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Simone de Beauvoir et le féminisme

Bonjour à toutes et à tous, merci d'écouter aujourd'hui ce que je souhaite vous raconter à propos de Simone de Beauvoir et du féminisme. Simone de Beauvoir est une philosophe et une romancière française née à Paris en 1908 et décédée en 1986. Elle est aujourd'hui considérée à la fois comme une mère spirituelle pour le mouvement de libération et d'émancipation des femmes, mais aussi... comme une de ses figures fondamentales et emblématiques. Dès l'âge de 14 ans, passionnée par la littérature, elle prend la décision de consacrer sa vie à l'écriture et elle se promet de ne jamais se soumettre au destin traditionnel et classique de l'épouse, de la mère et de la ménagère qu'on impose généralement aux femmes. Après ses études secondaires, elle entame des études de littérature et de philosophie à l'université de la Sorbonne, où elle va faire la connaissance de Jean-Paul Sartre, qui deviendra un des philosophes et intellectuels les plus influents du XXe siècle en France.

Avec lui, elle va nouer une relation qui deviendra vite légendaire, une passion intellectuelle et amoureuse très libre qui durera toute leur vie. Pour Beauvoir, la liberté est une valeur suprême, et à côté de sa relation avec Sartre, qu'elle appelle son amour nécessaire, Elle collectionne des amours contingentes avec d'autres hommes et d'autres femmes. Beauvoir est une femme libre, mais aussi une femme anticonformiste, et elle rejette toutes les représentations traditionnelles que la société impose aux femmes de son époque. Par exemple, elle critique la conception bourgeoise de la famille, elle refuse de se marier et elle refuse d'avoir des enfants.

Bref, on l'aura compris, Beauvoir est une rebelle, une anticonformiste. Philosophiquement, Simone de Beauvoir s'inscrit comme Sartre dans la mouvance de l'existentialisme athée, une philosophie très à la mode dans les années 1940-1950. Selon cette philosophie, l'être humain est libre, totalement libre, et il se construit lui-même par ses propres actions.

C'est ce que Sartre exprime lorsqu'il écrit L'existence précède l'essence Cela signifie qu'à la naissance, Chaque individu surgit dans le monde sans aucun but, sans aucune valeur préétablie ou prédéfinie. Il existe simplement. Et puis, qu'il se définit ensuite par les actes qu'il pose et dont il est pleinement responsable.

Il est. À la naissance, nous ne sommes rien, nous existons. C'est tout.

C'est ce que nous allons faire, ce que nous allons choisir de faire, qui nous définira en tant que... qu'être humain. C'est ce que nous allons faire qui constituera notre essence. L'essence étant en philosophie ce que nous sommes vraiment, ce qui nous définit, ce qui fait notre singularité, ce qui fait que je suis telle ou telle personne, ce qui fait que je suis ce que je suis.

L'existence précède l'essence, cela signifie que nous existons par notre naissance et puis que nous nous construisons pour devenir ce que nous sommes. J'existe d'abord et ensuite je suis. Pour l'existentialisme, je suis libre, totalement libre de me construire de telle ou telle façon et c'est par les choix que je vais poser, par les actes que je vais effectuer, que je vais me définir, que je vais constituer mon naissance. À la naissance, nous ne sommes encore rien, absolument rien. Il n'y a donc pas de nature.

humaine. Et s'il n'y a pas de nature humaine, il n'existe pas non plus de nature féminine. Ce qui signifie qu'il n'y a aucune raison nécessaire pour qu'une femme devienne ce qu'on attend d'elle. Il n'y a aucune raison pour qu'une femme devienne ce que ses parents attendent d'elle.

Il n'y a aucune raison nécessaire pour qu'une femme devienne ce que la société attend d'elle, ce que les hommes attendent d'elle. La femme est libre totalement libre de se construire comme elle le souhaite et de devenir ce qu'elle souhaite. C'est cette idée qui constitue un des points de départ de son grand livre qui paraît en 1949, Le deuxième sexe qui commence par un constat assez désolant sur le statut de la femme dans la société.

Beauvoir écrit La femme a toujours été, sinon l'esclave de l'homme, du moins sa vassale. Les deux sexes ne se sont jamais partagés le monde à égalité. Et aujourd'hui encore, bien que sa condition soit en train d'évoluer, la femme est lourdement handicapée.

En presque aucun pays, son statut légal n'est identique à celui de l'homme et souvent il la désavantage même considérablement. Même lorsque des droits lui sont abstraitement reconnus, une longue habitude empêche qu'ils ne trouvent dans les mœurs leur expression concrète. Économiquement, hommes et femmes constituent presque deux castes.

Toutes choses égales, les premiers ont des situations plus avantageuses, des salaires plus élevés, plus de chances de réussite que leurs concurrents. Ils occupent dans l'industrie, la politique, etc. un bout de la vie. beaucoup plus grand nombre de places et ce sont eux qui détiennent les postes les plus importants.

Outre les pouvoirs concrets qu'ils possèdent, ils sont revêtus d'un prestige dont toute l'éducation de l'enfant maintient la tradition. Le présent enveloppe le passé et dans le passé, toute l'histoire a été faite par les mâles. Au moment où les femmes commencent à prendre part à l'élaboration du monde, ce monde est encore un monde qui appartient. aux hommes. Le deuxième sexe a été écrit il y a plus de 70 ans.

Et il faut reconnaître qu'on peut observer aujourd'hui certaines avancées significatives en ce qui concerne le droit des femmes. Par exemple, la loi belge a consacré en 1976 l'égalité de l'homme et de la femme dans le mariage, ce qui a permis à la femme de pouvoir enfin ouvrir un compte bancaire sans l'autorisation de son mari, ce qui n'était pas possible auparavant. Et en 1990, l'avortement, c'est-à-dire le droit pour la femme de disposer librement de son corps, est dépénalisé.

Néanmoins, malgré certains progrès incontestables réalisés en faveur du droit des femmes, il faut quand même se rendre à l'évidence, aujourd'hui encore, et de façon générale, ce sont les hommes qui dirigent le monde. Ce sont les hommes qui occupent toujours la plupart des postes importants ou prestigieux. Ce constat est toujours actuel. Plus on s'élève dans l'échelle sociale, moins il y a de femmes. Autrement dit, le sexe féminin reste un genre mineur, subalterne, secondaire.

Le sexe féminin reste un deuxième sexe. La femme continue à être définie par rapport à l'homme. Elle est d'abord l'épouse de l'homme, la fille de l'homme, la sœur, l'assistante, la secrétaire de l'homme. l'adjointe, l'auxiliaire, la collaboratrice de l'homme.

La femme accompagne l'homme, elle vient toujours après. Nous vivons toujours dans un monde où règne le sexisme, nous vivons toujours dans un monde où les femmes sont victimes de préjugés et de discriminations, tout simplement parce qu'elles sont des femmes. Simone de Beauvoir a toujours combattu ces clichés sexistes, et s'il y a une chose particulière qu'il a toujours insupportée, c'est qu'on la désigne comme étant la compagne de Jean-Paul Sartre.

Et là, en effet, toujours refuser de se laisser définir ainsi, de se laisser réduire à ce statut de compagne d'un homme. À peu près partout et depuis toujours, la femme a donc été opprimée. Selon Beauvoir, ce processus d'oppression de la femme par l'homme n'est pourtant pas spécifique au genre sexuel. Le mécanisme permettant de rejeter une catégorie de personnes dans l'infériorité, dans la secondarité, ne touche pas que les femmes. Pour la philosophe, le processus qui fait de la femme un être secondaire et inférieur aux yeux de l'homme est similaire à celui qui a fait pendant longtemps du noir un être secondaire et inférieur aux yeux du blanc.

D'une certaine manière, le sexisme, c'est-à-dire la... discrimination sur base du sexe est similaire au racisme. En 1936, le poète martiniquais Aimé Césaire avait créé le terme négritude pour désigner l'ensemble des exigences et des combats des peuples noirs qui veulent revendiquer leur différence et leur égalité avec les occidentaux. Simone de Beauvoir crée le terme féminitude pour désigner la transformation de la condition de la femme et l'évolution nécessaire et souhaitée vers l'égalité homme-femme.

A peu près partout et depuis toujours, les femmes ont donc été opprimées par les hommes. A peu près partout et depuis toujours, les hommes, les mâles, se sont comportés comme s'ils étaient les rois de la création, comme si les femmes étaient à leur disposition. A peu près partout et depuis toujours, les femmes ont donc été soumises et cette soumission est construite et voulue par la société.

En effet, quand un enfant naît, la société des hommes le formate pour qu'il devienne ce qu'il doit être. Et on en arrive ainsi à des conceptions ultra-classiques, conventionnelles et rétrogrades du genre si l'enfant est un garçon, on en fait un homme fort, dominant, volontaire, qui, dans le couple, bricolera, réparera la voiture et tondra la pelouse. Si par contre l'enfant est une fille, alors on en fait une femme fragile, gentille, dominée, effacée, soumise, qui dans le couple fera la cuisine, fera le ménage et s'occupera des enfants.

Cette vision peut sembler évidemment un peu caricaturale, mais elle correspond pourtant malheureusement à une réalité indéniable et extrêmement fréquente. C'est ce que Beauvoir dénonce lorsqu'elle écrit On ne naît pas femme, on le devient Cette petite phrase ultra célèbre On ne naît pas femme, on le devient synthétise à elle seule la thèse exposée et défendue tout au long des mille pages du deuxième sexe. Cette petite phrase, qui est souvent considérée comme la phrase clé du féminisme, signifie que l'image de la femme est une construction sociale, une représentation que la société lui impose. pose dès l'enfance, à travers une éducation qui l'infantilise, qui la formate, qui la féminise et la rend dépendante du monde des hommes. L'éternel féminin n'existe pas, c'est un mythe.

Les qualités qu'on attribue traditionnellement aux femmes, la coquetterie, la gentillesse, la docilité, la passivité et la soumission, et les valeurs qu'on leur concède, l'amour, le mariage, la maternité. Ce ne sont que des images que la société des hommes colle à l'identité des femmes. Il est évident qu'il existe des différences biologiques entre les garçons et les filles, mais il est évident aussi que la société les exacerbe afin que les femmes correspondent à l'idéal voulu par les hommes. On a parfois reproché à Beauvoir de nier le féminin, de vouloir faire de la femme un homme, de refuser la féminité. C'est évidemment totalement faux.

Tout son travail consiste à montrer que la femme est, comme l'homme, d'abord et avant tout un être humain. Tout son travail consiste à prouver qu'une femme ne se réduit pas à la créature soumise que l'homme souhaiterait pourtant souvent avoir. Pour Simone de Beauvoir, ce n'est qu'à partir du moment où la femme est reconnue en tant que personne humaine, réalisée et assumée, qu'elle peut ensuite s'accomplir dans sa féminité.

Beauvoir a énoncé ces théories féministes quelques années après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il est indéniable que depuis lors, certaines choses ont changé. Le statut de la femme a évolué, sa situation s'est améliorée.

Mais cela ne justifie en rien qu'on se réjouisse, car l'égalité avec l'homme reste toujours à gagner. Et il s'agit encore et toujours aujourd'hui de lutter contre les violences faites aux femmes, de se battre contre toutes les formes de violences que la société des hommes continue de faire subir aux femmes, ici mais aussi ailleurs. Aujourd'hui encore, il faut lutter contre les violences physiques et psychologiques faites aux femmes dans le cadre domestique.

Il faut lutter contre les violences faites aux femmes lorsqu'on les oblige à des mariages forcés, à des grossesses forcées. à des avortements forcés. Il faut lutter contre les violences faites aux femmes quand on les harcèle en rue ou au travail, quand on les menace, quand on les injurie.

Il faut lutter contre les violences faites aux femmes quand on leur fait subir des attouchements non désirés, des pratiques sexuelles non souhaitées, quand on les considère comme des esclaves sexuels, quand on les viole. Il faut lutter contre les violences faites aux femmes quand on les enferme dans la prison d'une burqa ou d'un burkini, ou derrière un voile. Un icab. Il faut lutter contre les violences faites aux femmes quand on les contraint à subir des mutilations génitales. Il faut lutter contre les violences faites aux femmes quand certains remettent en cause le droit à l'avortement, quand certains se permettent de contester le droit des femmes à disposer librement de leur corps.

Il faut lutter contre la violence faite aux femmes quand, à travail égal, on leur octroie un salaire inférieur à celui attribué aux hommes. Il faut lutter contre la violence faite aux femmes quand, à compétence égale, on embauche plus facilement un homme qu'une femme. Et je pourrais malheureusement continuer encore un certain temps, car cette liste des différentes violences infligées aux femmes est loin d'être exhaustive.

Si le statut de la femme a un petit peu évolué au cours du XXe siècle, la vigilance reste de mise. Et dans ce combat pour l'égalité, dans cette lutte pour le respect et la dignité, je ne crois pas que la femme puisse beaucoup compter sur l'appui des hommes, qui semblent assez satisfaits de la situation actuelle. Après tout, pourquoi les hommes voudraient-ils changer une situation, somme toute très confortable pour eux ? Bref, c'est à vous, les filles, de lutter pour ce changement.

C'est à vous, les filles, de travailler à changer les mentalités. C'est à vous de changer le monde. Je vous remercie d'avoir écouté ce podcast, et je vous invite, si vous en avez le temps, la curiosité ou l'envie, à prolonger quelque peu votre réflexion ou tout simplement à vous distraire un petit peu en cliquant sur les quelques liens que je propose ici.