Quand vous vous mettez à l'eau à proximité du rivage, que vous plongiez de jour ou de nuit, il ne vous faut que quelques minutes de descente tout au plus avant d'atteindre le fond de la mer. Et à de très rares exceptions près, toutes les espèces que vous voyez autour de vous sont connues et ont déjà été identifiées. Mais si vous vous éloignez de quelques dizaines de kilomètres des côtes, et que vous commencez à descendre en direction de l'océan profond au moyen d'un batiscaf ou d'un rover autonome, alors pas moins de deux heures de descente en direction des grandes profondeurs sont nécessaires avant d'atteindre le fond.
fond de l'océan. Une région du monde où les nouvelles découvertes sont pratiquement la norme. Ce rover autonome de la NOAA dérive à quelques mètres au-dessus de la plaine abyssale depuis quelques minutes, quand soudain, suspendu à 5000 mètres de profondeur, passe devant les phares d'un submersible, une créature qui n'avait encore jamais été observée auparavant, ou qui n'a en tout et pour tout qu'était entreaperçue que quelques fois. Oh mon dieu ! Voici Maniapina, un calamar de 8 mètres de long aux tentacules frêles et distendues, qui sont 20 fois plus longs que ne l'est son corps, et qui laisse traîner comme autant de cannes à pêche dérivantes.
De cet immense calamar des abysses à grandes nageoires, et à l'aspect de marionnettes inversées dont on connaît l'existence depuis maintenant deux décennies, on ne sait à peu près rien. Songez qu'avant cette observation, Maniapina n'avait été aperçu qu'une poignée de fois, à l'échelle de la planète entière. Toutes les créatures fabuleuses que vous allez voir aujourd'hui évoluent dans l'océan profond.
Une région froide, pressurisée, et plongée dans la nuit noire continue, qui nous est pendant très longtemps restée inconnue. Quant au XIXe siècle, on a commencé à s'intéresser à ce qu'il pouvait bien exister à plusieurs centaines de mètres sous la surface. En y faisant descendre des filets, la plupart des créatures que l'on remontait étaient des formes de vie étranges qui, bien avant d'arriver en surface, éclataient en morceaux du fait du changement de pression qu'on leur imposait.
Aujourd'hui, on dispose de machines capables de s'inviter momentanément à plusieurs milliers de mètres de profondeur pour filmer et jouir du plaisir d'observer et d'étudier ces habitants fascinants d'un royaume où le soleil ne se lève jamais. Et où les humains à s'être aventurés se comptent sur les ventouses des bras d'une pieuvre. Car la plupart des images que l'on remonte des abysses sont réalisées par des rovers autonomes, reliés par un long câble à la surface d'où des équipes les pilotent. Ici, les faisceaux des submersibles croisent et éclairent régulièrement du fabuleux, du mystérieux, du dérangeant, de l'effrayant et parfois même de l'amusant ou du risible. Des trucs mous, dangereux, inoffensifs, mortels, lumineux ou transparents.
Et surtout, en quantité effarante, du méconnu, de l'inconnu. En fait, les abysses sont un royaume si vaste et si peu exploré que pratiquement chaque mission qui pénètre en son cœur, y découvre des choses que l'on n'avait jamais vues auparavant. What ?
How big is this ? Is it ? Let me paint it with the lasers here and then I'll turn them off. Les personnes que vous entendez parler en arrière-plan sont les opérateurs, ou les scientifiques qui, restés en surface, manœuvrent les rovers autonomes de ces missions de recherche.
et d'exploration qui sont régulièrement diffusées en direct et au cours desquelles leur réaction en dit souvent beaucoup sur le côté exceptionnel de certaines rencontres. Il faut dire que pratiquement à chaque plongée, les scientifiques découvrent de nouvelles espèces et même quand ce n'est pas le cas, beaucoup d'observations sont en soi un petit événement car la rareté de certaines rencontres les rend chacune à leur manière exceptionnelle. La première fois que les humains sont descendus voir de leurs propres yeux les ténèbres totales qui commencent aux alentours des mille mètres, c'était il y a un peu moins d'un siècle. Simplement accroché à l'extrémité d'un câble en acier, enroulé autour d'un treuil mécanique, et contraint d'observer l'obscurité de poids au travers d'un hublot de quartz épais de 7 cm pour résister à l'intense pression, Ils virent passer quelques ombres mystérieuses.
Aujourd'hui, et en dépit des incroyables progrès techniques réalisés, à peine quelques dizaines de machines à vocation scientifique sont, à travers l'ensemble du globe, capables de descendre au niveau de la plaine abyssale. Et les submersibles susceptibles d'y emmener des humains se comptent, eux, sur les doigts d'une main qui serait passée dans un broyeur. Voilà tout ce dont on dispose pour aller explorer et étudier une surface près de deux fois plus vaste que l'ensemble des terres émergées de toute la planète. Dans la nuit éternelle des abysses, l'étrange, le bizarre et l'inconnu ont définitivement de beaux jours devant eux.
Songez que lorsqu'en novembre 2021, les chercheurs de l'Institute Mbari ont repéré lors d'une plongée à 1000 mètres de profondeur cette fantomatique méduse noire. Ce n'était pour eux que la neuvième observation de cet animal fascinant, réalisée en 27 ans, et ce, sur des milliers de plongées. Pourtant, on ne peut pas dire que Stygio Medusa gigantea soit du genre à passer inaperçu. Avec ses quatre bras qui ondulent tel des rues, dérubant en épousant les formes du courant, et qui peuvent facilement dépasser les 10 mètres de long, cette espèce est même l'un des plus grands prédateurs invertébrés que l'on ait découvert dans l'océan.
Et bien qu'elle soit connue depuis 1899, et présente entre 700 et 7000 mètres dans tous les océans de la planète, à l'exception de l'Arctique, cette fascinante espèce de méduse n'a, à l'échelle du globe, été observée en tout et pour tout qu'une centaine de fois. Ceci n'est pas une planète, ni un vaisseau spatial, mais bien un animal. Une gigantesque méduse évoluant entre 600 et 2000 mètres de profondeur, et dont la tête mesure à elle seule plus d'un mètre. Lorsqu'en 1993, les biologistes de l'Institute Mbari ont pour la première fois croisé cette espèce, ils ont dû dans la foulée créer une nouvelle sous-famille pour l'accueillir. Tante Iburonia grand'rora est différente de toutes les autres méduses que l'on connaissait alors.
Ce qui est particulièrement déroutant chez cette espèce, ce n'est pas tant qu'elle n'ait pas de tentacules urticantes ou de longs bras charnus lui permettant d'attraper ses proies, comme Stygio Medusa, mais que le nombre de ses bras varie étrangement en fonction des observations, entre 4 et 7. Et c'est à peu près tout ce que l'on sait de cette boule énigmatique. Le fait que l'on puisse passer à côté de quelque chose d'aussi gros pendant si longtemps devrait achever de vous convaincre qu'il y a, caché sous la surface des eaux, dans les mondes du dessous, plus de trésors qui attendent d'être découverts que dans tous les muséums d'histoire naturelle de la planète. Parfois, certaines missions d'exploration surprennent non par les espèces qu'elles mettent en lumière, mais par les régions du globe où on les découvre. Ce calamar de près d'un mètre cinquante de long n'a pendant très longtemps été observé que dans la région ouest de l'océan Pacifique.
avant que l'on découvre sa présence de l'autre côté du monde, dans le golfe du Mexique et au niveau des Caraïbes. Quant à cette petite méduse psychédélique transparente à l'aspect d'hérisson luminescent, on a longtemps pensé qu'elle n'évoluait que dans l'océan Pacifique, aux alentours des 1000 mètres de profondeur, avant de la croiser dans les Caraïbes et même dans l'océan Arctique. Bref, il arrive souvent de voir passer une espèce que l'on pensait exclusive à une région précise du globe. Puis, plusieurs années plus tard, de recroiser, un peu par hasard, un spécimen identique de l'autre côté du monde.
Avec sa peau transparente et gélatineuse, pauvre en écailles, et ses petits yeux discrets et dépigmentés qui semblent avoir trop longtemps fixé les ténèbres, ce poisson fantomatique d'environ 10 cm de long croisé à 2500 m de fond n'avait lui jamais été observé vivant avant cette observation. Les traits photogéniques poulpe d'Humbo, dont les nageoires vissées sur la tête évoquent de grandes oreilles, sont connues depuis le XIXe siècle. Mais toutes ces espèces n'en restent pas moins imbibées de mystères, compte tenu de la difficulté de les observer dans leur habitat. Cette petite pieuvre à l'aspect fantomatique, paisiblement posée à 4300 mètres de fond sur un rocher plat, est presque certainement une espèce non décrite.
Quant à cet étrange et fascinant poisson dont nous avons longuement parlé dans un épisode précédent, et qui possède des yeux globuleux verts vissés à l'intérieur d'une sorte de gaine remplie de gélatine transparente, depuis laquelle il regarde continuellement vers le haut pour repérer le passage de ses proies potentielles, il est typiquement le genre de créature dont la rencontre vous marque à vie. Et pourtant, alors que les véhicules télécommandés du Mbari Institutee ont réalisé cumuler près de 6000 plongées pour un total de près de 30 000 heures de vidéos, Ce poisson qui vit entre 600 et 800 mètres de profondeur dans la zone crépusculaire n'a été vu en tout et pour tout que 9 fois. Cette immense crustacée, attirée par les poissons que le submersible est venu déposer dans les abysses, est un Batinomus giganteus, un isopode géant des grands fonds, qui peut atteindre des dimensions colossales, de l'ordre d'un demi-mètre.
Et pourtant, bien qu'il soit déraisonnablement grand et connu depuis le début de la période, maintenant plus d'un siècle, et qu'on les retrouve dans les eaux profondes et froides de presque tous les océans de la planète. Nous ne savons toujours pas grand-chose de la biologie ou du comportement de ces mystérieuses créatures, car le nombre d'observations de ces isopodes géants se compte sur les pattes d'un crustacé. Et si l'on en sait souvent si peu sur les espèces des grands fonds, c'est à la fois car ces milieux sont terriblement difficiles d'accès et que le nombre de missions d'exploration qui s'y aventurent sont rares au regard de l'étendue immense de ces territoires, mais également du fait qu'il est souvent extrêmement difficile d'arriver à y prélever et de remonter en un seul morceau les organismes qui y évoluent. Déjà, bon nombre des habitants des abysses sont des animaux mous adaptés aux conditions régnant aux très grandes profondeurs et ne supportant pas les variations de pression lors de la remontée.
Cette fragilité ne concerne pas seulement les organismes transparents et majoritairement constitués d'eau, tels que les méduses, les cténophores ou les siphonophores, qui, bien qu'ils soient souvent très répandus dans la colonne d'eau, sont si fragiles que les prélever relèvent souvent de l'exploit. Elle concerne également la quasi-totalité des poissons des grandes profondeurs. Ces fantastiques créatures dépigmentées, connues sous le nom de poissons limaces, et que l'on observe fréquemment dans la fosse abyssale par plus de 6000 mètres de profondeur, sont extrêmement difficiles à remonter intactes, car leur corps gélatineux est conçu pour évoluer aux très grandes pressions, et leur chair ne résiste jamais aux remontées. au cours desquels invariablement elles se délitent et se liquéfient.
Si bien que les poissons limaces se transforment à proximité de la surface en bouillies de morceaux méconnaissables. Malgré tout, au cours des dernières décennies, les instituts de recherche ont réussi à mettre au point d'ingénieux moyens permettant parfois de prélever et remonter vivantes certaines espèces sans les endommager. Et quand cela n'est pas possible, ne reste plus qu'à simplement observer et étudier dans leur milieu ces animaux fabuleux.
Récemment, certaines institutions telles que le MBARI ou la Schmidt-Hossein Institutee ont mis au point des systèmes permettant de scanner en trois dimensions les créatures trop fragiles pour être remontées. Et le plus fou dans cette histoire, c'est sûrement qu'en dépit de tous les indéniables progrès technologiques, l'on progresse toujours dans les abysses comme un peu à tâtons dans le noir. Car les robots téléopérés depuis la surface au moyen d'un long câble qui les relie au navire-mer ont une vitesse souvent limitée à un demi-mètre par seconde. Une fois arrivés au fond de l'océan, les projecteurs des rovers ne peuvent éclairer les vastes étendues mystérieuses d'eau sombre que sur une trentaine de mètres alentour. Et les sonars embarqués ne sont capables de donner les détails des reliefs que sur un rayon de 200 mètres en moyenne.
Ainsi, explorer même superficiellement une zone d'un kilomètre carré demande généralement près de trois heures. Et lorsque l'on plonge sur un relief pour la première fois, l'on ignore presque toujours ce qu'on va y trouver, forêts de coraux et d'éponges luxuriantes, vastes étendues désertes et en partie délaissées par les vivants. Même équipés des technologies les plus modernes, on reste toujours partiellement aveugle au pays de la nuit éternelle. Heureusement, même si les rovers qui descendent à ces grandes profondeurs émettent d'intrigants vrombissements mécaniques tout en crachant continuellement de la lumière intimidante qui peut faire fuir certains animaux, la grande majorité des habitants des abysses ignorent ou tolèrent la présence de ces machines.
Et nombre d'observations sont même réalisées, car ce sont eux qui viennent à nous. Et il n'est pas rare que sous les feux des projecteurs des rovers apparaissent subrepticements des animaux qui habitent continuellement dans les abysses ou sont seulement de passage, et s'approchent comme intrigués par les deux lasers utilisés pour mesurer la taille des objets observés ou par les cliquetis émis par ces étranges machines. S'il est bien une créature évoluant aux très grandes profondeurs qui à elle seule résume la rareté des rencontres, c'est bien le légendaire calamar géant, qui, avec leur longueur de près de 20 mètres, leur masse de près d'une tonne et leurs yeux aussi volumineux qu'un ballon de football sont les plus gros invertébrés de la planète, mais aussi les moins connus.
Bien que ces créatures soient ardemment recherchées et qu'elles existent en quantité au vu du nombre de leurs becs que l'on peut retrouver dans les estomacs des cachalots, il a fallu attendre le XIXe siècle pour avoir des preuves tangibles de leur existence et les faire passer de l'état de mythe à celui de réalité. Puis, pendant 150 ans, tous les spécimens observés n'ont pu l'être que morts, échoués sur les plages, ou beaucoup plus rarement vivants, souvent pris dans des filets, ou dérivants malades et perdus à proximité de la surface. Et personne n'en a immortalisé de vivants dans leur habitat naturel avant 2004, quand le premier d'entre eux a été pris en photo.
Vingt ans plus tard, nous ne possédons que deux vidéos de quelques secondes chacune de ces créatures légendaires évoluant dans les grandes profondeurs. Ainsi, la totalité des observations de calamars géants ayant été fugacement aperçues dans leur milieu naturel reste encore aujourd'hui bien inférieure à leur nombre de bras. La partie de l'océan profond la plus étudiée de toute la planète est très certainement la station M.
Située à près de 300 km au large des côtes californiennes, dans la région de Santa Barbara et à quelques 4 km de profondeur, cette station, avec ses nombreuses plateformes robotiques de surface, est étudiée en long, en large et en travers par les équipes de MBARI depuis maintenant bientôt 30 ans. Ici, l'on descend fréquemment au moyen de submersibles habités et de rovers autonomes télécommandés. L'on dépose au fond des laboratoires mobiles, on prélève des sédiments, on installe des pièges et l'on réalise une quantité d'autres mesures souvent plusieurs fois par an.
Et pourtant, bien qu'on y ait réalisé des milliers de plongées, on continue d'y découvrir des choses nouvelles et inattendues à pratiquement chaque sortie. En fait, quelle que soit la région du globe concernée, chaque plongée qui pénètre au cœur de ces mondes perdus comprend son lot de rencontres improbables. Et en mettant en lumière une partie des merveilles qui se cachent dans les profondeurs de nos océans, ces missions révèlent également par contraste l'étendue de notre ignorance. Et c'est peut-être ça le plus excitant dans cette histoire. Partout à travers le monde, les pilotes des rovers vous le diront, à chaque descente, c'est la sensation de poser le pied, ou plutôt la pince métallique commandée.
sur une autre planète en grande partie inexplorée et située juste sous la surface de la nôtre. Je vous ai mis un lien dans la description pour pouvoir suivre en direct certaines expéditions de la NOAA. Une fois dans votre vie, prenez le temps un jour de vous arrêter quelques heures sur une retransmission.
Vous serez alors l'un des témoins privilégiés de moments de vie absolument dingues, mais aussi de beaucoup de découvertes. Parfois même, on entend certains biologistes découvrir pratiquement en direct une nouvelle espèce. Cet escargot qui court frénétiquement par 2500 mètres de fond n'avait jamais été observé auparavant Jusque dans les années 1830 Presque tous les scientifiques s'accordaient pour dire que dans l'océan profond, en l'absence de lumière et donc de végétaux, il n'y avait plus aucune vie au-delà de 500 mètres de profondeur.
En effet, comment imaginer que des espèces puissent survivre dans des conditions de pression si extrêmes, plonger dans le noir et sans pratiquement rien à se mettre sous la dent ? Et puis, à peine une décennie plus tard, lorsque l'un des premiers câbles télégraphiques transatlantiques a été remonté pour des réparations, on a eu la surprise de le retrouver recouvert de coraux et de palourdes, qui y vivaient accrochés par 2000 mètres de fond. Contre toute attente, il existe là-dessous de nombreuses formes de vie évoluant dans un monde de ténèbres. Et pendant plus d'un siècle, nous avons été contraints d'explorer ces grandes profondeurs, à l'aveugle.
Car sans pouvoir y descendre directement, toutes les campagnes d'études remontaient de la vie des abysses au petit bonheur la chance. Un peu comme si nous tentions de comprendre la nature de celles évoluant à la surface des continents, depuis des montgolfières perchées la nuit au-dessus d'une épaisse mer de nuages, tout en laissant traîner en contrebas de larges filets à papillons, en espérant y remonter quelque chose. Et puis, à partir des années 50, avec le développement des submersibles habités puis des robots fixés à un c**, l'exploration des grands fonds a réellement commencé.
Et presque toutes les formes de vie que l'on découvrait là-dessous étaient alors nouvelles pour nous. Depuis, 70 ans se sont écoulés, a passé comme Alice de l'autre côté du miroir des eaux de surface, et l'on continue régulièrement de couler et surtout de remonter en quantité des choses nouvelles, ou que l'on pensait simplement disparues. Car parfois les découvertes semblent remonter d'un autre temps. En 1987, au large de la Nouvelle-Calédonie, par 470 mètres de profondeur, l'on est tombé sur un champ de crinoïdes. Ces animaux étranges qui, avec leur corps allongé et leur couronne de bras, évoquent parfois les pétales d'une fleur.
Et ce champ de crinoïdes était majoritairement constitué d'une espèce que l'on croyait disparue depuis 66 millions d'années. Au large des côtes de l'Australie, en 2006, lors d'une campagne de recensement de la vie sous-marine, on mit la main sur une espèce de crevette des grandes profondeurs que l'on pensait disparue, elle, depuis 50 millions d'années. Bref, notre espèce a fait le tour de la Terre en long, en large et en travers.
Et alors qu'environ 50% de la population mondiale habite à moins de 100 km d'une plage, nous restons grandement ignorants des mystères de la mer. Encore aujourd'hui, certaines zones du globe, telles que le sud de l'Atlantique, les monts sous-marins du Pacifique ou encore les océans Austral et Arctique, restent en grande partie inexplorées. Ainsi, lors de chaque campagne d'études scientifiques de l'océan profond qui y sont menées, il n'est pas rare de remonter à chaque plongée. Plus de 50% d'espèces n'ont dit non. Au cours des dernières décennies, une nouvelle espèce vivant dans les abysses a été décrite toutes les deux semaines en moyenne.
Et même si nous connaissons quelques 200 000 espèces d'animaux marins différents, on estime que 90% de toute la faune marine reste encore à découvrir. Aujourd'hui, si 12 humains sont allés marcher sur la Lune, seuls 4 sont descendus au fond de la fosse des Mariannes, qui, avec ses 10 970 mètres sous la surface, est le point le plus profond de l'océan. Et à chaque fois, les expéditions qui sont allées s'y poser n'y sont restées que quelques dizaines de minutes tout au plus.
À de telles profondeurs, explorer se résume souvent à jeter un bref coup d'œil, puis remonter dans la foulée. A ce jour, à peine 10% des fonds marins situés au-delà des 200 mètres de profondeur ont été cartographiés avec précision. Et les reliefs de la surface de Mars sont aujourd'hui pour nous plus détaillés que ceux des abysses de notre propre planète.
En scrutant de nos télescopes les profondeurs de l'espace, nous avons progressivement repoussé l'inconnu par-delà l'horizon. Tandis que sous l'eau, il est en partie resté là, à proximité du rivage, à quelques kilomètres tout au plus sous l'écume des vagues. L'océan profond est définitivement l'une des dernières frontières à explorer. Là, en dessous, encore un peu plus bas, on ne sait pratiquement pas ce qu'il y a.
Tout ce qui se trouve aux frontières de notre connaissance actuelle exerce une fascination irrésistible. Au-delà de l'étonnement initial, il y a le plaisir de questionner ce qui nous échappe. L'espace, comme les abysses, se vise à coups de vaisseaux dirigés vers le bas ou vers le haut. Et l'un comme l'autre nous permettent de fuir un monde trop terre à terre. Car nos océans et leurs imaginaires associés...
assurément quelque chose d'un peu extraterrestre. Parfois, ce n'est pas de Mars que je rêve, mais bien de Poséidon. Et comme je ne suis pas une machine et n'ayant pas de bâtiscafe pour me protéger derrière plusieurs centimètres d'épaisseur de métal, pour avoir l'illusion d'être en mesure de descendre aussi bas, je plonge la nuit. Notre génération est née trop tard pour explorer la surface de la Terre, trop tôt pour explorer l'univers, mais peut-être juste au bon moment pour explorer l'océan.
Et faire sortir de l'ombre les milliers de mystères qui gisent engloutis sous les mers. Combien de secrets tapis au fond des océans restent-ils encore à déterrer ? Avec l'exploration des grands fonds marins, un voile s'est levé sur un monde nouveau, mettant au grand jour l'existence d'un royaume de ténèbres, régi par l'étrange, le bizarre et le merveilleux. Et où vivent sous notre planète, dans une dimension qui ne peut être accessible qu'au moyen de robots, des créatures pour qui remonter serait la mort assurée ? De la même manière que les rares poissons qui m'entourent sont bien incapables comme moi.
de s'aventurer et de survivre à peine quelques centaines de mètres plus bas. En attendant, et à défaut d'être allé dans les abysses, je remonte à chaque fois légèrement différent du simple fait d'être descendu. Enrichi d'avoir évolué sous la mer, peut-être l'une des expériences qui se rapprochent le plus sur Terre d'un voyage dans l'espace. Et vu que l'on dit souvent que se plonger sous l'eau impose le silence, après avoir passé autant de temps à perturber des faisceaux de lumière de nos lampes, les poissons qui n'ayant pas de paupières ne peuvent s'en protéger. Je pense qu'il est temps de retourner vivre dans l'air et de définitivement éteindre la lumière.
Si cet épisode vous a plu et que vous voulez découvrir des formats aussi courts que la portée des phares des rovers, vous pouvez me suivre sur Institute, me soutenir sur Tipeee, vous abonner ou activer la cloche si ce n'est pas déjà fait. Cet épisode riche en inconnus n'aurait pas pu voir le jour sans le soutien de la Cité de l'Océan et de l'Aquarium de Biarritz. Si vous passez ou vivez dans le sud de la France, aller faire un tour à la cité de l'océan et à l'aquarium de Biarritz, c'est l'assurance de passer un moment dans une bulle à l'écart du monde des terriens, d'avoir un accès privilégié au mystère sous-marin.
A l'aquarium, vous pourrez observer au plus près bon nombre de... des habitants fascinants des mondes du dessous. De l'autre côté des vitres de l'un des plus grands bassins de France.
Vous pourrez vous laisser bercer par la grâce envoûtante d'une dizaine d'espèces de requins différents. Comme celles dans d'autres bassins, de méduses aux ombres, à la cité de l'océan, vous découvrirez... quantité de contenu ludique et intelligent sur l'océan.
Dans ce lieu étonnant, grâce à des expériences interactives et immersives, des animations 3D des simulateurs, vous pourrez écouter, toucher, ressentir les grandes et petites histoires de l'océan. Et ce, des tropiques jusqu'aux pôles, de la surface des vagues, aux grandes profondeurs abyssales, là où la lumière du soleil ne descend jamais. Pour leur soutien, glou glou sur eux, et surtout, glou glou sur vous.