ne change rien aux conditions du samsara, ça continue. Et ça peut s'agréver ou alors ça peut s'améliorer, mais temporairement.

Parce que tant qu'on est dans le samsara, c'est temporaire. C'est-à-dire chaque existence a un temps. Et ce n'est pas évolutif, contrairement à ce qu'ont dit les théosophes au début du XXe siècle, qui ont mélangé des tas de notions avec l'évolutionnisme.

Ils nous ont fait croire que les réincarnations étaient évolutives, que nous avions une mission sur Terre. Ce n'est pas ce que dit le bouddhisme. Nous sommes en fait conditionnés par notre karma, et tant que nous n'avons pas compris comment reprendre les rênes, Par la pratique, il n'y a pas de raison que ça s'arrête et c'est, comment dire, inconscient ce qui nous arrive. C'est complètement, on est conditionné. Donc il n'y a pas d'histoire de mission sur Terre, vous n'êtes pas renvoyé sur Terre pour accomplir une mission.

Ça oui, peut-être les grands bodhisattvas, mais nous autres non. Nous ne faisons que continuer à encaisser les mauvais coups que nous avons préparés à l'avance. Donc, ce n'est pas la même chanson, vous voyez. Ce n'est pas une vision romantique.

Le samsara n'est pas romantique. Ce n'est pas un chemin d'évolution. On peut être humain et puis créer toutes les causes d'une renaissance animale.

Et ça, évidemment, personne ne veut entendre ça. Personne ne veut l'entendre. Tellement on est supérieur, n'est-ce pas ? Mais qu'est-ce que nous dit le bouddhisme ? L'être humain, ce n'est pas un être définitif, c'est juste un conditionnement.

C'est un conditionnement d'état humain. Et ça ne dure que le temps de notre vie en tant qu'état humain. Et ça dure de la naissance à la mort. Avec ces agrégats, si. Mais ces agrégats, ils ont été conditionnés par un karma d'être humain.

Mais si on crée des conditions qui sont autres par les actes de cette vie, eh bien nous aurons autre chose par la suite comme agrégat. Ça ne sera pas forcément des agrégats humains. Et donc, nous n'avons aucune garantie de la renaissance qui va venir après. J'espère que ça vous fait flipper un peu. Parce que c'est important de s'en rendre compte, parce que sinon on peut aussi se bercer de beaucoup d'illusions au niveau spirituel.

Parce qu'on a beaucoup édulcoré ce message. Même Shogun Trumpa quand il dit que ce sont des situations de l'existence, ces différents mondes du samsara, on les vit dans cette vie humaine. Non, on en a un avant-goût.

Mais ça ne veut pas dire que ces existences n'ont pas une réalité pour celui qui la vit. Réalité totalement illusoire, bien sûr. Parce que tout ça est illusoire.

Nous ne sommes que des rêveurs. Nous rêvons cette vie humaine, mais peut-être que nous rêverons un autre type de vie dans la vie suivante. Et qu'est-ce que nous avons rêvé avant ? On ne sait pas.

Et donc, c'est ça la condition du samsara. L'origine de la souffrance, ça mène assez loin. Alors, heureusement, après cette déprime totale, il y a la cessation possible de la souffrance. Le Bouddha, après avoir établi le diagnostic dans cette deuxième vérité, nous dit qu'il y a une guérison possible, vous pouvez guérir. Alors, ouf, super, il y a une cessation possible de la souffrance.

Et alors, c'est assez simple la façon dont c'est expliqué, puisqu'il nous dit, voici, aux moines, la vérité des nobles sur la cessation de la souffrance, c'est tout simplement la cessation complète de cette soif, l'abandonner, y renoncer, s'en libérer, s'en détacher. Ça veut dire, c'est pas forcément, c'est pas fuir le monde, c'est pas fuir l'existence. Ce n'est pas se retirer dans une grotte, non. C'est ne plus avoir la même attitude compulsive, c'est commencer à regarder son esprit suffisamment pour commencer à voir comment nous fonctionnons, mieux connaître notre fonctionnement et ne pas être l'esclave de notre fonctionnement compulsif à travers la pratique, à travers toutes les pratiques qui nous sont proposées.

Et ces pratiques, c'est la quatrième vérité. Donc la quatrième vérité, c'est le remède, c'est l'ordonnance. En fait, c'est l'ordonnance. Alors l'ordonnance, il y a un petit hic avec l'ordonnance. Le médecin vous fait une ordonnance, très bien.

Mais si vous la pliez en quatre, et que vous la mettez dans votre poche, et que vous oubliez d'aller chez le pharmacien, et qu'en plus vous prenez, ou même vous allez chez le pharmacien, vous prenez les médicaments, vous faites une collection de médicaments, mais vous ne les prenez pas, il ne va rien se passer. Donc c'est là où le bouddhisme vous dit, mais bougez-vous, bon sang ! Si vous ne bougez pas, les bouddhais... Ils ne peuvent rien pour vous. Les Bouddhas sont des guides, ce ne sont pas des sauveurs.

Donc ça, il faut bien s'en rappeler, c'est l'ordonnance qu'il faut apprendre, et il faut prendre les médicaments. régulièrement si on veut s'en sortir. Donc ça veut dire que ce n'est pas en fait un chemin de feignants. Le bouddhisme n'est pas fait pour les feignants.

C'est un peu... C'est un peu que des fois on se dit qu'il faut vraiment bosser quoi. Mais en même temps si on a quelques considérations en fait pour soi-même et pour autrui ça vaut le coup.

Ça vaut le coup, parce qu'en plus si on arrive à se sortir du bain, on va peut-être pouvoir aider les autres aussi à se sortir du bain, par notre témoignage déjà, le fait qu'on a soi-même effectivement découvert que ce n'était pas inéluctable. Et puis qu'on va croître en sagesse du fait qu'on va aller vers l'éveil et qu'on va pouvoir aider les autres grâce à cette sagesse. Donc la compassion va venir avec ça aussi. Donc voilà, le chemin n'est pas... un chemin tapissé de roses, il n'est pas facile, mais en même temps, ça vaut vraiment le coup.

En plus, on a cette vie humaine, comme je viens de vous le dire, je l'appelle morale, c'est pas forcément pour toujours. Et cette vie, elle est courte. Donc, c'est maintenant qu'il faut employer cette vie humaine.

pour découvrir le maximum de méthodes et de les appliquer pour pouvoir s'affranchir de tous les conditionnements, petit à petit, qui nous mènent à cette situation. Et c'est ça qu'on appelle libération, c'est si on arrive à se débarrasser de cette situation qui est liée à nos comportements. Parce que c'est ça qu'il faut voir, c'est que, comme le disait Chanty-Déva aussi, encore une fois Chanty-Déva, Il disait, si vous avez un champ avec des plantes épineuses, quelle est la meilleure solution ? Recouvrir l'ensemble du champ avec une sorte de tapis qui va vous protéger des épines, ou bien mettre des semelles sous vos chaussures.

Voilà, donc on met des semelles sous ses chaussures. On ne peut pas, comment dire, on n'améliore pas le samsara en tant que tel. C'est pour ça que quelque part il y a un truc un petit peu biaisé dans l'idée d'un développement personnel comme étant la spiritualité de notre époque.

Parce que ça ne va pas nous mener très loin. Parce qu'au moment de la mort, de toute façon, le développement personnel, ça va peut-être un peu améliorer quelque chose. Peut-être qu'on sera un peu moins agressif, peut-être qu'on aura un peu plus de... Effectivement, ça va peut-être un peu améliorer notre condition, ça me serait... Oui, mais ça ne va pas solutionner.

Mais ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas faire du développement personnel. Attention, je n'ai pas dit ça. Bien sûr. Il n'y a pas de mal à se faire du bien. On n'est pas maso.

Donc, le faire, oui, mais ne pas penser que c'est la seule chose à faire. C'est ça, surtout. D'un point de vue bouddhiste, c'est là le piège.

Mais sinon c'est bien. Et par exemple, entretenir son corps le plus possible, ça permet aussi de pratiquer le plus longtemps possible. Si vous êtes plein de problèmes au niveau corporel à un certain âge et que vous n'arrivez même plus à vous mettre sur le coussin, c'est probable, à un moment donné, tôt ou tard on a du mal à se mettre sur un coussin de méditation, mais il faut au moins quand même être capable de continuer à pratiquer le plus possible.

Donc il faut effectivement entretenir le corps, il faut entretenir notre vie, il faut manger correctement, etc. Ça, ça fait partie de l'hygiène de vie et le Bouddha n'a jamais dit qu'il ne fallait pas se soigner. Mais ce n'est pas la solution. Il ne faut pas se tromper dans ce qui est vraiment le plus important. Il faut faire les deux en parallèle.

Mais ce n'est pas un chemin ascétique. Le Bouddha n'a jamais proposé un truc mortificateur. On ne se flagelle pas. On ne fait pas de jeûne dans le bouddhisme. Spécialement, vous avez remarqué, il n'y a pas de jeûne.

Les djaïnes font du jeûne. Mais pas les bouddhistes, ou alors très peu, c'est light. Le new-nay, c'est juste un week-end, ça va.

Donc c'est bien pour la santé. Et le but c'est plutôt de faire une pratique spirituelle. intensive, mais ce n'est pas tellement le jeûne en tant que tel qui est important.

Donc voilà, il n'y a pas ce côté non plus, on se force à, parce qu'on ne peut pas aller plus vite que la machine, mais en même temps, il faut pratiquer d'une manière quand même... si on veut un résultat. Ça met du temps à se mettre en place. Franchement, ça met beaucoup de temps et c'est normal. Parce qu'il faut changer d'habitude, ce n'est pas évident.

Il ne faut pas non plus se forcer, parce que si on se force à la pratique, on va se décourager. Mais si on remet au lendemain, ça ne va pas marcher non plus. Donc toujours pareil, le Bouddha préconisait une voie du milieu. ni l'ascétisme, ni le rien faire.

Donc il y a vraiment une espèce d'équilibre à trouver, c'est toujours une histoire de trouver un équilibre. Et donc, il a proposé un chemin qui comporte trois entraînements et huit... Huit... comment...

Huit branches. C'est l'octuple noble sentier. Alors les huit branches, c'est la roue. La roue du dharma.

Vous avez remarqué que la roue du dharma, classiquement, a la huit branches. Donc la roue du dharma, c'est un peu comme un truc de Popeye, une roue de bateau. J'ai l'habitude de faire une roue à 8, si quand même.

Non, j'ai jamais été bon en maths. Bon, voilà, il y a un moyeu, et il y a 8 rayons qui permettent de tenir la roue. Et c'est ça les 8 branches de la roue du dharma, qui va être la roue antidote à la roue du samsara.

Vous voyez, il y a un parallèle. Et de même qu'il y a huit souffrances qui ont été énoncées dans la première vérité, il y a huit antidotes à la souffrance qui sont les huit branches du chemin octuple. Vous voyez, il y a une sorte de parallélisme.

Et alors, c'est quoi ? C'est la vue juste, la pensée juste, c'est-à-dire une pensée qui n'est plus... soumise à l'ignorance, mais justement à la vue, à la vue juste, c'est-à-dire la sagesse.

Et ça, ça représente l'aspect de sagesse, ces deux-là. Donc, ça veut dire qu'on va regrouper les huit en trois. On va avoir la sagesse, qu'on appelle prajna, qui veut dire la connaissance supérieure ou la connaissance éminente, c'est-à-dire une connaissance du point de vue de la sagesse, pas du point de vue de la connaissance blabla. La sagesse vraiment de ce qu'est réellement l'existence dans sa nature profonde, conforme à la réalité des choses telles qu'elles sont.

C'est ça la sagesse. C'est ça la vue qu'on essaye d'établir. Comprendre ce que nous sommes. véritablement, et comprendre ce qu'est le monde.

Qu'est-ce que c'est que ce monde de phénomènes ? Comment ça fonctionne ? Qu'est-ce qu'il y a derrière le décor ?

Qu'est-ce qu'il y a derrière les apparences ? Est-ce que c'est les apparences qui sont la réalité ? Ou est-ce qu'il y a quelque chose derrière les apparences ? Voilà.

Donc ça, c'est l'aspect de la vue. Donc c'est la vue juste, ou la vue adéquate. Adéquate à quoi ?

Adéquate à la réalité. Samyak en tibétain, en sanskrit, c'est ce qui est ajusté à quelque chose. Donc c'est une vue qui est ajustée à la réalité, et non pas quelque chose qu'on projette sur la réalité. Et la pensée juste va suivre, évidemment.

Ensuite, il y a la parole juste, l'action juste et les moyens d'existence justes. Et ça, ça va représenter des choses du domaine du comportement, de la conduite à mener dans la vie, et notamment par rapport à autrui, par rapport à soi-même, mais surtout aussi par rapport à autrui. C'est ce qu'on appelle l'éthique. La parole juste, c'est quoi ?

Ne pas mentir, ne pas avoir de paroles grossières, ne pas calomnier, et ne pas cultiver le bavardage oisif. Oui, le blabla, vous savez, madame Michu, vous avez vu et puis vous savez pas, etc. Pourquoi ?

Parce que ça amène la distraction et ça amène la calomnie. Et c'est... voilà, c'est pas anodin le bavardage. C'est pour ça que c'est dans les quatre actions de la parole qu'on évite, qu'on essaye d'éviter.

Il y a beaucoup de bavardages chez les bouddhistes, c'est clair, comme chez tout le monde. Mais enfin, on est censé un peu moins partir dans des trucs futiles, dans des bavardages futiles. Parce que, évidemment, si on est concentré, on ne va pas avoir besoin de dire n'importe quoi. Vous avez remarqué que très souvent, les gens n'aiment pas le silence, et qu'ils vont meubler le silence en disant n'importe quoi.

Parce qu'ils n'aiment pas ça. Ils ont peur du silence. Parce qu'ils cessent de rencontrer soi-même quelque part le silence. Ça, ça fait peur. Les gens, ils mettent toujours la radio derrière.

Ou alors la télé. C'est l'arrière-fond. C'est le truc qu'on ne regarde même pas.

Mais c'est là. Ouf ! Ça comble un vide. On est rassuré. Alors, c'est aussi le...

Alors, actuel, maintenant, c'est le smartphone. Vous avez remarqué, les gens, même quand ils sont au resto, ils sont deux, et chacun sur son smartphone. C'est super, le tête-à-tête, le dîner en amoureux.

Voilà. Donc, c'est une agitation permanente, vous voyez, pour ne pas voir la réalité. Bon, alors là, c'est pas la parole juste, enfin, les actes de la parole, mais c'est autre chose.

Mais ce que je veux dire, c'est que... Au niveau de la parole, il faut en quelque sorte avoir une parole qui corresponde véritablement à quelque chose de plus profond. C'est ça qu'on dit. Et surtout, éviter de blesser les autres avec la parole, de mentir, mais de mentir et de se mentir à soi-même, parce qu'il y a la parole intérieure aussi.

On n'arrête pas de se mentir à soi-même. On négocie tout le temps. Et puis, il y a l'action juste.

L'action, c'est l'action physique. Donc là, c'est vraiment ne pas nuire à autrui par... Des actes physiques. Donc il y a trois volets.

C'est ne pas... Alors attention, ce ne sont pas des commandements. Nous ne sommes pas dans la Bible. Ce n'est pas tu ne tueras point.

Tu ne voleras point. Non, ce n'est pas ça. D'ailleurs, il n'y a pas un grand bonhomme avec une barbe qui vous dit ça.

Et ce ne sont pas des tables qui vous tombent dessus de je ne sais pas où. Non, c'est juste des recommandations. Le Bouddha a donné des recommandations. Vous voulez ne plus souffrir, alors évitez ça, parce que ça c'est une cause de souffrance. Mais il n'a jamais dit c'est interdit de C'est un chemin pour des adultes, le bouddhisme, d'une certaine manière.

On ne prend pas les gens pour des enfants, on leur dit ben voilà, vous êtes responsable. On va vous expliquer en quoi vous êtes responsable de votre vie, et c'est à vous de voir. C'est pour ça que d'ailleurs, entre parenthèses, le bouddhisme n'est pas une religion sociale. Elle ne s'occupe pas de régir la société. Elle ne s'occupe pas de sacraliser les mariages.

Parce que les mariages, c'est des histoires humaines. Ça n'a rien à voir avec la religion. Donc il n'y a pas de sacralisation de ce genre de choses parce que c'est mondain. C'est quand même spécial comme religion, parce que la plupart des religions, elles aiment bien maîtriser les gens, vous voyez, dans une société.

Et là, il n'y a pas cet aspect de contrôle social. Par le bouddhisme, en tout cas idéalement, parce que dans la réalité il y en a eu aussi. Mais ce n'est pas dans la nature du bouddhisme que de s'ériger en système.

Par exemple, il n'y a pas un code, il n'y a pas un droit canon comme dans le christianisme. Il n'y a pas un droit canon du bouddhisme. Jamais les bouddhismes n'ont légiféré.

dans les pays bouddhistes. Ils ont influencé peut-être les lois, mais ils ne les ont pas faites. C'est important de se rendre compte de ça. Donc en fait, l'action juste, ça va dire par exemple, je m'efforcerai, d'ailleurs la formule, c'est bien de reprendre les formules en pali par exemple, je m'efforcerai de ne pas vivre au dépend du principe vital des autres êtres. C'est plus que de ne pas tuer.

Ça veut dire ne pas exploiter les autres. Ça veut dire ne pas pomper l'énergie des autres. Ne pas utiliser les animaux, ne pas les mettre en batterie, etc.

Vous voyez ? Tout cet aspect-là. Et ne pas considérer ses employés comme des esclaves. Ne pas, comment dire, capter les économies des gens pour faire de la spéculation.

Toutes ces choses qui sont tellement patentes dans notre monde actuel. En fait, le bouddhisme est très très très subversif en réalité. Et on peut avoir très facilement une critique très pénétrante de la société telle qu'on la vit. en comprenant vraiment les principes du bouddhisme.

C'est assez révolutionnaire quelque part à ce niveau-là. En tout cas, ce qu'il y a, c'est que l'action juste, c'est plus subtil. C'est je m'efforcerai parce qu'on sait que ce n'est pas facile. La vie est dans un schéma prédateur.

Il y a des gens qui ne peuvent pas ne pas manger de viande, par exemple. Bon, même le dailama, il ne peut pas ne pas manger de viande. Il a essayé d'être végétarien, ça ne lui convient pas. Donc on n'est pas non plus extrémiste dans le bouddhisme.

On n'est pas vegan dans le bouddhisme, pas spécialement. Si on peut être végétarien, c'est mieux. Mais si on ne peut pas, on ne va pas se morigéner parce qu'on ne peut pas être végétarien. Mais on va quand même essayer d'éviter, par exemple, de manger de la viande industrielle.

Parce que bon, on essaie quand même d'éviter de participer à une effroyable... roue à broyer les vies, qui est l'agroalimentaire, par exemple. Mais ça, c'est individuel.

Ce ne sont pas des mots d'ordre, véritablement. Ce sont des prises de conscience. Mais le premier, ce n'est pas ne pas tuer seulement.

C'est aussi essayer d'éviter d'être dans cette exploitation de la vie des autres êtres. pour soi-même, égoïstement. Ce n'est pas facile à mettre en application, mais ça oblige à réfléchir beaucoup plus profondément sur soi-même, sur notre rapport aux autres, etc.

Ne pas voler, non, je m'efforcerai de ne pas prendre ce qui n'a pas été donné. Vous trouvez un billet normalement de 50 euros dans la rue, bouddhistement parlant, ce n'est pas évident. Maintenant, s'il n'y a personne autour et que... Bon, mais si vous avez vu le billet tomber d'une poche, votre devoir, c'est d'aller voir la personne, évidemment, et de lui rendre. Enfin, votre devoir.

Il est suggéré. Mais ce que je veux dire, c'est que, par exemple, un moine, strictement parlant, un moine n'a pas le droit même de prendre une pomme sur un pommier, si ce n'est pas un laïc. qui vient prendre la pomme et qui va l'abîmer d'ailleurs.

Il faut qu'il l'abîme avant de la donner aux moines. Pourquoi ? Parce que le moine ne doit pas faire de réserve alimentaire.

Ça, c'est encore autre chose. Ça, c'est l'éthique des moines. Et donc, il doit manger les choses tout de suite. Il ne doit pas faire de réserve. Mais il ne peut pas, lui, normalement, prendre...

Donc, c'est pour ça qu'un moine, vous devez le servir. Ce n'est pas parce qu'ils se comportent comme des pachas, les moines. Non, pas du tout.

Vous devez les servir parce que normalement, ils ne se servent pas. Ce n'est pas évident dans la réalité, parce que sinon les moines meurent de faim, surtout en Occident. Comme les gens ne savent pas ce qu'il faut faire avec les moines, c'est mal barré pour les moines. Mais vous voyez, un moine ne devrait pas avoir une carte Visa.

Il ne doit pas toucher de l'argent, par exemple. Pas facile, dans le monde moderne. C'est comme ça, en tout cas, dans les règles éthiques énoncées par le Bouddha. Et puis, on se dirait de la sexualité.

Ah oui, alors là, qu'est-ce qu'il faut faire avec ça ? C'est délicat. Le terme exact, alors moi je pensais que manger du chocolat, ce n'était pas un problème dans le bouddhisme, si on est trop gourmand, vous voyez.

Ben non, parce qu'en fait, c'est plus subtil que ne pas avoir seulement de relations sexuelles qui peuvent faire souffrir, ce n'est pas seulement ça, non. C'est je m'efforcerais de ne pas... me laisser entraîner dans les sentiers tordus des plaisirs d'essence, autrement dit toute addiction. rentre dans ce cadre, y compris l'addiction au chocolat.

Merde alors ! Je suis bien embêté. Voilà.

Mais c'est pas bien grave. Simplement, voilà. Mais ce que je veux dire, c'est que, bien sûr, alors dans les pays bouddhistes, je veux dire, du sud-est asiatique, on dit, bah c'est pas comme être l'adultère.

Bon, bah oui, mais c'est pas que ça, quoi. C'est ne pas avoir une addiction, et surtout, évidemment, au dépend d'autrui, ça c'est clair. Mais aussi au dépend de soi-même. Quelle qu'elle soit, ce n'est pas seulement le plaisir sexuel qui est en jeu. Et ce n'est pas le plaisir en lui-même qui est problématique, c'est l'attachement au plaisir.

C'est la compulsion de plaisir. Parce que ça, ça fait partie de la soif du devenir. C'est ça qui est problématique.

C'est pas l'acte lui-même, c'est pas le plaisir lui-même. Un bouddhiste peut prendre du plaisir dans les choses. Il peut goûter les choses avec plaisir.

C'est pas un problème. Le 31, vous pouvez faire la fête. Mais le problème, c'est l'attachement à.

C'est l'aliénation au plaisir. C'est ça qui est vraiment représenté par ce troisième point du comportement du corps. Et puis les moyens d'action justes, d'existence juste, ça veut dire que vous ne pouvez plus être trafiquant de drogue, désolé pour vous, vous ne pouvez plus être bouché, enfin bouché, les bouchés de détail, ce n'est pas tellement le cas, mais avant les bouchés, ils tuaient leurs animaux.

C'est pour ça que les bouchers sont mal vus, des fois, dans le bouddhisme, les pauvres. Vous ne pouvez pas vendre des armes. Il y a un ensemble de métiers que vous ne pouvez plus faire.

C'est normal. Il y a des moyens d'existence qui ne sont pas justes à l'égard d'autrui. Parce qu'en fait, ce sont des moyens d'existence qui vont nuire à autrui. On pourrait se poser aussi la question d'une certaine façon de travailler avec les pesticides, etc. Vous voyez, toutes ces choses-là, quand on nuit à autrui, si vous voulez, pour son propre profit, c'est problématique.

Si on empoisonne les gens, etc. Donc les chimistes, attention quoi. Moi j'ai failli être chimiste, ouf.

Mais bon, voilà. Donc voilà. C'est tout ça. C'est une réflexion qui va aller assez loin en réalité.

Vous allez remettre en question un certain nombre de choses, si vous voulez vraiment regarder ça de près. Maintenant, vous n'allez pas vous rendre la vie impossible non plus. Vous faites en fonction de vos possibilités et des circonstances.

Il y a toujours un de mes maîtres qui disait toujours ça, faites avec vos circonstances. Namkhaï Norbu n'arrêtait pas de répéter faites avec vos circonstances. Vous n'allez pas vous rendre la vie impossible, vous faites ce que vous pouvez, en toute lucidité.

C'est ça en fait le chemin bouddhique. Et surtout, il ne s'agit pas de se faire plus de mal que ce qui nous arrive déjà dans la vie. On n'est pas là pour souffrir plus. Donc le chemin spirituel n'est pas fondé sur une culpabilité ni sur une espèce d'assaise qui serait malsaine. Pas du tout.

Et donc, les moyens d'existence justes, ça on comprend assez facilement. L'effort juste, ça il est nécessaire partout. Il est nécessaire pour la vue, il est nécessaire pour l'action.

qui est donc la conduite ou l'éthique, la moralité, l'éthique, mais il sera nécessaire aussi pour la méditation, qui va être le troisième point. Généralement, on le range d'ailleurs dans la méditation, mais en réalité, il est nécessaire partout. Donc on peut dire qu'il est dans les trois sphères de la pratique.

Donc après, vous avez quoi ? Vous avez l'attention juste. Alors là, ça regarde vraiment l'esprit et ça regarde l'aspect de la méditation.

Si vous n'avez aucune attention, vous avez remarqué, quand on fait de la méditation, la première chose qu'on remarque, c'est la distraction. C'est le fait qu'on est pris par ses pensées et qu'on est à 10 km de là où on devrait être. Donc l'attention, c'est ce qui ramène l'esprit à son objet. et qui lui permet de se fixer sur un objet précis.

Vous avez remarqué également que quand on se fixe sur un objet précis, nous, on oublie le reste. Normalement, l'attention doit devenir de plus en plus précise. Elle est fondamentale parce qu'on ne peut pas calmer l'esprit si on n'a pas d'attention.

Il va continuer à gamberger. Le faire même d'une façon très subtile, même s'il y a moins de pensées grossières, il y a les pensées rampantes qui vont venir, qui vont grignoter votre méditation. Donc l'attention, elle est hyper importante.

Et le recueillement juste qui vient ultimement, c'est ce qu'on appelle le samadhi, c'est la capacité de rester sans effort particulier sur un seul objet. sans que le corps ni l'esprit aient une difficulté quelconque à rester le temps qu'il faut sur cet objet. Ça, c'est le début du samadhi.

C'est le début vraiment de là où on va pouvoir commencer à travailler sérieusement sur l'esprit. Donc ça, c'est l'aspect de la méditation. C'est donc samadhi. Alors vous voyez, il y a la vue.

Enfin, il y a le... La vue, c'est-à-dire le prajna, la connaissance, connaissance juste. L'éthique, shila, l'éthique. Ça peut vouloir dire aussi prendre des vœux, etc. Par la suite, il y a toutes les possibilités possibles et imaginables.

Mais les vœux, c'est juste pour, disons, se faciliter la tâche dans la pratique. C'est pour regarder mieux combien on a du mal à les garder. Parce que vous prenez par exemple des vœux une journée, c'est intéressant de prendre des vœux une journée. Prenez le vœu pendant une journée par exemple de ne pas mentir. Regardez, vous allez voir toutes les occasions que vous avez de mentir, c'est très intéressant.

Et c'est tout le temps, c'est une manière d'introspection, vous voyez aussi les vœux. Donc ça fait progresser. Et il ne faut pas... On n'est pas là pour se...

Je vous le dis encore une fois, même si on s'est menti plusieurs fois dans la journée, on a dit qu'il ne fallait pas mentir, c'est bien parce qu'on a progressé dans le fait de se connaître. C'est extrêmement important. Et puis on a fait quand même un effort dans le sens où, et on peut continuer à le refaire, etc. Et puis petit à petit, ça va améliorer les choses.

C'est un entraînement. C'est un entraînement. Donc voilà.

Donc le troisième, c'est la méditation. Méditation, c'est le samadhi. Mais alors, on l'a dans l'ordre, vous voyez, dans le cadre de vérité, on a la vue d'abord, enfin la sagesse d'abord. Ensuite, on a l'éthique et on a ensuite la méditation.

Ça paraît bizarre, ce n'est pas l'ordre dans lequel on l'apprend en général. Alors pourquoi il y a cet ordre-là et pourquoi quand on l'enseigne en général... C'est dans l'ordre la discipline, l'éthique si vous préférez, la méditation et la sagesse en dernier. Parce que si vous voulez, le Bouddha quand il a enseigné, il a enseigné à une élite spirituelle. C'est-à-dire les 5 à 7, les fameux 5 à 7 qui étaient ses premiers disciples.

Ils n'ont pas mis longtemps à piger. Ils étaient prêts, quelque part. Et donc, ils ont tout de suite compris les vérités, et ils sont devenus des arates, c'est-à-dire qu'ils se sont libérés du samsara. À l'écoute même de l'enseignement des quatre vérités. Vous voyez ?

Ça n'a pas été long pour eux. Donc, pour eux, la première chose qui arrive, c'est la vue, c'est la connaissance. Parce qu'ils sont mûrs, donc ils ont la connaissance qui arrive.

Et comme ils ont la connaissance juste, ils vont conformer leur comportement à cette connaissance. Donc en deuxième vient effectivement l'éthique. L'éthique est une conséquence de la vue dans ce cas-là. C'est des gens qui sont très mûrs.

Et puis finalement, la méditation, c'est pour consolider. Donc ça vient en dernier. C'est juste pour consolider la vue. C'est un peu comme dans le zen, vous avez des gens qui font un satori, une illumination soudaine, mais ce qu'on ne vous dit pas quand vous lisez des histoires de maîtres zen, on ne le dit pas jusqu'au bout. En général, quand quelqu'un a un satori, il n'est pas un maître zen pour autant.

Après, il part dans la forêt ou dans la montagne pendant dix ans pour stabiliser. Si vous regardez vraiment les biographies de maîtres chinois, c'est toujours comme ça. Ce n'est pas un éveil soudain, une fois pour toutes, vous voyez. Non.

Il y a une stabilisation nécessaire. Donc, c'est éveil soudain, culture graduelle. Ça ne sert à rien d'opposer un chemin trop graduel et puis un chemin trop direct.

Parce qu'en réalité, même un chemin direct, ça veut dire qu'on a travaillé beaucoup avant. Et la gradualité, c'est le chemin le plus sûr pour arriver au point où on est mûr pour justement que ça se passe. Donc ce n'est pas contradictoire en réalité.

Ce qu'il y a, c'est que le chemin, il va être... Comment dire ? Pourquoi je vous parle de ça, la gradualité ? Oui, parce que quand on présente les choses autrement, c'est parce qu'après, le Bouddha a eu beaucoup de disciples. Et ils n'étaient pas tous prêts de s'éveiller, vous voyez.

Plus vous avez de monde, et moins ça suit. Et alors, il faut être plus démocratique. Donc il faut prendre les gens par la main et il faut être pédagogique.

Et donc la pédagogie pour tout le monde, c'est plutôt déjà de donner un cadre éthique, parce que c'est la première chose que les gens peuvent faire assez facilement, essayer de se comporter un petit peu mieux, prendre quelques vœux. Ce qui va faciliter à la fois leur vie, ça va la simplifier, ça sera moins compliqué, et puis surtout ça va permettre de faciliter la vie des autres. Parce que si on a un comportement vertueux, les autres en profitent.

Vous serez moins violent avec eux, vous serez moins pervers, vous serez moins etc. Donc tout le monde a à y gagner. Et puis ça donne l'assise d'une discipline, dans laquelle vous allez pouvoir régulièrement rentrer dans la pratique de la méditation.

Et la méditation va être capitale, parce que c'est ça, c'est le travail sur l'esprit. Parce que si vous ne prenez que des vœux et qu'à l'intérieur vous bouillez avec des tempéraments impossibles et que vous avez toujours un caractère de chien, même si vous avez pris des vœux, vous n'allez pas vraiment progresser, vous voyez. Si vous ne travaillez pas sur l'esprit, si vous ne désamorcez pas les conditionnements de l'esprit. Donc c'est hyper important la méditation après, vous voyez. C'est là où le travail de fond se fait.

Vous posez les choses et vous évitez le pire avec l'éthique. Mais après, vous travaillez, vous creusez grâce à la méditation, de façon à désamorcer tous les comportements qui habituellement ne sont pas éthiques. Mais vous allez à la racine, grâce à votre compréhension de l'esprit, parce que tout vient de l'esprit. Et en plus, petit à petit, vous aiguisez aussi votre connaissance des choses, des phénomènes, de vous-même, à travers la méditation, et vous voyez émerger, prajna, la connaissance. Et cette connaissance devient de plus en plus certaine sur la réalité, et non plus une connaissance sur l'illusion, qui est fausse.

Vous voyez, la connaissance, elle peut être vraie ou fausse. On peut connaître, je ne sais pas moi, on peut apprendre à connaître, je ne sais pas, comment dire... Oui, par exemple, on peut apprendre à connaître toutes les contrées de Game of Thrones, vous voyez. Mais tout ça, c'est imaginaire, ça ne sert à rien. C'est amusant, ça occupe.

Mais ce n'est pas la réalité. C'est une connaissance fondée sur quelque chose de complètement illusoire. Ce n'est pas pour autant que ce n'est pas amusant. Mais enfin, on n'a pas tant de temps que ça.

Peut-être qu'il y a d'autres choses à faire plus importantes que d'apprendre une géographie imaginaire. Je parle pour moi. Mais voilà. C'est ça, je veux dire, la connaissance, elle peut être fausse ou elle peut être vraie.

Il y a des gens très intelligents, qui ont beaucoup de connaissances, et qui ont une vie épouvantable. On en connaît tous. Donc, ce n'est pas l'intelligence et la connaissance en tant que telles, qui sont des valeurs sûres, c'est la manière dont c'est posé, véritablement, et par rapport à quoi. Et c'est tout, c'est ça qui est vraiment le fond du problème. Mais voyez, cette discipline éthique, méditation et connaissance qui arrive au bout de ça, ça a un sens pour tout le monde.

C'est pour ça que c'est enseigné de cette manière-là au plus grand nombre. Mais par exemple, dans le Dzogchen, on aura une tendance à revenir au modèle du Bouddha, dans les cas de vérité, parce que c'est un chemin direct. Dans le tchano aussi.

Qu'est-ce qu'on va mettre en avant ? La vue. Et le reste suivra.

Voilà. Donc on ne va pas vous mettre des règles au départ. On va surtout vous dire, comprenez qui vous êtes, qu'est-ce que vous faites, comment vous êtes, etc.

Qu'est-ce que la réalité ? Évidemment, c'est le chemin le plus direct, si on comprend la réalité. Mais si on ne la comprend pas tout de suite, c'est tout à fait sage de commencer par une discipline éthique et de creuser avec la méditation, d'étudier.

Parce que par exemple l'étude, vous savez la connaissance, il y a tant de choses qui sont en train de se faire. Il y a trois outils de sagesse qui vous permettent d'étudier. C'est écouter les enseignements, sans filtre de préférence, pas tout rapporter à ce qu'on connaît et ce qu'on ne connaît pas.

Donc, vous savez, il y a l'histoire des bols. Il y a un bol qui est plein de saloperies. C'est sûr que si vous mettez de l'eau pure dedans, ça ne va pas rester pur.

Donc si vous avez plein de préjugés déjà et que vous recevez l'enseignement en mêlant ça avec ce que vous croyez, l'enseignement n'aura pas d'impact. Ça peut être un bol percé, c'est-à-dire que vous ne retenez rien de ce qui est dit. Et puis ça peut être un bol retourné, c'est-à-dire les gens qui sont bloqués, qui ne veulent rien entendre. Donc évidemment, ça, ce n'est pas adéquat pour recevoir une connaissance. Mais si vous connaissez les choses, déjà, en écoutant les enseignements, vous comprenez.

C'est la première étape de la connaissance. Et puis ensuite, vous allez clarifier ce que vous n'avez pas compris. Donc vous allez étudier pour ça.

Et vous allez poser des questions au maître, etc. Et vous allez clarifier. Et c'est hyper important, le travail de clarification.

Parce que c'est ça qui vous permet de comprendre un peu comment tout ça fonctionne bien. L'enseignement, c'est un tout. Avec plein de notions qui font relier entre elles. Et ça, c'est un gros travail.

Quand on commence à relier toutes les notions, ça devient génial le dharma. Mais avant, quel casse-tête ! Donc ne vous inquiétez pas si c'est le casse-tête pour l'instant, c'est normal. Il faut du temps, il faut laisser du temps au temps.

Mais c'est passionnant en plus. Alors, pourquoi s'en priver ? Donc il faut prendre plaisir au dharma. Vous voyez, regardez, je n'ai pas une tête d'enterrement quand je vous dis ça. C'est génial le dharma.

Et puis on n'est jamais déçu. Il y a toujours des trucs à découvrir. Et puis je vous dis, c'est encore mieux que Star Wars, où des fois, il y a des enseignements qui sont tellement hallucinants que vous vous dites, la science-fiction à côté, ce n'est pas grand-chose. Donc vous voyez, il y a plein de choses à découvrir. Et donc c'est comme ça qu'on arrive petit à petit à l'évêque, parce que, évidemment, la connaissance qu'on a par la compréhension, qu'on clarifie...

par l'étude, par l'approfondissement et par la clarification, ensuite, on la met en pratique aussi, par la méditation. Parce qu'en fait, quand on a de la philosophie dans le bouddhisme, il ne faut pas croire qu'on philosophe comme en Occident, c'est-à-dire en se prenant la tête. Non, c'est sur le coussin que ça se produit. Si vous voulez comprendre la vacuité, ce n'est pas en réfléchissant sur un texte de Nagarjuna dans le train.

Ce n'est pas seulement ça, en tout cas. Oui, ça en fait partie. Mais ça ne suffira pas.

C'est dans votre pratique de méditation que vous allez petit à petit découvrir ce qu'est la vacuité dans votre expérience. Et là, ça va vouloir dire quelque chose, parce que ça sera expérimenté. Donc la connaissance, il y a ces trois strates dans la connaissance, ces trois outils qu'il faut utiliser.

Donc la méditation, ça va vous amener naturellement à la connaissance de la réalité et à la liberté, parce que quand on connaît, on est libre. Plus on connaît vraiment ce qu'il faut connaître, c'est-à-dire la vraie nature des choses, et plus on est libre. Voilà.