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Le Krach de 1929 et la Dépression

Aujourd'hui, on démarre une série de 4 vidéos sur le krach boursier de 1929 et la grande dépression des années 30 qui a suivi. On a parlé sur la chaîne de la crise des subprimes de 2008 ainsi que de celle de l'euro qui a démarré en 2010, mais on n'avait pas encore parlé de la maman de toutes les crises, celle des années 30. C'est la maman de toutes les crises, celle des années 30 ? Ah oui, la grande dépression, un chômage multiplié par deux voire trois partout dans le monde, jusqu'à 25% de chômage aux Etats-Unis, déclenchement des réformes qui donnent naissance à l'état de providence tel qu'on le connaît aujourd'hui, une bonne dizaine d'années pour retrouver les niveaux de production et d'emploi d'avant crise, et encore, les niveaux de production retrouvés pour alimenter une guerre mondiale. Après quoi on reconstruit complètement le système monétaire international, naissance des grandes institutions, le GATT, ancêtre de l'Organisation Mondiale du Commerce, le FMI et la Banque Mondiale. La crise des années 30 marque aussi un tournant dans la pensée en économie avec la publication de la théorie générale de Keynes.

Un ouvrage qui cherche à interpréter la crise et qui donne naissance à une nouvelle discipline en économie, la macro qui devient un champ de recherche à part entière séparée de la micro. Ah ouais effectivement ça a dû être une sacrée crise. Et bien je te le fais pas dire et c'est pour ça qu'on va voir besoin de 4 vidéos pour en parler correctement. Une première dans laquelle on va poser le contexte de l'époque, il y a tellement de choses qui ne fonctionnent pas comme aujourd'hui à la fin des années 20 qu'il faut bien une vidéo entière pour tout comprendre. On va parler des statistiques disponibles, de l'état des lieux des connaissances et économique, de la nature de la crise aussi.

Tu verras qu'on était loin de ne rien savoir quand la crise a frappé. Ensuite, dans une seconde vidéo, on abordera le pourquoi du comment de la crise, ses mécanismes. On verra pourquoi la réaction des politiques n'a fait que renforcer la puissance de cette dernière. On décrira le fonctionnement de l'état noir, le système monétaire international de l'époque.

Il y aura des schémas, etc. Ensuite, j'ai prévu un épisode sur le krach boursier de 1929, la spéculation à New York, les achats en margin, les trusts, le développement et l'explosion de la crise. de la bulle.

Oh cool ! Et on terminera par les grandes théories explicatives de la crise. On ne pourra pas parler de tout, l'interprétation de la Grande Dépression est un champ de recherche à lui tout seul, mais on passera du temps sur quelques auteurs et écoles de pensée.

On parlera de Keynes, bien sûr, de Friedman, de Minsky, et on passera aussi pas mal de temps sur l'école de la régulation. propose une interprétation très intéressante de la crise à la frontière entre histoire, sociologie et économie. Tu vas voir que c'est assez éclairant et, à mon sens, passionnant. Ok, bon, ça va être chargé on dirait. Ouais, là, il ne va pas falloir oublier les pauvres...

pour s'hydrater puis s'étirer quoi. D'accord faisons comme ça. Aujourd'hui donc on parle de la crise de 29. Ah ça c'est le fameux Black Monday c'est ça ?

Le lundi noir ? Le jour où la bourse s'effondre à Wall Street là en 29 ? Alors... Oui mais dans l'ordre, il y a eu 3 journées noires, le Black Thursday le 24 octobre, le Black Monday du 28 et le Black Tuesday du 29. Ah d'accord, quasiment eu un Black toute la semaine quoi. Pas loin ouais.

Bon mais attention à pas confondre le krach boursier de 1929 et la crise économique mondiale des années 30. Wall Street s'effondre fin octobre 1929. Mais si je te montre l'indice boursier Dow Jones, tu vois que cet effondrement dure 3 ans. Wall Street se pète la gueule pendant 3 ans et la valeur des entreprises cotée est divisée par 9. C'est une baisse de 90%. C'est immense. Pour comparaison, l'explosion de la bulle internet en 2000 a provoqué une division des cours par 2, 50% de baisse. En 2008, ça a été divisé par 2,5, 60% de baisse.

Les cracks modernes, 2000 et 2008, ont mis 5 ans à se résorber. Les cours ont mis 5 ans à remonter à leur niveau pré-crack. Wall Street a retrouvé son niveau de 1929 en 1954, 25 ans après les journées noires. Ah ouais, 25 ans ! Et oui, pour décrire la crise des années 30 on parle de marasme économique c'est pas juste une récession un recul de l'activité économique de quelques mois c'est une dépression l'activité économique a reculé pendant des années carrément carrément ouais là je t'affiche le taux de chômage aux états unis ce sont des données recomposées parce que on mesurait pas encore le chômage à cette époque les sources que j'ai consulté parle de chiffres probablement sous évalué bref attend quoi on mesure pas le chômage comme ça non parce que les états identifient le chômage comme un problème sur lequel il pourrait potentiellement agir qu'à partir de la fin du 19e siècle, avant on s'inquiétait des pauvres qui plongeaient dans la misère, mais pas forcément des chômeurs.

Ça veut dire quoi du coup ? Les chômeurs n'étaient pas pauvres avant le 19e siècle ? Disons plutôt que la pauvreté avait plusieurs causes maladie, blessure, handicap, situation familiale difficile. Le chômage était une cause potentielle de pauvreté, mais comme elle n'était ni la seule ni la principale, on ne s'intéressait pas particulièrement à cette donnée.

Il faut aussi bien comprendre qu'à la fin du 19ème et au début du 20ème, le salariat n'est pas aussi développé qu'aujourd'hui. Beaucoup de gens sont agriculteurs, artisans ou indépendants. Ils sont à leur compte, ils ne sont pas employés par une entreprise. En conséquence, les premiers élans pour mesurer le chômage datent des années 1890 en Europe de l'Ouest. Ça fait suite à la longue dépression et à une stagnation économique mondiale qui dure de 1873 à 1896 et qui démarre par une crise financière majeure où des centaines de banques font faillite les unes après les autres.

Allez, encore une crise financière ! Ah, la finance a toujours un rôle à jouer dans les crises du capitalisme. Bref, en cette fin de 19e siècle, les États commencent à reconnaître que le chômage est un problème à part entière. Mais personne n'est d'accord sur ce qu'il faut mesurer.

Qui sont les chômeurs, après tout ? Quand on n'a pas de travail depuis une semaine, on est chômeur ou bien faut attendre un mois ou un an qu'est ce qu'un travail est ce que être domestique ou artisans c'est un travail fin 19e on pense que non on pense qu'il faut avoir perdu un emploi au sein d'une entreprise pour être chômeur mais comme on l'a dit beaucoup de gens travaillent en tant qu'indépendants. Et puis, quand on a plus de 60 ou 65 ans et qu'on n'a pas de travail, on est chômeur ou non ?

Et à quel âge on est supposé commencer à travailler aussi ? 12 ans, 14 ans, 16 ans ? Est-ce qu'un vagabond, quelqu'un qui ne cherche pas d'emploi, c'est un chômeur ?

Quid des femmes au foyer, qui ont perdu leur mari et qui cherchent une activité rémunérée pour survivre ? Chômage ou non ? Et puis, si on compte le chômage, est-ce qu'il faut tout mettre dans le même sac ?

Chômage volontaire et involontaire ? Est-ce que... Est-ce qu'il ne faut pas différencier les deux ?

Et si oui, comment faire ? Chômage volontaire et involontaire. Tu démissionnes en te disant que tu trouveras mieux ailleurs. Chômage volontaire.

Tu te fais virer de ta boîte. Chômage involontaire. D'un autre côté, tu démissionnes en me disant que tu trouveras mieux ailleurs, mais ça fait six mois que tu cherches et en fait, tu trouves rien.

Chômage involontaire, du coup. Et également, tu t'es fait virer. Tu as passé des entretiens. On t'a proposé plusieurs emplois, mais tu as décidé de refuser parce que ce n'est pas vraiment ce que tu recherches. Bah là du coup, chômage volontaire.

Ah ouais, c'est compliqué le chômage en fait. Tous les grands indicateurs macro sont compliqués. C'est pas parce que ces indicateurs sont standardisés qu'ils sont objectifs. Le monde social et économique est un tissu de cas particuliers. Les données statistiques vont regrouper ces cas particuliers dans des cases pour pouvoir faire des mesures objectives.

Cependant, les critères retenus pour définir les cases, eux, sont parfaitement subjectifs. Ce sont des choix. C'est pour ça qu'on dit que les données...

en économie sont des constructions sociales. Wow, ah ouais, j'avais jamais pensé à ça. Les catégories dans lesquelles on fait rentrer les faits économiques sont des constructions sociales, des choix.

On pourrait choisir de compter différemment. Mais attends, ça a des conséquences incroyables ce truc si on y réfléchit. Enfin je veux dire, attends, ouais. Allez, on revient sur terre, on reparlera de ça une autre fois. Pour le moment, on reprend les données de chômage telles que recalculées pour la période de la Grande crise mondiale.

des années 30 aux US. Comme tu peux le voir, ça pique les yeux. Pendant 10 ans aux États-Unis, le taux de chômage est supérieur à 15%, avec un pic à 25%.

Au moins une personne sur six sans emploi pendant 10 ans, à une époque où la protection sociale n'existe presque pas. Pas de retraite encadrée, pas d'indemnisation chômage ou très peu, pas de sécurité sociale. Bah si on comptait déjà pas le chômage, c'est sûr qu'il n'y allait pas avoir d'indemnisation chômage.

C'est pas tant qu'on ne compte pas les chômeurs. Quand tu vas chercher des sources de l'époque comme... les bulletins de la société des nations ou celui de la fed la banque centrale américaine tu trouves des données sur le chômage non le truc c'est plutôt que la définition de ce qu'est le chômage varie d'un pays à l'autre donc les données sont difficilement comparables et aussi les définitions de l'époque sont encore très éloignés de ce que nous on mesure aujourd'hui également il existe dans les années 20 des systèmes pour aider les travailleurs sans emploi qui tombe dans la misère mais ces aides sont faibles et tous les chômeurs au sens où nous on l'entend aujourd'hui, n'y ont pas le droit.

Ok, bon, c'est compliqué déjà, il y a pas mal de nuances. Je retiens quand même que la crise fait méga grimper le chômage sans qu'il y ait beaucoup d'aides disponibles. Voilà. Autre élément important, on ne mesurait pas le PIB dans les années 20. Simon Kuznets invente l'indicateur les années 30 uniquement à cause de la crise justement pour essayer de voir si l'économie repart ou non ce qu'on regardait beaucoup c'était un indicateur de production industrielle que voici tu vois qu'en 1939 l'industrie américaine est encore loin des niveaux atteints à la fin des années années 20. Et c'est une crise mondiale.

Je veux dire, là on a vu que c'était la merde aux US, mais j'imagine que ça fait mal aussi ailleurs dans le monde. Oui, je peux te montrer les indices de production industrielle et textile, ainsi que ceux de l'emploi tel que déclaré à la Société des Nations. Si tu regardes l'emploi, tu peux voir que même en 1936, tous les pays ne sont pas revenus à leur niveau pré-crise.

Les Etats-Unis font une bêtise de politique économique terrible. qui les renvoie vers une crise économique de deux ans en 1938 et 1939. La France veut absolument maintenir la parité du franc avec un certain poids d'or, ce qui l'empêche de se relever. Le Royaume-Uni...

Et le pays qui, tout en restant démocratique, semble le mieux gérer la crise, c'est en partie vrai parce que les Britanniques sont les premiers à laisser flotter leur devise. Mais c'est aussi parce qu'ils étaient déjà à moitié en crise depuis 1925. En fait, le niveau d'emploi et de production au Royaume-Uni en 1929 est plus bas que dans les autres pays. Donc forcément, on a l'impression qu'ils se redressent plus vite. Bon, sinon le Japon militarise son économie très vite, l'Allemagne suit en 1933 avec l'arrivée au pouvoir d'Hitler, L'Italie aussi militarise, mais dans une moindre mesure. Et quand tu militarises, forcément, ton économie repart.

Oui, c'est l'équivalent de lancer des politiques de grands travaux. Grands travaux, donc embauche et production, donc relance de l'économie. Mais Hitler, par exemple, a introduit bien d'autres réformes. Il y a eu la fameuse construction d'autoroutes pour faire circuler l'armée facilement d'un bout à l'autre du pays, plus armement, évidemment, mais aussi conscription, contrôle strict.

des importations, contrôle de certains prix et salaires, et interdiction dans certains secteurs pour un patron de licencié ou pour un travailleur. de quitter son emploi sans demander la permission à l'administration. Ah oui, c'est strict.

Bon, alors attention à nuancer les choses. La politique d'Hitler relance l'économie allemande parce que le contexte le permet. L'Allemagne est une nation très industrialisée. De nombreuses infrastructures existent déjà, mais sont sous-utilisées. En Italie par exemple, Mussolini tente le même genre de politique qu'Hitler, mais ça ne fonctionne pas aussi bien, notamment parce que le pays n'est pas aussi bien équipé que l'Allemagne.

Bref, prendre le contrôle d'une économie industrialisée et sous-utilisée, c'est pas la même chose que construire et développer une économie industrielle. Mais t'as parlé de trucs avec l'or, la France et le Royaume-Uni, c'est quoi ce truc ? Et aussi c'est quoi la boulette américaine de 38 et 39 ? Alors je te parlerai de tout ça plus tôt dans la deuxième vidéo. Pour le moment, terminons le tour d'aujourd'hui.

de l'ampleur de la crise. En gros, ça dépend des pays, mais pour simplifier, les niveaux d'emploi et de production ne retrouvent leur niveau pré-crise qu'avec l'entrée en guerre, donc 1939-40. On a donc une crise économique qui dure 10 ans. Pour comparaison, le pays de la France a retrouvé son niveau pré-crise des subprimes en 2011, ce qui donne une crise de 2-3 ans.

Bon, en Europe, on a enchaîné avec la crise de l'euro, du coup, on a pris cher pendant un moment. Mais l'ampleur de la crise de 29, c'est du niveau de ce qui s'est passé en Grèce pendant la crise de l'euro justement, sauf que ça s'est passé partout dans le monde. Encore une fois, le taux de chômage aux États-Unis est grimpé à 25%, une personne sur quatre sans emploi.

Et sans filet pour la plupart des gens, sans état-providence pour leur fournir des aides, des soins et leur éviter la misère. Pour illustrer ça, je te montre ici un graphe des taux de chômage tels que recalculés après coup. On résonne en bas 100 avec 1929 comme référence. Ok, ouais, les États-Unis sont clairement les leaders mondiales du SEM, mais les autres sont pas loin. Les niveaux de chômage sont multipliés par au moins deux, voire trois.

Je peux te montrer aussi l'évolution du commerce mondial. Comme tu peux le voir, les niveaux d'échanges sont divisés par trois entre 1929 et 1933. En gros, les échanges mondiaux se contractent de presque 30% chaque année pendant trois ans entre 1931 et 1933. Et ils restent bas par la suite. On va voir qu'une des conséquences de la crise, c'est que les États s'enferment dans le protectionnisme.

Mais bref, pour comparaison, la réduction des chiffres du commerce mondial suite à la crise des subprimes, c'était moins 20%. en 2009 avec un retour à la normale dès 2010. Ok, c'était donc vraiment la crise de la mort. Je termine avec l'évolution des prix.

La crise des années 30, c'est aussi ce qu'on appelle la déflation, la baisse des prix. Ici on voit que dans tous les pays les prix baissent de 10, 20. 30% entre 1929 et 1932. Alors ça, j'ai jamais compris, tu vois, en quoi la baisse des prix est un problème. Si les prix baissent, t'as plus de pouvoir d'achat. C'est une bonne nouvelle.

Alors, règle numéro 1 de la macro... Les dépenses des uns sont les revenus des autres. Moins de dépenses égale moins de revenus.

Il y a deux types de dépenses, consommation et investissement. Si les prix baissent, à quoi bon investir ? Pourquoi ne pas attendre un peu plus longtemps que les prix baissent encore ? davantage. Ah sauf que pendant que tu attends tu dépenses pas donc le mec d'en face n'a pas de revenus.

Ce qui le pousse à baisser ses prix ce qui me pousse à attendre encore davantage. C'est un cercle vicieux en fait. C'est pas un cercle vicieux infini non plus les rétroactions négatives finissent par s'annuler et même par provoquer un rebond parce qu'on peut pas attendre indéfiniment non plus. Ça dépend aussi des types d'investissements certains se retardent plus facilement que d'autres mais ça peut avoir le temps de de bien baisser avant de s'inverser.

Et donc, ça accentue les crises. Également, quand les prix baissent, les chiffres d'affaires baissent. Et investir, c'est parfois s'endetter. Mais c'est difficile de s'endetter sur 5 ou 10 ans, donc de s'engager sur le remboursement d'une somme fixe tous les mois ou tous les ans, quand on voit ses revenus diminuer mois après mois.

Autre remarque, dans le contexte de la Grande Dépression, la baisse des prix socie celle des prix de la main d'œuvre, c'est-à-dire la baisse des salaires. C'est encore lié à cette histoire des talons or. Mais attends, si les prix baissent, on s'en fout que les salaires baissent aussi.

Je gagne... 100, le pain coûte 10, maintenant je gagne 90, mais le pain ne coûte que 9, donc ça ne change rien. Alors oui en théorie, mais ton raisonnement est un peu trop simple.

Ni les prix ni les salaires ne baissent de manière homogène. Quand les salaires baissent de 10% en moyenne, il y a ceux qui ne constatent aucune baisse de leurs revenus et ceux qui constatent une division par deux de leur salaire. Ah ok, je vois.

Mais alors ça veut dire qu'avec la baisse des salaires et des prix et ces histoires de moyenne là, il doit y avoir des gens pour qui la déflation provoque une hausse de pouvoir d'achat ? Oui, tout à fait. En fait, le sort des travailleurs pendant la crise dépend énormément de leur statut. S'ils sont employés par une entreprise qui tient le coup, les salaires ne baissent pas ou peu et le pouvoir d'achat monte.

S'ils sont fonctionnaires, les États cherchent en général à réduire leur salaire pour générer de la déflation compétitive. C'est le fameux truc lié à l'étalon or, on en reparlera. Et là, il y a une perte de pouvoir d'achat. S'ils sont artisans ou ouvriers payés à la pièce, comme les carnets de commandes se réduisent, là aussi il y a une baisse de pouvoir d'achat. S'ils sont licenciés, c'est le pire des scénarios, les aides sont quasi inexistantes, il n'est même plus vraiment question de pouvoir d'achat, il faudrait carrément parler de pouvoir de survie, et là c'est sûr les chômeurs tombent très vite dans la misère.

Ok, c'est pas la joie. Bon on va dire donc situation hétérogène quoi, tout le monde n'est pas logé à la même enseigne. Exactement, et c'est pour ça qu'une rétroaction négative, la baisse des salaires du plus grand nombre ainsi que sa celle des prix provoque la baisse de la consommation, ce qui provoque plus de baisse des salaires et des prix, peut se transformer en une rétroaction positive.

La baisse des salaires se stabilise car elle n'est plus possible dans certains secteurs, il faut bien que les travailleurs toujours employés survivent, et c'est la hausse de la consommation qui se met à dominer la rétroaction. Parce que baisse générale des prix alors que certains salaires n'ont pas baissé. Mais il faut quand même garder en tête que les mieulottis sont souvent ceux qui sont déjà au sommet de la crise. la pyramide des revenus.

Autrement dit, la déflation augmente le pouvoir d'achat de ceux qui n'ont pas réellement besoin ou envie de consommer plus. D'où la diminution de la consommation qui domine d'abord très fortement en cas de déflation. L'autre élément important dont il faut tenir compte, c'est un des enseignements principaux de Keynes quand il analyse la crise, c'est la dimension psychologique de l'économie. Les dépenses des uns sont les revenus des autres, et donc les déficits des uns sont les bénéfices des autres.

Pour avoir des revenus et faire des bénéfices, il faut des gens ou des institutions, public ou privé. qui acceptent de dépenser et de faire du déficit. Mais il est évident que cette situation déficitaire est difficile à déclencher quand les chiffres d'affaires baissent, que les faillites se multiplient et que le chômage menace. Il faut être optimiste quant à l'avenir pour prendre des décisions de déficit qui permettent au reste des agents économiques de jouir de bénéfices.

Ouais, ok, si l'économie va mal, revenus en baisse, chômage, faillite et compagnie, donc pas de volonté de se mettre en déficit quoi. Sauf que les déficits des uns sont les bénéfices des autres, donc le cercle vicieux, enfin, cercle vicieux pendant un bon moment avant que ça se retourne. Compris. Bon alors sinon, je voudrais revenir sur le graphique de la déflation.

On dirait bien qu'il y a pas mal de pays chez qui les prix n'ont pas tendu 1929 pour commencer à descendre. Regarde un peu les toboggans suédois et anglais là. Ouais, alors, il ne faut pas oublier que tout ce petit monde sort de la première guerre mondiale. Alors pour méga simplifier, entre 1919 et 1925, ce que tu vois ce sont les conséquences des travaux de reconstruction que les pays galèrent à faire financer, des problèmes de transformation de l'outil industriel.

Il y a trop d'usines d'armement et pas assez d'usines de toutes les autres sortes. Et aussi du fait que les monnaies fluctuent encore. L'État noir avait été suspendu pendant la guerre, mais il n'est pas immédiatement remis en place après l'armistice.

C'est à partir de 1925. qu'on retrouve une stabilité de la valeur des monnaies les unes par rapport aux autres. Est-ce que tu es au courant qu'à chaque fois que l'étalon or revient dans l'explication, j'y comprends plus rien ? Oui, bon, alors, on aura une partie dédiée à cette histoire d'étalon or dans la prochaine vidéo, je te promets.

Il faut juste être un peu patient. Ouais. Mais quel rapport entre les monnaies qui fluctuent entre elles et les histoires d'inflation ou de déflation dans les pays ?

Eh bien alors, tu ne te rappelles plus de la vidéo sur l'inflation. Le rôle des importations slash exportations. et de comment tu paies ou te fais payer pour cette balance commerciale jouent un rôle important dans le niveau des prix. Quand ta monnaie perd de la valeur, tout ce que tu achètes à l'étranger coûte plus cher. Si ce que tu achètes ce sont des matières premières pour alimenter tes usines, le prix de tout ce qui en sort grimpe.

Aïe, c'est le coût de l'euro qui baisse par rapport au dollar, donc le pétrole coûte plus cher parce qu'il faut que je l'achète en dollars. Donc tout ce qui est fabriqué à base de pétrole chez moi et qui est vendu en euros coûte plus cher aussi. Voilà. Mais le phénomène peut aussi aller dans l'autre sens et créer de la déflation quand ta monnaie s'apprécie par rapport aux autres.

C'est relou ces trucs de taux de change, on n'y comprend jamais rien de toute manière. C'est pour ça qu'on aura une partie dédiée à l'étalon or, mais pas tout de suite. Bon, je pense qu'on a bien compris que la crise des années 30, c'est pas juste une petite récession de pacotille façon 2008, on est plutôt dans le champ légal.

du cataclysme, dépression, marasme et autres joyeusetés. De ce que j'ai compris, les États-Unis se prennent une giga baffe financière avec le krach de 29, les trois journées noires là, et ce choc boursier se transmet au reste du monde à cause de... du commerce mondial et de l'état-loi.

C'est ça ? Sachant qu'on n'a toujours pas compris ce que c'est que l'état-loi. Alors oui, c'est pas trop mal, mais c'est pas le krach de 29 qui cause la crise aux États-Unis ou ailleurs. Le krach, c'est un déclencheur.

Et puis, la situation boursière qui se détériore pendant des années devient un facteur d'aggravement au niveau mondial. Mais on peut pas dire que la spéculation est la cause de la crise. On peut pas dire non plus que l'état-loi provoque la chute du commerce mondial.

Ici encore, c'est plus un aggravateur qu'une cause. Attends, si c'est ni le crack ni l'état noir qui cause la crise, qu'est-ce qui la cause ? Alors, d'où vient la crise ?

Eh bien, dans tous les ouvrages sur le sujet, on te dira qu'il s'agit d'une crise de surproduction. De surproduction ? Genre, on fabrique trop de trucs ? C'est ça. Euh...

Il va falloir que je comprenne. Il y a tellement plein de trucs pour tout le monde que du coup, il y en a trop et donc ça déclenche une crise où plus personne n'a rien ? Oui, alors c'est vrai que ça peut paraître bizarre.

Étant donné la misère que cette crise provoque, on se dit qu'elle doit être causée par une forme de... pénurie. Et pourtant, d'habitude, on la présente bien comme un problème de surproduction.

A mon sens, cela dit, on peut aussi la voir comme une crise provoquée par une pénurie, mais une pénurie de revenus. De revenus ? Oui.

Regarde. schéma du fonctionnement de l'économie. Les dépenses des uns sont les revenus des autres. Les premières dépenses sont financées par des prêts bancaires.

Genre à bâche, les banques ne prêtent pas l'argent de l'épargne, jamais de levier, elles créent de la nouvelle monnaie par le crédit. Et le remboursement du crédit bancaire est destructeur de monnaie. Ensuite, les revenus atterrissent dans l'épargne.

Une partie de celle-ci reste bloquée, les gens ou les entreprises gardent simplement des sous de côté. Et une partie est réinjectée dans le système en fin de compte. finançant des dépenses.

C'est ultra simplifié, on a de multiples vidéos dans lesquelles on détaille davantage, mais pour ce qui nous intéresse ici, on n'a pas besoin d'aller plus loin. Ok, voilà quelques vidéos dans lesquelles on va plus loin justement. Bon, question, à quoi servent les dépenses ? Qu'est-ce que les dépenses viennent acheter ?

Des fringues, des voitures, de la bouffe, des consultations chez le médecin, tout ce qu'on achète quoi. Ok, donc des biens et des services dits de consommation, fabriqués par l'ensemble des entreprises. Ok. Ensemble que je représente par une espèce d'usine géante. Tous les biens et services de consommation sortent de cette usine.

Mais il n'y a pas que ce que nous on achète. Il y a aussi ce que les entreprises achètent. Des machines diverses, des services de construction pour agrandir les usines ou les bureaux. On parle d'investissement.

On a donc deux formes de dépenses qui génèrent des revenus. Les dépenses de consommation orientées vers la population et les dépenses d'investissement orientées vers les entreprises. Donc, dans mon schéma, vers mon usine géante. Ouais, ok, c'est logique.

C'est le B2B versus le B2C quoi. Business to business, tu bosses dans une boîte qui vend des trucs à d'autres boîtes. Business to consumer, tu bosses dans une boîte qui vend des trucs aux consommateurs.

C'est exactement ça. La crise de surproduction démarre souvent avec de fortes dépenses d'investissement sans que les salaires ne suivent. Beaucoup de gens travaillent dans des entreprises dont l'objectif est d'agrandir ou d'améliorer l'usine géante qui produit des biens et des services de consommation. Alors qu'on travaille sur l'agrandissement de l'usine, tout le monde a un boulot et tout le monde a des revenus.

Revenus qui permettent d'acheter ce qui sort de l'usine non agrandi. Les profits augmentent et ils sont réinvestis pour toujours augmenter la taille de l'usine. Mais alors que les profits et investissements augmentent, les salaires ne suivent pas. Les gains de productivité diminuent.

tombe dans les poches des propriétaires du capital, mais pas dans celle des travailleurs. En conséquence, les revenus de la population commencent à ne plus être suffisants pour acheter ce qui sort de cette usine qui s'agrandit en permanence. Mais dans les années 20, c'est l'invention du crédit à la consommation.

La population peut augmenter ses dépenses sans pour autant bénéficier de hausses de salaire. salaire. La machine peut tourner encore un peu plus longtemps. Également, comme il y a en réalité des milliers d'entreprises qui fabriquent des milliers de choses différentes, c'est pas toujours facile de se rendre compte qu'il y a une surcapacité généralisée qui s'installe. Mais au bout d'un moment, on finit par comprendre qu'on dépense des sommes folles pour agrandir une usine qui va fabriquer des choses qu'elle ne pourra pas vendre, car les travailleurs et travailleuses ont tout simplement des salaires trop bas pour se les offrir.

Et donc, quand on remarque ça, on se dépêche de monter les salaires de tout le monde pour résoudre le problème. Bien sûr que non. Monter les salaires, c'est réduire les marges immédiatement, dans le but de peut-être, si toutes les autres entreprises montent aussi les salaires, vous faire un peu de travail. voire le pouvoir d'achat de la population augmenté, et donc les ventes augmentées avec. Mais la plupart des dirigeants d'entreprises ne tentent pas ça, c'est trop incertain.

Non, pour préserver les marges, on préfère ralentir les investissements. On ralentit le rythme auquel on agrandit l'usine. Sauf qu'en faisant ça, on ne peut pas faire de l'argent. En faisant ça, on provoque le licenciement de plein de monde.

Plein de monde qui travaille en B2B. Donc plein de gens se retrouvent sans revenus, donc on se rend compte que l'usine produit encore beaucoup trop par rapport à ce que les gens peuvent acheter. Donc on réduit encore les investissements.

Et on réduit aussi la vitesse de production de l'usine. Sauf que pour faire ça, qu'est-ce qu'on fait ? On licencie ceux qui bossent dans l'usine maintenant.

Exactement. Ce qui réduit les revenus des gens, donc leur capacité de consommation. Donc on produit toujours trop.

Donc on licencie encore plus. Ça finit toujours par ce stade. stabilisé à un moment donné. La production de biens et de services finit par correspondre aux capacités et aux volontés de dépenses des agents économiques. Mais cet équilibre retrouvé peut correspondre à des taux de chômage très élevés.

Sans mouvement contraire d'ampleur suffisante pour relancer les dépenses d'investissement ou de consommation ou les deux et donc faire repartir les embauches, l'économie peut rester embourbée dans le marasme. C'est quand même dingue, une crise économique à cause d'un excès de production ! Alors attention, encore une fois, on peut se dire que la crise économique est une que le problème venait d'une usine trop grosse, produisant trop de biens et de services, mais on peut aussi voir le problème comme un manque de rémunération des employés. La fin du 19e siècle et le début du 20e se traduit par l'automatisation de nombreuses tâches dans l'industrie. Le taylorisme et le fordisme font leur apparition.

Les gains de productivité sont importants, sauf que ces gains se traduisent par une augmentation des marges des entreprises plutôt que par la hausse des salaires. Les entreprises réinvestissent, développent du B2B et versent des dividendes. L'épargne des riches qui ne savent déjà pas quoi faire de leur fortune grossit.

Mais ceux qui auraient tendance à consommer plus, plutôt qu'à épargner, les employés, ne voient pas leur revenu augmenter. Ou pas beaucoup. Et c'est parce que les salaires augmentent peu que l'usine semble surdimensionnée. L'usine est trop grosse par rapport à la capacité de consommer des masses. Autrement dit, il n'y aurait pas eu de surproduction si les salaires avaient suivi les gains de productivité.

Quelque part, ne parler que du surdimensionnement de l'usine, c'est invisibiliser l'autre facette du problème, celle de l'inégalité de la distribution des revenus. Trop de marge pour les entreprises, trop de dividendes pour de riches actionnaires qui ne dépensent pas assez, et trop peu de salaire. pour les classes populaires. Hum, ok, la crise de surproduction ne vient pas toute seule.

Elle s'encompagne d'un déséquilibre dans la répartition des revenus. Les inégalités produisent la crise de surproduction. C'est ça oui, mais il y a quand même plusieurs nuances à apporter à cette explication.

Des nuances ? Comment ça ? Ok, premièrement, le terme de crise de surproduction est le plus utilisé parce qu'on peut effectivement parler de surproduction dans certains secteurs.

En effet, pendant la première guerre mondiale, les champs de blé sont remplacés par des champs de bataille. La production s'oriente vers les obus et autres fusils plutôt que sur n'importe quoi d'autre. De plus, la main d'œuvre, même si les femmes prennent en partie le relais, est envoyée au front. En conséquence, la production de blé, de sucre, de café, caoutchouc, laine et lard des pays européens et de leurs colonies chutent pendant la guerre et de nouveaux producteurs prennent le relais et investissent pour répondre à la demande mondiale. Mais quand la guerre se termine, l'Europe relance petit à petit la production de ses denrées agricoles et on se retrouve avec des stocks qui commencent à s'empiler à partir de 1925. Le problème de la surproduction des denrées alimentaires c'est qu'évidemment il suffit pas de mieux rémunérer les gens pour qu'ils mangent plus.

La demande de nourriture est aussi contrainte par les besoins physiques de l'être humain. Donc là, on peut parler de surproduction sans forcément avoir un problème d'allocation des ressources monétaires. Ah oui, ok, forcément. La surprodu...

Les produits de production agricole participent grandement au marasme des années 30, parce que les prix des matières premières vont chuter pendant la crise, ce qui va diminuer d'autant les revenus des agriculteurs. Pire même, certains d'entre eux, voyant leurs revenus baisser, vont essayer d'augmenter leur production pour contrer cet effet, ce qui ne fera que réduire davantage les prix, participant à la déflation et donc au marasme nourri par celle-ci. Attends, pourquoi ils feraient ça les agriculteurs ? Si les prix du blé baissent, pourquoi pas plutôt réduire la quantité produite pour faire remonter les prix ?

Mais, pardon, je ne sais pas. Parce que la réduction de production, La réduction doit être généralisée pour provoquer une hausse des prix. Or, les agriculteurs sont livrés à eux-mêmes.

Ne sachant pas comment les autres vont agir et sans possibilité de coordonner leur action, ils utilisent le prix actuel comme référence. Ils calculent leurs coûts et, moyennant le prix actuel, la quantité qu'il leur faut produire pour les amortir. Comme les prix baissent, cette quantité est forcément plus grande. Donc ils augmentent la production. Tu veux dire que les agriculteurs ne sont pas des agents rationnels qui calculent tout avec une parfaite connaissance de l'avenir et de ce que font les autres comme dans un modèle néoclassique ?

Ouais non, voilà. L'autre nuance à apporter, c'est qu'il faut rester... pas croire que la grande dépression n'est qu'une crise de surproduction. Ça démarre comme ça, mais il y a d'autres facteurs qui jouent pour transformer une crise de surproduction en une grande dépression.

Ce qui me fait dire ça, c'est notamment le fait que le monde ne découvre pas l'existence de ce genre de crise. crise en 1929. La crise de surproduction, c'est un truc qui est déjà théorisé par Sismondi et Malthus plus d'un siècle avant la crise de 1929. Malthus, le mec de la surpopulation là ? Oui, c'est ça, le mec de la surpopulation.

Enfin, le penseur dont les gens qui s'inquiètent de surpopulation s'inspirent. Malthus ne prédisait pas qu'il y aurait un problème de surpopulation, il disait plutôt que si on améliorait les conditions de vie des pauvres, notamment en augmentant la production agricole pour mieux les nourrir, il réagirait en faisant plus d'enfants. ce qui les renverrait tout droit vers la malnutrition et la pauvreté.

La solution n'est donc pas d'aider les pauvres en leur donnant plus à manger, mais bien de les aider en les éduquant, en leur apprenant qu'ils ne doivent pas succomber à leur basse pulsion animale. que le sexe c'est le vice, qu'il doit faire preuve de modération et de retenue. Ah mais oui voilà, c'est pas un religieux lui d'ailleurs ?

C'est un économiste et un prêtre anglican en vrai. Ouais ok, ça me revient. Un mec bien sympa on dirait. Et donc lui, il avait déjà compris qu'il y avait des crises de surproduction. Oui, tout comme un autre économiste du début du 19e siècle, Jean de Sismondi.

Tous deux ont été marqués par la crise économique de 1816-1817. En très gros, il fait très froid ces années-là, la production agricole chute, le prix du grain et donc du pain grimpe, les gens dépensent tout dans la nourriture mais non plus de sous pour les produits manufacturés, pif-paf-pouf, sur production. La demande pour ses biens chute par manque de revenus.

Les patrons de manufactures licencient, les gens ont encore moins de revenus, demandes chutent encore plus, etc. Sismondi et Malthus comprennent tous les deux qu'il y a un problème de demande. Ils font la différence entre le pouvoir d'achat, la capacité de consommer ou d'investir, et le vouloir d'achat, la volonté de consommer ou d'investir. Oui, c'est assez évident.

Il y a des gens qui gagnent beaucoup mais qui ne consomment pas tout ce qu'ils gagnent. Et il y a des gens qui voudraient consommer plus mais qui ne peuvent pas parce qu'ils ne gagnent pas assez. Et bien, ce n'est pas si évident que ça pour tout le monde.

A l'époque, l'idée qui domine et qui est encore... très présente aujourd'hui, c'est ce qu'on appelle la loi de Say. Cette loi, qui n'en est pas une en fait, c'est juste une hypothèse de travail, un axiome, un postulat, c'est que les revenus de la population et des entreprises, les agents économiques, se transforment nécessairement en dépenses.

Soit les agents utilisent leurs revenus pour consommer, ce qui est une dépense, soit ils épargnent, ce qui n'en est pas une. Et c'est là le nœud du problème, pour Say, l'épargne se transforme toujours en investissement, une dépense, parce que celle-ci se retrouverait automatiquement sur un marché de l'investissement lui-même équilibré par un taux d'intérêt. Trop d'épargne par rapport à la volonté d'investir, le taux baisse.

Pas assez d'épargne, le taux monte. Mais SAE ne conçoit pas que l'épargne puisse être simplement stockée et non offerte à de potentiels investisseurs, quel que soit le taux d'intérêt. Puisqu'il néglige cet élément, il aboutit à la conclusion que l'épargne est toujours prêtée à d'autres agents pour qu'ils investissent.

Donc, il n'y aurait jamais de différence entre le pouvoir d'achat, les revenus des agents, et le vouloir d'achat, les envies de dépense. Ou s'il y en a une, il suffit d'attendre un peu que le taux d'intérêt s'ajuste et rétablisse l'équilibre. Ah ouais, bah, dis-donc, c'est une sacrée hypothèse. thèse.

Et il se base sur quoi, c'est, pour affirmer son truc ? Il n'y a pas vraiment de statistiques et encore moins d'enquêtes sociologiques à l'époque de c'est. Il se base sur une intuition.

Soit l'épargne sert à consommer, soit elle est prêtée pour obtenir un taux d'intérêt. Pour lui, la monnaie se dépense toujours, elle ne se stocke pas. Il imagine que ce serait irrationnel que ce soit le cas, car on perdrait le taux d'intérêt.

Sismondi et Malthus, eux, c'est beaucoup plus réaliste, conçoivent la monnaie comme un moyen de paiement, certes, mais aussi comme une réserve de valeur. Une assurance qu'on garde de côté pour les mauvais jours. D'où leur idée d'une épargne stockée, non prêtée. Après tout, prêter permet de toucher un taux d'intérêt, mais si l'emprunteur ne rembourse pas, on peut tout perdre. Je rajoute également que ni Malthus, ni Sismondi, et encore moins Say, n'envisagent la création monétaire par les banques.

Say résonne même dans ce qu'on appelle une économie de troc. Tu peux aller voir cette vidéo pour voir à quel point raisonner dans une économie monétaire amène à des conclusions différentes que si on raisonne dans une économie de troc. Mais bref, ce que je voulais dire donc, c'est que la crise de surproduction, ou la crise de non-égalité entre le pouvoir d'achat des uns et le vouloir d'achat des autres, la crise de mauvaise répartition de la monnaie, la crise des inégalités d'accès à la monnaie, n'est pas nouvelle en 1929. On sait que ça existe depuis au moins un siècle. Donc la question devient, si on sait que ça existe depuis si longtemps, pourquoi on ne l'a pas vu venir ? Non, ce n'est pas vraiment ça la question.

Ah non ? Non, parce que la crise de 1929 n'était pas une surprise en soi. Beaucoup d'économistes s'y attendaient. Le phénomène de spéculation à Wall Street était critiqué par certains, pas tous, loin de là, mais certains commentateurs, journalistes, économistes ou investisseurs avaient prévenu qu'il y avait une bulle et que donc ça allait bien finir par péter. Et puis surtout, dans les années 20, on dispose déjà de nombreuses théories des crises économiques.

Il s'agit essentiellement de théories des cycles, il y aurait des phases de croissance, va bien et d'autres phases de crise, tout va mal. Pour certains, comme les marxistes, les cycles nous emmènent vers la mort du capitalisme, car il y aurait des contradictions fondamentales dans son fonctionnement. Pour d'autres, en gros ceux qui ne sont pas marxistes, le capitalisme provoque une hausse générale du niveau de vie, mais cette hausse n'est pas régulière, elle est faite de variations. Il y a les variations de court terme, une mini-crise tous les 2 à 4 ans, cycle de kitchen, les variations de moyen terme, une crise tous les 8 à 10 ans, cycle de jugulat.

et les variations de long terme, une crise tous les 25-50 ans, cycle de Kondratiev. On avait déjà eu une crise au début des années 1920 aux Etats-Unis, taux de chômage qui passe de 4 à 12%, déflation pendant deux ans en 1921 et 1922, donc cycle de Kitchin un peu en retard ou cycle de Juglar. On s'attend à une crise à la fin de l'année. des années 20. Mieux, la dernière crise due à un cycle de Kondratiev remonte à peu près à 1900. Schumpeter la place en 1893, pour être exact. Donc, on peut s'attendre à une crise pour...

n'importe quoi entre 1918 et 1943. Pourquoi pas 1929 ? Attends une seconde, des cycles ? Mais... Chips ! Attends une seconde, des cycles ?

Mais des cycles liés à quoi ? Tu peux pas juste me balancer comme ça que les économistes ont remarqué, fins observateurs qu'ils sont, que des fois c'est cool et des fois c'est la merde. Il faut forcément expliquer pourquoi ça fait des cycles.

Oula, alors, tout le monde y va de son interprétation. La pseudo-régularité des cycles tend à opter pour une explication basée sur un phénomène récurrent. Alors pour les marxistes, la récurrence vient du fonctionnement même du capitalisme.

Pour eux, on démarre par une situation où il y a plus de postes à pourvoir que de travailleurs sans emploi. Cela provoque une diminution de l'armée industrielle de réserve, les chômeurs totalement dépendants d'un emploi pour survivre. Donc hausse des salaires, donc baisse des profits, donc baisse du moral des patrons qui ne vivent que pour augmenter les profits. Donc baisse des investissements qui fait partie de la demande, donc baisse de la demande, donc crise.

Mais la crise inverse la dynamique. sur le marché de l'emploi. Moins de postes à pourvoir que de travailleurs.

Donc hausse de l'armée de réserve, hausse du chômage et baisse des salaires. Il y a aussi une baisse du coût des investissements parce que tout coûte moins cher. Déflation.

Ça finit par rendre les investissements rentables. Donc les patrons se remettent à investir et c'est la fin de la crise. On repart dans l'autre sens. Ah ouais ?

Ouais ça parait bien. Bon, mais d'autres économistes proposent d'autres explications. Pour Kitchin, les cycles courts sont liés à des histoires de coordination entre la demande immédiate et l'offre de court terme qui, sans avoir le temps de construire ou de démolir des usines, met quelques années à ouvrir.

augmenter ou diminuer les rythmes de production. Du coup ça produit un décalage, un coup la demande est forte par rapport à l'offre, tout va bien, un coup elle est faible, c'est la crise. Pour Juglard et ses cycles de 8-10 ans, c'est plus une histoire d'investissement, fabrication de nouveaux moyens de production. On investit trop pendant la période de boom, on s'en rend compte mais on freine trop fort, crise. Pour Schumpeter qui propose une explication des cycles longs dit de Kondratiev, c'est l'histoire de la destruction créatrice.

Il y a une innovation, machines à vapeur, textiles, chemins de fer, acier, etc. un nouveau secteur se développe, création, au dépend d'un autre qui se contracte, destruction. La contraction est d'abord plus forte, c'est la crise, mais le développement du nouveau secteur finit par dominer, c'est le boom. Jusqu'à la prochaine innovation, jusqu'à la prochaine disruption, dirait-on aujourd'hui. Bref, tout ça pour dire que les économistes pensent déjà les crises avant l'avènement de celles des années 30. Le capitalisme, un mode d'organisation de la production qui démarre vraiment fin 18e, début 19e, est jalonné de phases de crise et de phases de boom.

Et donc tout le monde s'attend à ce que de nouvelles crises pointent le bout de leur nez. Personne ne sait prédire exactement quand cela arrivera, mais tout le monde y attend. Mais alors, donc, tout le monde sait que la crise de 29 arrive ? Non, si on sait que les crises de 29 arrivent, La crise existe, on a même un début de théorie pour celle dite de surproduction. On n'a en revanche jamais vu une crise aussi grave que celle de 1929. Ce qui surprend, c'est l'ampleur de la crise.

Pour les économistes des années 30, la vraie question c'est pourquoi la crise est si profonde. Pourquoi une grande dépression ? Pourquoi un marasme ? Si tant est qu'il y a eu d'autres crises de surproduction, parce que tout le monde n'est pas d'accord là-dessus, à l'époque évidemment, pourquoi n'ont-elles pas été aussi violentes que celles des années 30 ? Ok, je vois.

On a des théories qui... qui parle de crise ou nette, mais on n'a pas de théorie de la méga crise qui fout toute ton économie au fond du trou pendant 10 ans. Voilà.

Et puis également, on n'a pas d'outil pour résoudre les crises. Les théories de l'époque n'ont rien à dire quant à un éventuel rôle d'institution type banque centrale ou état pour sortir une économie d'une crise. Il y a une forme de fatalisme ambiant.

Le capitalisme génère des crises, c'est comme ça, faut laisser faire. Des fois ça va un peu mal, mais ne craignez rien, le cycle finira bien par se retourner. Et ça va changer à partir de cette crise de 29, c'est ça ?

L'expérience de cette crise incroyablement profonde va inciter les économistes à imaginer des outils pour sortir les économies de la crise. Les économistes et les politiques, oui. Il va y avoir une prise de conscience que l'inaction et même que la mauvaise action de certaines institutions ne fait qu'accentuer la dépression. Et pour pouvoir parler de ça, il va falloir qu'on dessine un schéma et qu'on parle de l'étalon or. Ah, enfin !

Alors, l'étalon or. Mais on fera ça dans la prochaine vidéo. Je suis triste.

Allez récap. Tous les indicateurs auxquels on a accès et on a vu que le PIB et le taux de chômage n'existait pas à l'époque, on a des reconstitutions de ces indicateurs mais il y a des incertitudes. Bref, tous les indicateurs montrent que la crise des années 30 est un véritable marasme, une grande dépression mondiale qui dure dix ans.

On parle de crise de surproduction. On se focalise sur l'agrandissement de l'usine de production sans se soucier des capacités d'achat de la population. Le développement de l'économie va de pair avec la hausse des marges des entreprises, mais pas avec la hausse des salaires.

On construit une économie de production de masse, Fordisme, Taylorisme, mais on oublie de s'assurer que la consommation de masse sera possible. La reprise d'activité des pays européens après la première guerre mondiale, alors que d'autres pays avaient pris leur place dans la production mondiale pendant la guerre, provoque aussi une surproduction de matières premières. Le krach boursier de 1929 révèle la crise sous-jacente, mais la spéculation de la crise mondiale est en train de se dérouler. à Wall Street n'en est pas la cause. La crise dite de surproduction n'est pas nouvelle.

Sismondi et Malthus, un siècle auparavant, avaient déjà identifié que volonté d'achat n'est pas capacité d'achat. Ce qui, pour faire classe dans un dîner, correspond à une réfutation. de la loi de Say, qui n'est pas une loi mais un axiome, une hypothèse de départ pour lancer un raisonnement.

Hypothèse largement utilisée dans les années 20. Ce qui ne veut pas dire qu'on n'a aucune notion de ce qu'est une crise à l'époque. La crise de surproduction n'est pas vraiment analysée comme telle, à cause de la loi de Say donc, mais on a des théories des cycles, cycles marxistes de Kitchin, de Juglard et de Kondratiev. Le souci de ces théories, c'est qu'elles sont fatalistes.

Le capitalisme produit des crises et des booms, c'est normal, faut laisser faire. On n'a pas de théorie dite contracyclique, pas de méthode pour endiguer les crises et limiter les booms. La crise des années 30 va permettre de comprendre que, un, il faut absolument développer des méthodes pour contrer ce genre de crise, et deux, que certaines décisions politiques, notamment celles qui permettent de préserver une institution comme l'étalon or, renforcent les crises plutôt qu'elles ne les atténuent. Et on verra ça dans la prochaine vidéo.