Bonjour à tous et bienvenue dans cette seconde vidéo de la série sur le carbone. Dans la première vidéo, on avait vu les échanges rapides au sein du cycle du carbone et notamment comment nos émissions de CO2 se retrouvaient en partie dans les océans et la végétation. Dans cette seconde vidéo, je vais essayer de répondre à une question bien plus complexe qu'elle en a l'air. Combien de temps nos émissions de CO2 vont rester dans l'atmosphère ?
Pour pouvoir y répondre, je vais expliquer la partie océanique du cycle du carbone. Par rapport à la dernière fois, on va regarder des mécanismes sur un temps plus long, de quelques décennies à des centaines de millions d'années. Pour vous y retrouver facilement ou sauter à une partie précise, je vous ai fait un petit plan qui devrait s'afficher dans votre barre de lecture. C'est une nouveauté YouTube appréciable.
Je vous ai également fait un format plus court qui se concentre uniquement sur le devenir de nos émissions de CO2 et qui résume donc une partie de cette vidéo. Vous le savez probablement, les activités humaines ont considérablement augmenté la concentration en CO2 dans l'atmosphère depuis 1850. Et il y a une question que je me posais depuis longtemps mais pour laquelle je n'avais qu'une réponse assez approximative. Est-ce que cette concentration va redescendre spontanément à son niveau d'avant la révolution industrielle ? Et si oui, en combien de temps ?
C'est effectivement une question qui vient immédiatement à l'esprit vu l'importance du CO2 pour le climat et tout ça. Donc une vidéo qui s'annonce intéressante. Tiens, t'es de retour toi.
Eh ouais mon grand, pas mal de commentaires de la dernière vidéo dans laquelle tu m'avais jugé inutile m'ont fait revenir sur scène. Travailleur indispensable. Non seulement ces commentaires n'étaient pas unanimes mais ils réclamaient également une présence un peu plus diluée. J'espère que tu sauras te limiter aux remarques pertinentes.
On en était où déjà ? Pourquoi c'est si compliqué de savoir combien de temps nos émissions de CO2 restent dans l'atmosphère ? Il faut bien comprendre que ce qui va nous intéresser ce n'est pas un temps de présence.
On ne va pas regarder combien de temps une molécule de CO2, par exemple issue de la combustion de ressources fossiles, va rester dans l'atmosphère mais combien de temps il faudrait pour que la concentration en CO2 atmosphérique diminue. La différence est importante vu qu'il y a des échanges dans tous les sens. Si une molécule sort de l'atmosphère mais qu'une autre prend sa place, on n'a pas changé la concentration atmosphérique de CO2. Et je dois commencer par souligner la spécificité du CO2 par rapport à d'autres gaz à effet de serre. Le CO2 est une molécule stable qui ne va pas pas être dégradé dans l'atmosphère, contrairement à beaucoup d'autres gaz à effet de serre.
Prenons le méthane par exemple qui est un autre gaz à effet de serre produit entre autres par les activités humaines. Le méthane est détruit dans l'atmosphère en une dizaine d'années ou plutôt transformé en eau et en CO2. Si on prend le protoxyde d'azote, encore un autre gaz à effet de serre produit entre autres par les activités humaines, il est détruit dans l'atmosphère en moyenne en 110 ans.
Pour ces molécules, on peut se faire facilement une idée de la durée pendant laquelle elles subsistent dans l'atmosphère et donc de leur impact. La concentration en CO2 atmosphérique ne va pas décroître avec la destruction du CO2 mais avec le stockage d'une partie de ce carbone ailleurs, par exemple dans la végétation ou les océans. Ça t'en avais parlé la dernière fois, oui même si tu ne voulais pas de moi, j'ai écouté. T'avais dit qu'une partie des émissions se retrouvaient dans la végétation et à la surface des océans. Du coup, je suppose qu'il y a genre un nouvel équilibre et ça peut plus diminuer ?
Si mais principalement via des mécanismes dont l'on n'a pas discuté dans la précédente vidéo. On trouve du carbone sous nos pieds que l'on parle du sol, des ressources fossiles ou de certaines roches et on en trouve également dans les océans. Le carbone dans ces stocks va aussi être échangé mais sur des temps plus longs allant de quelques décennies à plusieurs centaines de millions d'années.
Dans la dernière vidéo, on avait vu que les océans contiennent une très grande quantité de carbone. presque 50 fois plus que l'atmosphère. Et c'est entre autres pour ça que c'est l'océan qui va jouer le plus grand rôle dans l'évolution à long terme de la concentration atmosphérique en CO2.
Je préviens tout de suite que je ne vais pas parler du stockage organique de carbone dans les sols, dont on parlera sans doute dans une autre vidéo mais qui est limité en taille et joue un rôle plutôt faible dans l'évolution à long terme de la concentration en CO2 atmosphérique. Ce sont vraiment les mécanismes océaniques que l'on va voir maintenant qui jouent un rôle important sur l'évolution à long terme du cycle du carbone. Mais t'avais déjà parlé des océans la dernière fois ? Oui mais j'avais bien insisté qu'on ne considérait que la surface des océans et les océans sont loin d'être des masses d'eau complètement homogènes.
Différents paramètres comme la température, la salinité ou la présence de lumière changent radicalement quand on s'enfonce dans l'océan. Pour décrire les océans, on les sépare souvent en une partie superficielle et une partie profonde. Dans les couches superficielles des océans, il y a suffisamment de lumière pour...
pour permettre la photosynthèse et cet aspect est tellement important que ça peut être le critère justifiant la différence entre les couches de surface et les couches profondes. On désigne par exemple la zone photique comme la zone où la photosynthèse est possible, donc où il y a au moins 1% de la lumière reçue par la surface. Cette zone peut s'étendre jusqu'à 200 mètres de profondeur. Mais suivant la turbidité de l'eau, cette limite peut être beaucoup moins profonde et n'est que de quelques dizaines de centimètres dans des eaux très boueuses à l'embouchure d'un fleuve par exemple.
En dessous de cette limite, la photosynthèse n'est plus possible et les organismes vivants se nourrissent majoritairement de la matière organique produite au-dessus d'eux. Dans la couche suivante, la lumière devient de plus en plus rare allant d'1% de la lumière reçue par la surface à l'obscurité absolue qui se situe environ à 1000 mètres de profondeur dans des eaux limpides. Vu l'importance de la photosynthèse pour les écosystèmes, ce critère de la lumière est souvent utilisé par les biologistes pour différencier la surface des océans de ses profondeurs. Ok, donc c'est la lumière qui fait la différence entre la surface des océans et ses profondeurs.
Oui, c'est une possibilité. Mais la surface des océans, c'est aussi la zone en contact avec l'atmosphère où les gaz présents dans l'air comme le dioxygène ou le dioxyde de carbone peuvent se dissoudre dans l'eau. On peut aussi définir la surface des océans comme la zone où les eaux se mélangent bien et forment une couche homogène en termes par exemple de température ou de salinité.
La profondeur de cette couche bien mélangée dépend du vent, de l'ensoleillement et de la différence de température entre l'air et l'eau. Elle varie donc avec la latitude et avec les saisons et va de quelques mètres à quelques centaines de mètres. Pour quelqu'un qui étudie la chimie des océans ou la température des différentes couches, il est plus logique de considérer une limite basée sur ce mélange des eaux que sur le critère de la lumière. Donc là on a deux approches différentes pour couper les océans en deux. Mais pour le cycle du carbone, laquelle est la meilleure ?
Eh bien, ça dépend des papiers scientifiques et ce n'est pas toujours bien précisé ce qui ne simplifie pas la compréhension. Dans les représentations du cycle du carbone que j'ai pu voir, on considère que la surface des océans est constituée par ses 100 premiers mètres. C'est une limite simple mais utile qui repose sur les deux grandes notions que j'ai présentées. Les océans sont un peu plus subtils qu'une séparation en deux avec une profondeur qui serait toujours la même. Mais dans la suite de la vidéo, je désignerai les 100 premiers mètres quand je parlerai de surface des océans.
et tout ce qu'il y a en dessous quand je parlerai des profondeurs des océans. Pour que cette vidéo soit le plus claire possible, je vais compléter ce schéma au fur et à mesure. Pour l'instant, on a juste séparé les océans en une couche superficielle et une couche profonde. Ces deux couches ne sont évidemment pas à l'échelle puisque l'océan peut s'étendre jusqu'à 11 km de profondeur.
Il faut surtout retenir que la surface des océans et ses profondeurs sont deux univers radicalement différents. Pour grossir le trait, les profondeurs des océans sont plus froides que leur surface. Elles sont privées de lumière, la pression y est énorme puisqu'elle augmente d'un bar toutes les 10 mètres et d'autres paramètres comme la concentration en dioxygène ou en nutriments sont également différents.
Et du coup ces deux parties des océans ne se mélangent pas du tout ? Genre les eaux de surface restent à la surface ? Si et tu sais sans doute qu'il y a des courants océaniques comme le célèbre Gulf Stream.
C'est ça. Ces courants ont différents moteurs comme le vent, l'effet coriolis dû à la rotation de la Terre, les différences de température et de salinité, etc. Beaucoup de courants à la surface des océans sont dus au vent qui va pousser l'eau dans une certaine direction et à cause des frottements mettre en mouvement les masses d'eau en dessous.
Mais ce qui nous intéresse dans cette vidéo, ce sont surtout les courants qui permettent les échanges entre la surface et les profondeurs. Ne faites pas attention au rectangle un peu plus clair sur cette figure, c'est un zoom qu'on verra un peu plus loin. Dans certaines régions du monde, l'eau plonge vers les profondeurs. On parle de downwelling en anglais mais le terme français a l'air d'être simplement plongée d'eau. Vous voyez sur cette jolie carte que les plongées d'eau ont lieu aux hautes latitudes de l'hémisphère nord et de l'hémisphère sud.
La masse d'un volume d'eau augmente quand la température diminue. et augmente avec la salinité. Dans les zones polaires, l'eau est refroidie par l'atmosphère et la formation de banquises en hiver peut également augmenter la salinité, ce qui fait augmenter la densité des masses d'eau et les flux plongés vers les profondeurs. Comme la température et la salinité sont les moteurs de ces courants océaniques, on parle de circulation thermo-haline. Comme de l'eau plonge en certains endroits des océans, il faut bien que l'eau remonte ailleurs.
Ces remontées se font au niveau de l'équateur mais surtout au niveau de certaines côtes et on en parlera un peu plus loin. L'endroit où l'eau remonte dépend en grande partie des vents mais je ne vais pas détailler ces mécanismes. J'utilise un visuel d'un site de vulgarisation exceptionnel sur l'océan et le climat.
que je vous conseille fortement. Vous y trouverez du contenu d'excellente qualité et disponible en français. Au cours de mes recherches, j'ai été particulièrement frappé par d'autres représentations de la circulation thermohaline qui placent l'Antarctique au centre. Vous aurez peut-être besoin de mettre sur pause pour interpréter ces représentations peu usuelles mais elles permettent de montrer efficacement le rôle central de la circulation autour de l'Antarctique pour homogénéiser tous les océans du monde. Les scientifiques estiment qu'il faut 1000 à 1500 ans à une molécule d'eau pour faire le tour de la circulation thermohaline.
La circulation océanique en général est très importante pour le climat, soit directement en transportant de grandes quantités de chaleur, soit indirectement en jouant un rôle clé dans le cycle du carbone. Non mais ne commence pas à partir dans le climat, concentrons-nous sur le carbone. Pourquoi cette circulation océanique joue un rôle dans le cycle du carbone ? Pour le comprendre, il faut s'intéresser au carbone dans les océans. Pour ça, on considère deux grandes formes de carbone.
Le carbone organique qu'on verra un peu plus loin et le carbone inorganique. Le carbone inorganique dans les océans prend plusieurs formes. Comme on l'avait vu dans la dernière vidéo, le CO2 atmosphérique est en équilibre au niveau de la surface avec du CO2 dissous qui est lui-même en équilibre avec l'acide carbonique, l'ion bicarbonate et l'ion carbonate.
L'équilibre entre acide carbonique, ion bicarbonate et ion carbonate est un équilibre acido-basique qui peut s'écrire en une seule ligne. On peut représenter l'équilibre acido-basique sur ce type de diagramme qui montre la prépondérance des différentes formes en fonction du pH. Vu que la réaction entre l'acide carbonique et le CO2 dissous est très rapide, on ne différencie pas souvent ces deux formes. Dans une eau très acide, l'essentiel du carbone inorganique sera sous forme d'acide carbonique alors qu'il sera sous forme de carbonate dans une eau très basique. Les océans sont légèrement basiques avec un pH autour de 8,1.
C'est donc l'ion bicarbonate qui est majoritaire. Quand on parle de carbone inorganique dissous, on désigne ces quatre molécules et ces quatre molécules vont nous servir dans toute cette vidéo donc gardez-les dans un coin de votre tête. Retenez aussi que l'équilibre qui existe entre ces quatre formes et le CO2 atmosphérique a une conséquence directe.
La quantité totale de carbone inorganique dissous que peut contenir l'océan augmente avec la quantité de CO2 dans l'atmosphère. Dans la dernière vidéo, on avait également vu que la solubilité du CO2 dans l'eau dépendait entre autres de la température. Plus l'eau est froide, plus on peut dissoudre de gaz dedans.
Le déséquilibre entre le CO2 contenu dans l'atmosphère et celui contenu dans l'eau peut se faire dans les deux sens. Une eau trop riche en CO2 dissous par rapport à la concentration atmosphérique va dégazer du CO2, un peu comme une bouteille d'eau gazeuse que vous laisseriez ouverte en dehors du frigo. A l'inverse, si la surface de l'océan est trop pauvre en CO2 dissous par rapport à la concentration atmosphérique, du CO2 atmosphérique va se dissoudre dans l'eau. Dans la dernière vidéo, un détail que je n'ai pas abordé vous a peut-être interpellé sur la figure concernant les stocks de carbone.
On voit que les émissions humaines se dissolvent en partie dans les océans y ajoutant environ 2,5 gigatonnes de carbone par an. On voit aussi que les océans libèrent 90 gigatonnes de carbone par an et en absorbent autant. Ces deux flux sont dus au déséquilibre entre le CO2 atmosphérique et le CO2 dissous dans la couche superficielle des océans. Attends, comment les océans peuvent relarguer et absorber du CO2 ? Il ne peut pas y avoir un déséquilibre dans les deux sens !
Pour le comprendre, on va regarder une belle représentation en coupe de l'Atlantique, le zoom d'une figure qu'on a précédemment utilisée. A gauche vous avez l'Antarctique et à droite l'Arctique. Lorsque l'eau de surface des océans refroidit en montant vers les hautes latitudes, elle va se charger en carbone inorganique dissous.
Si cette eau plonge, elle va donc amener du carbone inorganique à plusieurs kilomètres de profondeur où l'eau est froide et peut donc contenir davantage de carbone. Cette eau froide et chargée en carbone inorganique va ensuite remonter en différents endroits du monde où elle va se réchauffer jusqu'à dégazer une partie du carbone contenu. Il y a donc bien deux flux, un flux au niveau des zones froides où du CO2 atmosphérique est dissous à la surface des océans et un flux dans des zones chaudes, le plus souvent au niveau des remontées d'eau où du CO2 est dégazé depuis les océans vers l'atmosphère.
Les flux de carbone à la surface des océans sont plutôt bien connus et vous pourrez trouver des cartes comme celle-ci qui montrent les émissions par les océans en rouge et les absorptions en violet. C'est la circulation thermo-haline qui explique la répartition de ces flux. Le carbone dégazé a passé un bon moment dans les profondeurs des océans puisque faire un petit tour avec la circulation thermo-haline prend entre 1000 et 1500 ans.
Je reprends mon petit schéma que je peux maintenant compléter. J'indique les flux associés au dégazage et à la dissolution du CO2 à la surface des océans. A cause de nos émissions de CO2, ces deux flux ne sont pas tout à fait équilibrés et on y reviendra.
En 2018, la quantité de carbone contenue dans l'atmosphère était d'environ 860 gigatonnes. L'atmosphère contient donc aujourd'hui environ autant de carbone que les 100 premiers mètres des océans. Mais les couches profondes des océans contiennent presque 50 fois plus de carbone que l'atmosphère sous forme de carbone inorganique dissous. La circulation thermohaline permet deux flux entre ses stocks.
Et si je quantifie ces flux, on voit qu'ils ne sont pas équilibrés. La circulation thermohaline fait remonter davantage de carbone à la surface des océans qu'elle n'en fait plonger vers le fond. Et pour comprendre ça, il faut s'intéresser à la vie dans les océans. Dans la dernière vidéo, on avait vu que le carbone était un élément constitutif du vivant et donc que les organismes vivants faisaient partie intégrante du cycle du carbone et c'est aussi le cas dans les océans. C'est ce que nous avons vu.
Comme sur les terres, la photosynthèse permet à certains organismes vivants de créer de la matière organique dont ils ont besoin pour se développer. Le phytoplankton produit de la matière organique à partir du carbone inorganique dissous dans les océans grâce aux rayonnements solaires. Ce qui fait du phytoplankton la base de la chaîne alimentaire marine tout comme les plantes sont la base de la chaîne alimentaire terrestre. Les organismes capables de créer de la matière organique à partir de matières inorganiques et d'énergie sont appelés des producteurs primaires. C'est le cas des arbres et du phytoplankton et ce n'est pas notre cas.
Pour survivre, on doit consommer de la matière organique produite par d'autres organismes vivants. Ce sont les producteurs primaires qui sont responsables du flux de carbone entre un stock inorganique comme l'atmosphère ou le carbone inorganique dissous dans les océans vers un stock organique comme la végétation ou une population de poissons. Cette matière organique peut ensuite être consommée par la respiration cellulaire et retournée sous forme inorganique à l'atmosphère ou dans l'océan.
Si l'écosystème est à l'équilibre, le flux de carbone capturé par la photosynthèse est égal à celui respiré par les organismes vivants. Pour aller un peu plus loin, on peut regarder ce qu'on appelle la production primaire nette. Les plantes terrestres captent annuellement 120 milliards de tonnes de carbone par an par la photosynthèse.
Mais ces plantes aussi doivent respirer et donc consommer une partie de la matière organique qu'elles ont produite pour leur propre métabolisme. Et elles en consomment environ la moitié. La production primaire nette est la production de matière organique qui n'est pas consommée par le producteur primaire. Notre plante, en l'occurrence. Si on regarde la production primaire nette sur Terre, on voit que les continents sont plus productifs au mètre carré que les océans, sauf dans les zones glacées et dans les zones désertiques.
Mais les océans sont bien plus vastes. Si on calcule la production primaire nette sur l'ensemble des océans et sur l'ensemble des continents, on trouve sensiblement la même chose, autour de 50 gigatonnes de carbone par an. Autrement dit, les organismes photosynthétiques sur les terres et dans les océans, mettent approximativement la même quantité de matière organique à disposition du reste de la chaîne alimentaire. Du coup, dans la dernière vidéo, pourquoi tu n'as pas plus parlé de la vie dans les océans si ça produit autant de matière organique que sur les continents ?
Parce qu'en termes de stock de carbone dans la biomasse, c'est très très loin d'être moitié-moitié. Si je reprends l'article que j'ai utilisé la dernière fois pour vous parler de la masse en carbone des organismes vivants, On voit que celle stockée dans la biomasse terrestre est supérieure à celle stockée dans la profondeur du sol par les bactéries et les archées et surtout bien supérieure à celle qui est stockée dans les océans. Les organismes vivants sur les continents stockent 80 fois plus de carbone que les organismes vivants dans les océans.
Non mais là il y a un truc que je n'ai pas compris. Tu nous expliques que la production primaire nette c'est en gros la même sur les continents et dans les océans mais il y a beaucoup plus de matière organique sur les continents que dans les océans. Comment c'est possible ? En fait, c'est juste que les producteurs primaires dans les océans n'accumulent pas de matière organique. La matière qu'ils produisent va être rapidement utilisée par le reste de la chaîne alimentaire marine, par les poissons par exemple.
C'est un peu comme s'il n'y avait que quelques millimètres d'herbe sur les continents et plein d'animaux qui la broutaient continuellement. Et c'est ce que vous pouvez voir sur cette figure. La biomasse terrestre est dominée par les producteurs primaires, notamment les arbres. A l'inverse, la masse des producteurs primaires dans les océans est inférieure à la masse de ceux qui s'en nourrissent. Et je trouve ça assez fascinant que l'organisation de la vie dans les océans soit fondamentalement différente de celle sur les continents.
En gros, tu t'émerveilles que les continents soient couverts d'arbres et les océans pleins de poissons. C'est bien. Et la matière organique dans les océans, elle devient quoi ? Maintenant, je peux reprendre mon schéma pour le compléter. Pour simplifier la compréhension, je vais noter en noir le carbone inorganique et en vert le carbone organique.
L'ensemble des organismes vivants dans les océans contient 3 à 6 gigatonnes de carbone suivant la référence qu'on utilise. Mais on a vu juste avant que la masse du vivant dans les océans, c'était 6 gigatonnes de carbone, non ? Oui, mais les représentations classiques de cycles de carbone donnent plutôt 3 gigatonnes. C'est aussi le moment pour moi de signaler que j'essaye de vous donner des chiffres les plus justes possibles mais on peut trouver des quantifications un peu différentes. Plutôt que montrer tout ce qui existe, ce qui serait vite rébarbatif, j'essaye de mettre ce qu'il y a de plus représentatif et de vous signaler s'il y a des grosses incertitudes ou des incertitudes qui ont un impact.
Que ce soit 3 ou 6 gigatonnes de carbone, c'est un stock extrêmement faible devant le carbone inorganique dissous dans les océans. Ces organismes vivants contiennent du carbone organique mais c'est aussi le cas de leurs cadavres et de leurs excrétats. Et oui, c'est le terme pour désigner tout ce qui est excrété par un organisme vivant. Donc c'est bien plus large que les sols d'éjection. L'essentiel du carbone organique dans les océans a été formé dans les océans eux-mêmes par la photosynthèse mais une petite partie peut provenir des continents.
Par exemple quand les rivières charrient des végétaux ou quand les incendies font tomber des cendres dans les océans. Une grande partie de ce carbone organique est consommé en surface des océans par la respiration des organismes vivants et retourne donc au stock de carbone inorganique. On voit qu'entre ces deux flux, on a une différence de 13 gigatonnes de carbone par an.
Ces 13 gigatonnes de carbone organique sont exportés vers les profondeurs des océans. Pour comprendre ce qui arrive à ce flux, il faut le différencier sur un critère physique. D'un côté, on va avoir des particules organiques, donc des petits bouts de matière, par exemple des petits cadavres de plancton ou des excréments de poisson, et de l'autre, le carbone organique dissous.
dessous. Les particules organiques peuvent tomber vers le fond. Plus une particule est grosse plus elle va tomber rapidement.
Enfin, rapidement. Pour avoir un ordre de grandeur, une particule organique d'un dixième de millimètre met plusieurs jours à tomber de plusieurs kilomètres vers le fond marin si elle ne se fait pas grignoter en chemin. Une particule 100 fois plus petite, donc d'un micromètre, met plusieurs centaines d'années à faire le même trajet.
Pour me simplifier la vie, je vais représenter ces particules comme si elles faisaient toutes la même taille. Cette pluie ininterrompue de détritus marins tombant des couches supérieures de l'océan est appelée neige marine et ça sert de nourriture pour la majorité de la vie océanique. Lors de cette lente descente ou une fois qu'elle a atteint le fond océanique, la quasi-totalité de cette matière organique va être consommée par la vie marine. et le carbone organique va retourner dans l'océan sous forme inorganique en étant respiré par les organismes vivants.
J'ai représenté une seule flèche mais cette neige marine est consommée à toutes les profondeurs de l'océan par les organismes vivants. Ok et qu'est-ce qui arrive à ce carbone organique dissous ? Il s'accumule sans fin ? Le carbone organique dissous regroupe un trait grand nombre de molécules différentes.
Je ne vais même pas donner d'exemple parce que c'est un sacré bazar. La majorité des molécules dissoutes vont être consommées rapidement après leur dissolution, notamment par la vie microbienne des océans et donc retournées sous forme de carbone inorganique. Une minuscule fraction du carbone organique dissout n'est pas consommée facilement par la vie marine.
C'est en quelque sorte des déchets dont aucun organisme vivant ne veut. Mais comme la nature n'a pas de poubelle pour ses déchets, ces molécules s'accumulent dans les océans et forment la majorité du stock de carbone organique dissous, estimé à 700 gigatonnes de carbone. Autrement dit, ces molécules organiques dissoutes dont aucun organisme vivant ne veut contient plus de 100 fois plus de carbone organique que l'ensemble des organismes marins vivant dans les océans et presque autant de carbone que l'atmosphère.
Bon, c'est vrai que 700 gigatonnes, donc 700 milliards de tonnes de carbone, ça doit faire un gros paquet. Mais dans un litre d'eau de mer, il y en a beaucoup ? Eh bien non. Les océans constituent un volume d'eau difficilement imaginable. Si on ramène tout ça à un litre d'eau de mer, on y trouvera environ 5 mg de carbone de molécules organiques dissoutes.
Le rythme de production des molécules organiques qui composent la majorité de ce stock est très faible, de l'ordre d'un millième de la production primaire. Mais leur durée de vie peut être de plus de 10 000 ans. Elles se sont donc accumulées sur un temps très long. Ce carbone organique dissous ne va pas être important pour le reste de la vidéo.
Je pense que c'était quand même important de mentionner qu'il forme un stock non négligeable qui dépend de nombreux paramètres dont l'activité biologique des océans. Et comme ça devient un peu illisible, on va réorganiser tout ça. Voilà. Maintenant, on voit clairement que la chute de la matière organique vers le fond des océans provoque un flux de carbone d'environ 13 gigatonnes par an de la surface vers les profondeurs.
Ce flux est contrebalancé au niveau des remontées d'eau. Si les remontées d'eau sont aussi riches en carbone, c'est aussi parce qu'elles ramènent à la surface le carbone inorganique qui a été utilisé pour la photosynthèse en surface des océans mais qui a été respiré dans ses profondeurs. Juste un truc, je ne veux pas insinuer que tu ne sais pas faire une addition mais 90 plus 13 ça fait pas 101. Il y a un petit problème dans ta figure, non ? Non, il y a bien un déséquilibre. On a vu que nos émissions de CO2 provoquaient un déséquilibre en surface des océans entre le flux de dégazage de CO2 et celui de dissolution.
A cause des émissions de CO2 par les sociétés humaines, il y a aussi un déséquilibre dans les profondeurs des océans. Ce déséquilibre est la conséquence directe de nos émissions de CO2 qui augmente le stock de carbone inorganique dissous dans les profondeurs des océans. Ok.
Mais s'il n'y avait pas les émissions par les sociétés humaines, ces deux flux seraient exactement équivalents ? Pratiquement mais pas exactement parce qu'une très faible proportion des particules de matière organique atteignant le fond marin est ensevelie sous les sédiments. Une fois ensevelie, cette matière organique peut rester dans les sédiments pendant de très longues périodes de temps.
Et est-ce qu'il y a beaucoup de matière organique qui se fait piéger dans les sédiments ? Non et en plus ce n'est pas du tout quelque chose qui se fait au même rythme partout. Pour le comprendre, il faut d'abord regarder où de la matière organique est produite. et c'est ce qui illustre cette carte.
On voit que la vie se concentre sur les côtes et même sur certaines plus que d'autres. Ces zones de grande activité biologique correspondent souvent aux zones de remontée d'eau. On a vu qu'une partie de la matière organique produite en surface des océans est consommée dans ces profondeurs et que ce flux s'accompagnait d'un transfert de carbone de la surface vers la profondeur des océans. Mais s'accompagne aussi d'un transfert de nutriments indispensable aux vivants et c'est pour ça que les zones de remontée d'eau sont riches en nutriments.
La circulation océanique est donc une variable importante pour comprendre où la vie se concentre dans les océans. Elle est d'une très grande importance pour la vie marine parce qu'elle permet de faire remonter à la surface les nutriments qui, sans ça, resteraient coincés dans la profondeur des océans où l'obscurité rend la photosynthèse strictement impossible. Sur cette seconde carte, on voit le pourcentage de matière organique dans les sédiments.
Vous voyez que ce n'est jamais beaucoup, de l'ordre de quelques pourcents maximum. Et vous constatez également que ce n'est pas du tout quelque chose d'uniforme dans les océans. Les zones où il y a beaucoup de matière organique dans les sédiments sont souvent des zones où le fond a très peu d'oxygène, ce qui limite considérablement l'activité microbienne et la décomposition. C'est le cas de la mer Noire où les sédiments contiennent environ 5% de matière organique parce qu'il y a presque plus d'oxygène en dessous de 200 mètres de profondeur.
Dans les zones de remontée d'eau, il y a une forte production de matière organique et les eaux remontant des profondeurs sont plus pauvres en oxygène que les eaux de surface. Il n'y a donc pas assez d'oxygène pour assurer une décomposition totale et rapide de la matière organique, d'où l'accumulation d'un peu de matière organique dans les sédiments. Et la matière organique qui va dans les sédiments, on sait quantifier ça précisément ? Quantifier ça précisément est très difficile.
Pour avoir un ordre de grandeur, les valeurs données dans la littérature se situent souvent entre 0,1 et 0,3 gigatonnes de carbone par an. Mais on peut trouver des quantifications plus extrêmes. Moins d'un pour cent de la matière organique produite dans les océans finit enfouie dans les sédiments. Ce flux est donc faible mais à long terme il est très important parce qu'il permet potentiellement de séquestrer du carbone sur des périodes de plusieurs centaines de millions d'années.
Mais avant de s'intéresser au devenir de la matière organique dans les sédiments, il faut que je vous présente un autre mécanisme du cycle du carbone dans les océans. On a déjà dit que les organismes vivants utilisent le carbone inorganique dissous pour produire de la matière organique par le biais de la photosynthèse. Mais les organismes vivants utilisent également le carbone inorganique dissous pour former des parties dures.
et notamment des coquilles en carbonate de calcium. Le carbonate de calcium peut former différents minéraux suivant la façon dont les molécules sont agencées entre elles. Le vivant et notamment les organismes marins forment des structures en aragonite ou en calcite.
Dans le langage courant, on désigne les différentes formes de carbonate de calcium par calcaire. Cette production de structures minérales calcaires par le vivant est tout simplement nommée biominéralisation que l'on parle de la production de grandes structures comme les récifs coralliens. ou de minuscules coquilles comme c'est le cas de certains planctons. Et même des organismes vivants microscopiques comme le phytoplancton forment des structures calcaires pour se protéger.
Le carbone contenu dans ces structures calcaires est encore du carbone inorganique donc on va le représenter en noir. Mais ce n'est plus du carbone inorganique dissous mais des particules de carbone inorganique. Et comme c'est une particule, ça va tomber vers le fond marin. Exactement, ces parties calcaires vont tomber vers le fond marin quand l'organisme qui la produit meurt ou mue. Mais ces particules ne vont pas forcément atteindre le fond de l'océan.
La solubilité de cette coquille calcaire dépend de la pression, de la température et de la concentration de différentes espèces chimiques. En tombant vers le fond des océans, la température diminue et la pression augmente, augmentant la solubilité du carbonate de calcium qui va se dissoudre naturellement dans l'eau à partir d'une certaine profondeur. On a ici en général deux seuils. à un seuil de saturation où cette dissolution commence et un seuil dit de compensation où la vitesse de dissolution est suffisante pour dissoudre tout le carbonate de calcium qui tombe depuis la surface océanique.
Au-dessus du seuil de saturation, les coquilles calcaires vont se déposer sur le front et former des sédiments. En dessous du seuil de compensation, les carbonates vont être dissous dans l'eau suivant la réaction inverse de leur formation. Et entre les deux, la dissolution est partielle. Il y a formation de sédiments mais à un rythme plus lent.
Ces seuils ne sont pas les mêmes pour l'aragonite et la calcite. L'aragonite étant plus facile à dissoudre, son seuil se situe moins profondément. C'est aussi pour cette raison que les organismes marins produisant de l'aragonite, comme les coraux, sont plus sensibles aux problèmes d'acidification des océans que ceux produisant de la calcite, comme les huîtres ou une bonne partie du plancton. La profondeur de ces seuils n'est pas la même dans tous les océans du monde car elle dépend de nombreux paramètres physico-chimiques.
Le seuil de compensation des carbonates varie en gros entre 4000 et 6000 mètres de profondeur. En dessous, il ne peut pas y avoir de sédimentation de particules de carbone inorganique. Si les coquilles calcaires parviennent à former des sédiments, ces sédiments vont contenir des quantités importantes de carbone sous forme de calcaire. Dans les sédiments, on a donc de la matière organique et du carbonate de calcium. Je vais tout mettre dans la même boîte que je vais appeler tout simplement sédiments.
Ces sédiments peuvent être affectés par des changements, par exemple de la chimie des océans qui peuvent entraîner le relargage d'une partie du carbone contenu dans ces sédiments. La partie superficielle des sédiments est en quelque sorte en équilibre avec les océans. Vous pouvez aussi voir que j'ai trouvé dans la littérature des quantifications assez différentes pour les flux vers ces sédiments. La représentation du cycle du carbone présente dans le cinquième rapport du GIEC donne un flux de 0,2 gigatonnes de carbone par an en saumon carbone organique et inorganique.
C'est donc dans la fourchette base de ce que j'ai pu trouver par ailleurs. Le flux de carbone organique et inorganique vers les sédiments est sans doute le plus incertain de ce que je vous présente dans cette vidéo. Si les sédiments sont protégés sur un temps long, ils peuvent, dans certaines conditions, former des roches sédimentaires. Pour le carbone inorganique, il sera alors contenu dans des roches sédimentaires calcaires.
Pour le carbone organique, si une roche sédimentaire se forme contenant ce carbone, on parle de roche mère. C'est cette roche qui, dans des conditions très particulières, peut former du pétrole et du gaz naturel auxquels nos sociétés sont accros. C'est ce flux qui permet de stocker du carbone sur des temps géologiques supérieurs aux millions d'années. Et on peut souligner qu'il est dû à l'activité biologique des océans. C'est le vivant qui séquestre le carbone sur le long terme.
Et si on regarde le stock de carbone dans ces roches, c'est beaucoup ? Eh oui, la croûte terrestre contiendrait 78 millions de tonnes de carbone dans des roches sédimentaires, donc près de 2000 fois plus que tout le carbone dissous dans les océans. Ce stock est constitué pour environ 85% par des roches calcaires et 15% par de la matière organique, principalement du kérogène mais aussi les ressources fossiles qui en découlent, charbon, pétrole et gaz naturel. Du coup, le carbonate de calcium et la matière organique dans les sédiments, ça permet en gros de sortir du carbone du cycle. Mais si ça en sort continuellement du cycle, au bout d'un moment, il n'y a plus de CO2 dans l'atmosphère.
Il doit y avoir un truc que je n'ai pas compris. On parle de cycle du carbone du cycle du carbone. Mais tous les atomes de carbone ne vont pas faire le même cycle. On peut voir le cycle du carbone comme un ensemble de stocks et d'échanges entre ces stocks.
Mais on pourrait aussi essayer d'y voir plusieurs boucles. Par exemple, dans ce qu'on a vu jusque maintenant, on a une boucle au niveau de la photosynthèse et de la respiration. Un atome de carbone va passer dans cette boucle un temps qui va en gros du jour à l'année. Un atome de carbone qui ferait le tour de la circulation thermohaline mettrait plutôt un millier d'années à parcourir cette boucle.
Et s'il passe par les sédiments mais finit par en ressortir, il peut y rester une bonne dizaine de milliers d'années. Mais quand on s'intéresse aux roches sédimentaires, on parle de boucles bien plus longues qui sont plutôt de l'ordre de centaines de millions d'années. Mais si tu dis que ça fait une boucle, ça veut dire que le carbone peut sortir des roches sédimentaires.
Et du coup, comment il fait ça ? Oui et pour ça, il y a deux grandes possibilités. La première possibilité demande de faire appel au volcanisme et c'est un sujet qu'on va se garder de côté pour une prochaine vidéo. Parce que ça ne nous aide pas à comprendre le devenir de nos émissions de CO2.
Et je vais laisser un invité vous présenter la seconde possibilité. Bonjour à tous, moi c'est Seb de la chaîne Sous Nos Pieds, et je suis ici pour vous parler de cailloux. Une possibilité pour libérer ce carbone coincé dans les roches sédimentaires, c'est le processus d'altération. Pour ça... Il faut que le mouvement des continents ramène ses dépôts sédimentaires jusqu'à la surface.
Si des roches sédimentaires riches en matière organique se retrouvent exposées aux éléments, cette matière organique va être décomposée par différents mécanismes. Prenons l'exemple des sables bitumineux de l'Alberta. Des dépôts de sable dont la forme des couches nous permet de reconstituer les méandres des rivières dans lesquelles ils se sont déposés il y a 120 millions d'années.
Entre ces grains de sable se trouve du bitume, du pétrole qui aurait été transformé en remontant à la surface. Les molécules les plus simples, celles qui donnaient au pétrole son aspect liquide, se seraient échappées de la roche ou auraient été décomposées par l'activité microbienne, ce qui n'aurait laissé que les molécules les plus complexes rendant le pétrole plus lourd et visqueux. Les ressources fossiles qui se trouvent près de la surface peuvent ainsi être décomposées.
Une bonne partie de la matière organique est relâchée dans l'atmosphère sous forme de méthane, qui sera dégradée par des réactions chimiques en une dizaine d'années, ou sous forme de CO2, ce qui clôt après des dizaines de millions d'années une boucle très longue du cycle du carbone. Pour les roches calcaires, il en existe de nombreux types, mais l'exemple le plus emblématique pour cette vidéo est sans doute celui des falaises de craie, comme celle que vous avez pu voir dans dans la cinématique d'intro de Rodolphe. Cette roche sédimentaire est principalement composée de cocolites, des petites plaques de carbonate de calcium qui servaient de coque protectrice à des algues planctoniques unicellulaires.
Après leur accumulation, des minéraux, comme du carbonate de calcium, vont précipiter entre ces cocolites, transformant le sédiment en une roche solide, une roche sédimentaire. Quand on parcourt ces falaises, on marche donc sur une épaisse couche de déchets naturels qui se sont accumulés pendant des millions d'années, lorsqu'une merge. chaude recouvrait l'Europe.
Quand cette mer se retire et que les roches sédimentaires affleurent, elles sont soumises à l'altération et notamment à l'attaque légèrement acide de l'eau de pluie qui contient du CO2 dissous et donc de l'acide carbonique qui va venir relâcher les éléments piégés dans la roche. Merci Seb pour ce petit passage et merci pour la relecture du texte qui me permet d'être plus précis sur les concepts géologiques. Je vous recommande fortement d'aller jeter un coup d'œil à sa chaîne sous nos pieds. Donc si du carbone fossile finit par retrouver son chemin jusqu'à la surface, il va se retrouver dans l'atmosphère. Mais le carbone qui sort des roches calcaires, il finit aussi dans l'atmosphère ?
Non et on va voir tout ça d'un peu plus près. Pour simplifier, on peut prendre de la craie ultra pure composée uniquement de carbonate de calcium. Sous l'action de l'acide carbonique, on va dissoudre tout ça et avoir un ion Ca2+, dissous dans l'eau et deux ions bicarbonate.
Les ions bicarbonate et calcium sont transportés par les rivières jusqu'à l'océan. Un truc que je n'ai pas expliqué avant c'est que la quantité totale de carbone inorganique dissous augmente quand le pH augmente. Plus les océans sont basiques, plus ils peuvent contenir de carbone inorganique dissous pour une concentration atmosphérique fixée.
Ajouter des ions bicarbonate dans l'océan le rend plus basique et permet donc d'augmenter la quantité de carbone inorganique dissous. Cette érosion chimique, qu'on appelle une altération, va donc permettre de retirer une molécule de CO2 de l'atmosphère par carbonate de calcium dissous. Le calcium qui est apporté dans les océans par l'altération des roches calcaires peut être mobilisé par des organismes vivants pour former des coquilles calcaires. Si la réaction de dissolution de carbonate de calcium rend la solution plus basique, la réaction inverse de formation de carbonate de calcium rend évidemment la solution plus acide.
Quand le vivant produit du carbonate de calcium par la biominéralisation, il acidifie donc très légèrement les océans. La conséquence, c'est que la biominéralisation va utiliser un ion bicarbonate pour former du carbonate de calcium en émettant une molécule de CO2 vers l'atmosphère. Si ce carbonate de calcium est stocké à long terme dans les sédiments et retourne sous forme de roches sédimentaires, on aura fait une boucle. L'érosion initiale aura capté une molécule de CO2 de l'atmosphère et la biominéralisation l'y aura renvoyée et le carbonate de calcium initialement dissous sera retourné au stock géologique.
Si la formation de roches sédimentaires calcaires est exactement compensée par leur érosion, on ne change pas la concentration en CO2 atmosphérique. Mais sur des temps longs, un déséquilibre peut se faire dans un sens ou dans l'autre entre le flux produisant les roches sédimentaires et le flux d'altération de ces roches. Par contre, il y a un autre type de roches dont l'altération a un effet bien différent.
Les roches silicatées composent 97% du poids de la croûte terrestre. Il y a de nombreuses roches silicatées différentes mais pour avoir un exemple simple de l'effet de leur altération, je vais prendre de la wolastonite qui est un minéral du groupe des silicates de formule CaSiO3. On retrouve un atome de calcium comme dans les roches calcaires mais pas d'atome de carbone.
Au contact de l'atmosphère, ce minéral va subir l'attaque acide de l'acide carbonique. La dissolution de la wolastonite va libérer dans l'eau un ion calcium, deux ions bicarbonate et du dioxyde de silicium qui peut par exemple former des argiles. L'altération de ces roches permet donc de sortir du carbone de l'atmosphère, deux molécules de CO2 par atome de calcium. L'apport d'ions bicarbonate permet d'augmenter la quantité de carbone inorganique dissous dans les océans comme dans le cas précédent. Si l'ion calcium libéré est utilisé par des organismes vivants pour former du carbonate de calcium, un atome de carbone pourra être stocké dans des roches sédimentaires calcaires alors qu'un autre retournera vers l'atmosphère sous forme de CO2.
Ici, le bilan n'est pas nul et on séquestre une molécule de CO2 sur le long terme. Ce mécanisme de formation de roches calcaires à partir de roches silicatées permet donc de stocker du carbone sur un temps très long. Si je reprends mon schéma, je peux ajouter deux flux qui sont liés à l'altération des carbonates et des silicates.
Dans les quantifications que j'ai pu voir, ces deux flux sont identiques et valent 0,2 gigatonnes de carbone par an. Dans le cas des carbonates, la moitié de ce flux provient de la roche altérée alors qu'il provient entièrement de l'atmosphère dans le cas des silicates. Le stock de carbone dans la croûte terrestre dépend donc de l'altération des roches sédimentaires, de l'altération des silicates et de la formation de roches sédimentaires. En réalité, il faut plus que ces mécanismes pour comprendre l'évolution à long terme du cycle du carbone. Mais j'avais besoin de ces deux-là pour répondre à la question qui nous intéresse ici.
Oui parce qu'au début tu voulais expliquer combien de temps nos émissions de CO2 restent dans l'atmosphère et on n'a pas commencé à en parler. Et bien maintenant, on a tout ce qu'il faut pour enfin répondre à cette question. En gros, à cause des activités humaines, il y a un surplus de CO2 dans l'atmosphère. La difficulté pour décrire ce qui va arriver c'est qu'on continue d'émettre beaucoup de CO2.
Pour avoir une vision claire de ce qui arrive à un surplus de CO2 atmosphérique, il faut se mettre dans une situation fictive où on ajoute énormément de CO2 d'un coup à l'atmosphère. Et ensuite, on arrête tout et on se contente de voir comment ce CO2 décroît. Dans la littérature scientifique, on peut trouver plusieurs itérations de cette approche.
Ici, je vais utiliser une figure du cinquième rapport du GIEC parce que c'est la plus lisible que j'ai pu trouver. Mais je vous laisse des articles scientifiques plus récents avec les autres sources sur la page dédiée dont vous trouverez le lien en description de la vidéo. On ajoute initialement 100 gigatonnes de carbone à l'atmosphère et on regarde comment ce surplus décroît. Une émission de 100 gigatonnes de carbone correspond à une dizaine de fois ce qui a été émis par les sociétés humaines en 2019. Dans un premier temps, comme on l'a vu dans la dernière vidéo, une partie de nos émissions se retrouve dans les océans et dans la végétation sur les continents. Mais les absorptions par les continents sont vite saturées donc on va se concentrer sur les océans.
Le CO2 se dissout dans la partie superficielle des océans où il augmente le stock de carbone inorganique. Cet apport de CO2 va réduire la concentration en ions carbonate, augmenter celle des ions bicarbonate et donc acidifier ces eaux de surface. Cette dissolution d'une partie du surplus de CO2 à la surface des océans se fait immédiatement et c'est quelque chose qu'on observe déjà aujourd'hui.
Contrairement à la végétation terrestre, le carbone n'est pas limitant pour les écosystèmes marins et il n'y a a priori pas ou peu d'effet de fertilisation du CO2. La vie marine joue un rôle limité dans la réduction initiale du CO2 atmosphérique. On regarde ici un processus physico-chimique.
Ces eaux de surface dont la composition chimique a été modifiée par le surplus de CO2 vont plonger dans les profondeurs de l'océan grâce à la circulation thermohaline et augmenter le stock de carbone inorganique dans les profondeurs des océans. Cette étape d'homogénéisation est, elle aussi, à l'œuvre aujourd'hui et on en a parlé quand j'ai expliqué que nos émissions provoquaient un déséquilibre au niveau des couches profondes des océans. Ces deux mécanismes dominent la décroissance pendant le premier siècle que l'on voit représentée ici et permettent de réduire de 60% le surplus initial de CO2 atmosphérique. Les petits bouts de calcaire dont on a longuement parlé sont faits de carbonate de calcium. Le carbonate de calcium dans l'eau est en équilibre avec les espèces qui le composent, donc avec les ions calcium et carbonate.
Or, on a dit que la dissolution du CO2 dans les océans diminue. la concentration en ion carbonate. La dissolution du carbonate de calcium va donc être facilitée, ce qui va avoir deux effets. D'abord, moins de carbonate de calcium va atteindre le fond marin et rejoindre les sédiments.
Ensuite, une partie du carbonate de calcium contenu dans les sédiments marins va également être dissoute. D'ailleurs, ce phénomène serait déjà observé dans différentes régions du monde et notamment au niveau des plongées d'eau. La perturbation en cours est donc en train de marquer la production de sédiments. Ce qui laissera très probablement une trace dans les roches sédimentaires.
Nous marquons la géologie de la planète pour des centaines de millions d'années. Sur un temps qui s'étend de plusieurs centaines à quelques milliers d'années, la dissolution du carbonate de calcium dans les sédiments va légèrement basifier les océans, ce qui permet de stocker davantage de carbone inorganique sous forme dissoute et donc de retirer du CO2 de l'atmosphère. L'acidification initiale de la surface des océans est donc lentement contrebalancée par ce mécanisme qui se joue sur des milliers d'années.
Et c'est un point important, l'acidification des océans qui est une des conséquences directes de nos émissions de CO2 est problématique parce que les modifications en cours sont très très rapides par rapport aux temps caractéristiques des mécanismes océaniques. La même quantité de CO2 émise vers l'atmosphère sur un temps beaucoup plus lent n'aurait pas d'effet aussi délétère car l'acidification résultante serait neutralisée petit à petit. Pour l'acidification des océans, il est très clair que c'est l'incroyable vitesse de nos émissions qui pose problème.
On voit sur cette figure que le mécanisme de dissolution du carbonate de calcium dans les sédiments permet de réduire d'environ 15% de plus le surplus initial de CO2 atmosphérique. Mais attention, l'échelle de temps n'est pas la même sur cette deuxième partie. On peut y voir que dans 1000 ans, il restera donc environ 25% du CO2 qu'on émet aujourd'hui dans l'atmosphère. Ce qui est une fraction importante.
Une fois que les eaux de surface et de profondeur se sont bien mélangées, le carbone inorganique dans les océans est de nouveau en équilibre avec l'atmosphère. Mais la concentration en CO2 atmosphérique est encore supérieure à ce qu'elle était avant qu'on y ajoute un surplus. Pour revenir à la concentration en CO2 initiale, il faut attendre que l'altération des roches ait un effet significatif. Dans un climat plus chaud à cause de l'ajout de ce CO2, on s'attend à avoir davantage d'érosion parce qu'il y aura globalement plus de précipitations.
L'augmentation de l'érosion induite par l'augmentation de CO2 est donc une rétroaction négative dans le cycle du carbone. Dans un premier temps, vu que moins de carbonate de calcium atteint les sédiments mais que les roches sédimentaires continuent d'être altérées, un déséquilibre se crée qui augmente la quantité de carbone inorganique dans les océans. L'apport continu d'ion calcium par l'altération facilite la production de carbonate de calcium et sa stabilité. L'enfouissement de carbone dans les sédiments marins finit donc par reprendre son rythme d'avant la perturbation. L'altération des carbonates est alors à nouveau en équilibre avec leur formation.
Si on suppose également que les flux d'enfouissement et de relargage de matières organiques sont à l'équilibre, il n'y a alors plus que l'altération des silicates qui permet de séquestrer du carbone sur des temps géologiques. Encore une fois, on change d'échelle de temps pour cette troisième partie où la décroissance est principalement due à l'altération des roches. On voit que même 10 000 ans après l'émission de 100 gigatonnes de carbone, il en reste un peu plus de 10% dans l'atmosphère.
Il faudrait une échelle de temps bien plus longue, de l'ordre de plusieurs centaines de milliers d'années. pour retourner à la concentration existante avant l'émission de ce CO2. On voit également sur cette troisième partie deux autres courbes qui correspondent à d'énormes émissions de CO2, l'équivalent d'une centaine de fois les émissions de 2019 en jaune et 500 fois en rouge. Ces courbes sont juste là pour montrer que le pourcentage restant dans l'atmosphère dépend de la quantité initiale qu'on y ajoute. Les mécanismes dont on parle ici ne sont pas linéaires et une partie d'entre eux peuvent saturer.
Vous comprenez maintenant pourquoi il est impossible de donner une réponse simple à la question combien de temps les émissions de CO2 auront un impact sur le climat. Une fraction de ces émissions sera retirée de l'atmosphère en quelques décennies alors qu'une autre fraction y restera pour des dizaines de milliers d'années. En tout cas, il est assez clair que nos émissions de CO2, contrairement à d'autres gaz à effet de serre, vont modifier notre environnement sur un temps extrêmement long. Franchement, je n'aurais jamais pensé que nos émissions de CO2 avaient un impact sur des dizaines voire des centaines de milliers d'années.
Au final, on est sur la même échelle de temps que ton autre sujet préféré, les déchets nucléaires. Des effets potentiels sur un temps très long sont souvent associés dans l'imaginaire collectif aux déchets nucléaires alors que beaucoup de pollutions ont des effets sur un temps similaire comme on le voit ici avec nos émissions de CO2. Et c'est loin d'être une exception.
Les pollutions aux métaux lourds, l'acidification des océans ou encore les problèmes d'eutrophisation ont des effets sur des horizons temporels dépassant le siècle. Les déchets nucléaires peuvent être isolés de l'environnement et ne pas poser de problèmes ou au pire des problèmes locaux alors que c'est notre incapacité à isoler nos émissions de carbone de l'environnement qui est la principale cause du changement climatique. Le problème des émissions de CO2, ce n'est pas seulement qu'elles engagent nos sociétés sur des dizaines de milliers d'années mais aussi que les effets du changement climatique sont globaux contrairement à beaucoup d'autres formes de pollution. Ça fait bizarre de se dire qu'on va avoir un impact aussi long en prenant l'avion, la voiture, ou une douche. Avant notre discussion, là, j'aurais parié qu'on avait un impact sur, je ne sais pas, un siècle maximum.
On est vraiment sûr que ça va décroître comme ça et aussi lentement ? La décroissance du CO2 dans l'atmosphère que je vous ai montré offre une première réponse à la question du devenir de nos émissions. Mais il est possible que ce ne soit pas ce qu'on observe à l'avenir pour différentes raisons. Je vais donc dire quelques mots des incertitudes sur ce sujet....
D'abord, il y a une incertitude qui découle de la compréhension incomplète de ce que je vous ai présenté ici. Les mécanismes les plus lents et les plus durs à observer comme la formation de sédiments marins sont les plus incertains. S'il y a des erreurs dans certaines quantifications, ça peut changer les échelles de temps dont on a parlé mais ça ne change pas vraiment les mécanismes que je vous ai présentés. Ensuite, il y a des interactions complexes notamment les effets du cycle du carbone sur le climat et inversement. Par exemple, on a longuement vu que les océans captent une partie de nos émissions.
Mais, on a également dit que si les océans chauffent à concentration en CO2 fixée, ils relâchent une partie du carbone inorganique qu'ils contiennent. Vu que l'augmentation en CO2 atmosphérique provoque un réchauffement du climat, on a deux phénomènes opposés. Les quantifications disponibles sont malheureusement trop complexes pour que je puisse vous les montrer rapidement mais on y voit que l'effet net reste une capture du carbone par les océans comme on l'a longuement expliqué dans cette vidéo. Mais au fur et à mesure que les océans se réchauffent, leur capacité à capter du carbone diminue.
Et il y a de très nombreuses interactions comme celle-ci. On pourrait parler d'autres phénomènes comme l'impact du climat sur les précipitations, sur les marées, sur les tourbières, sur le dégel du pergélisol ou encore sur la circulation océanique. Je ne connais pas tous ces sous-aspects de la question et surtout les connaissances disponibles sur certains de ces aspects sont limitées et incertaines.
Ce qui est encore plus vrai pour des temps très longs. Il y a une grande différence entre comprendre l'évolution du climat et du cycle du carbone sur quelques décennies et comprendre leur évolution sur des dizaines de milliers d'années. Ok, donc il y a des incertitudes sur la compréhension de phénomènes super compliqués quand on regarde sur des temps longs.
Je pense que tout le monde sans doute mais c'est bien de le rappeler. Plus important, il y a aussi d'énormes incertitudes qui sont liées aux actions des sociétés humaines dans les décennies à venir. Par exemple, si nous continuons d'émettre de grandes quantités de carbone, la décroissance de ce surplus sera plus lente que si nous diminuons rapidement nos émissions. La concentration en CO2 atmosphérique peut aussi être influencée par les technologies futures. On discutera probablement dans une vidéo des technologies de capture et de stockage du CO2 atmosphérique et j'essaierai de me faire un avis sur leur potentiel dans les décennies à venir.
Mais il est impossible de se prononcer sur des échelles de temps plus grandes. Peut-être que nos descendants déploieront ce type de technologies dans les siècles à venir ou les millénaires à venir, ce qui changera radicalement ce qu'on vient de dire ici. De nombreux processus dont on a parlé ici sont et seront affectés par les sociétés humaines. La production de matières organiques dans les océans est affectée par la surpêche et divers types de pollution. La sédimentation est affectée par les barrages hydroélectriques, le prélèvement massif de sable et l'aménagement des côtes.
Aujourd'hui, beaucoup d'activités humaines transforment l'environnement à un point où il devient difficile d'en comprendre toutes les conséquences. Il est impossible de prédire ce que feront les sociétés humaines sur un temps aussi long et vu qu'on a le premier rôle dans la perturbation dont on parle ici. il est probable qu'on ait encore des effets à l'avenir en améliorant ou en empirant la situation. Donc, en plus des incertitudes sur notre compréhension scientifique de tout ça, il y a des trucs imprévisibles notamment ce que vont faire nos sociétés.
Mais du coup, ça veut dire quoi ? Qu'on va mettre plus ou moins longtemps à revenir à l'équilibre ? En fait, ça veut surtout dire que ce CO2 ne reviendrait pas forcément à son niveau pré-industriel.
Comme tout le monde le sait, le climat a déjà changé considérablement dans le passé. Le niveau pré-industriel ou même l'alternance de périodes glaciaires et interglaciaires des derniers millions d'années n'est qu'une possibilité parmi d'autres. Il est tout à fait possible que les modifications climatiques en cours et à venir poussent la planète vers un autre état climatique et que l'équilibre se fasse à une autre température globale que celle de la situation pré-industrielle.
Et je ne dis pas que ce serait nécessairement dramatique. D'ailleurs, beaucoup de problèmes dans le changement climatique en cours sont plus dus à l'incroyable vitesse du changement qu'à la température finale. Comme on l'a vu pour l'acidification des océans qui prend en quelque sorte de vitesse les mécanismes de régulation naturelle. La vitesse du changement est un paramètre hyper important quand on veut comprendre les risques. Se prendre un mur en voiture n'a pas le même effet quand on roule à 5 km heure ou à 130. Mais si on ne revient pas à l'équilibre, on ne peut même pas donner un temps sur lequel nos émissions de CO2 ont un effet.
Non, dans ce cas-là, nos émissions ont des effets irréversibles sur le futur état climatique de la planète. Certains aspects de notre modification de l'environnement sont irréversibles. Et là aussi le changement climatique n'est pas exceptionnel puisque c'est aussi le cas de l'autre grand problème environnemental qui est la perte de biodiversité.
Les espèces disparues ne réapparaissent pas. Et pourquoi tu as choisi de mettre en avant ce modèle de réduction de CO2 atmosphérique si on n'est pas absolument certain que c'est ce qui va arriver ? Parce qu'il a le mérite de montrer les échanges de la biodiversité. L'échelle de temps extrêmement longue et la complexité de la question. En plus, ça nous a permis de parler du cycle du carbone océanique dont on ne parle pas souvent.
Mais surtout parce qu'en l'état de nos connaissances, c'est la meilleure réponse qu'on puisse donner à la question de l'évolution au long terme de nos émissions de CO2. C'est notamment cohérent avec ce qu'on sait du cycle du carbone et des climats du passé. Au final, la plus grosse incertitude par rapport à ce modèle vient des modifications massives de l'environnement par les sociétés humaines et de la façon dont elles vont agir à l'avenir. Si on faisait disparaître les sociétés humaines d'un claquement de doigts, ce qui arriverait serait très probablement proche de la décroissance que je vous ai montrée. Dans cette vidéo, on a vu ce qui se passait avec le carbone dans les océans.
L'essentiel de ce carbone se trouve sous forme de carbone inorganique dissous. CO2 dissous, acide carbonique, ions bicarbonate et ions carbonate. Ce carbone inorganique dissous contient presque 50 fois plus de carbone que l'atmosphère avec lequel il est en équilibre.
Les courants océaniques et notamment la circulation thermohaline permettent d'homogénéiser les masses d'eau et de faire revenir vers la surface le carbone inorganique dissous qui s'accumule dans les profondeurs et les nutriments indispensables pour le vivant. Mais même dans un climat stable, les flux de carbone dans les océans ne sont pas à l'équilibre. Une toute petite partie du carbone organique et une partie importante des particules de carbonate de calcium produites par la biominéralisation vont être piégées dans les sédiments et donc sortir du cycle du carbone océanique. Ce carbone peut être piégé sur des temps géologiques de plusieurs centaines de millions d'années. Sur ces temps-là, les flux importants pour comprendre comment la concentration en CO2 atmosphérique peut décroître sont la formation de roches sédimentaires, leur altération et l'altération des silicates.
Comprendre ces mécanismes permet de comprendre pourquoi la décroissance d'un surplus de CO2 dans l'atmosphère ressemble à ça. Et si vous voulez une piqûre de rappel sur cet aspect en particulier, je vous encourage à aller voir le format court que j'ai fait sur le sujet. Merci. Merci à tous d'avoir regardé cette vidéo. J'espère que j'ai réussi à rendre ces phénomènes complexes abordables et que vous avez appris des choses.
Ce fut le cas pour moi en faisant mes recherches pour cette vidéo. J'avais quelque peu sous-estimé la complexité de cette partie océanique du cycle du carbone et j'ai pas mal bataillé pour essayer de rendre tout ça digeste. J'ai conscience que la vidéo est longue mais je pense que ce que j'y présente est important quand on essaye de répondre à la question légitime des impacts dans le temps de nos émissions de CO2. Je remercie encore une fois Seb de la chaîne Sous nos pieds et je vous recommande vraiment de jeter un coup d'œil à son travail.
Je vous remercie pour vos messages, vos commentaires, vos partages et de manière générale votre soutien. Et je remercie tout particulièrement les personnes qui permettent à ce travail d'exister en le soutenant financièrement. C'était le Réveilleur et à bientôt sur le net.