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Conséquences de l'Acidification des Océans

Bonjour à tous et bienvenue dans cet épisode de Mise au point où on va parler d'acidification des océans. L'acidification des océans n'est pas à proprement parler une conséquence du changement climatique. Mais elle est due à nos émissions de dioxyde de carbone. Ces deux phénomènes partagent donc une cause commune. Commençons par voir comment le CO2 interagit avec les océans.

En réalité, tout le CO2 que l'on émet ne finit pas dans l'atmosphère. Comme beaucoup de choses dans la nature, le carbone obéit à des équilibres. Il se répartit dans différents réservoirs, suivant ce qu'on appelle le cycle du carbone. Ces réservoirs sont l'atmosphère, les océans, la végétation et le sol. Il existe des échanges plus ou moins importants et plus ou moins rapides entre ces réservoirs.

Je voulais vous montrer cette illustration un peu compliquée, et je vous mets quelques liens dans la description pour ceux que ça intéresse. Mais on ne va pas tout regarder de ce grand bilan de matière. Ce qui nous intéresse nous, c'est ce qu'il se passe entre l'atmosphère et les océans. Laissez-moi vous simplifier tout cela. D'après les données scientifiques de 2013, les océans contiennent environ 50 fois plus de carbone que l'atmosphère.

40 000 milliards de tonnes contre un peu plus de 800 milliards de tonnes. Mais ce qui est encore plus important à comprendre, c'est que les océans et l'atmosphère sont en équilibre. Chaque année, les océans relâchent dans l'atmosphère une énorme quantité de CO2 et en absorbent pratiquement...

autant, autour de 80 gigatonnes, 80 milliards de tonnes. Ces échanges sont surtout dus à des procédés purement physiques de pression partielle, mais aussi à des phénomènes biologiques, la vie océanique absorbant du carbone. Depuis la période industrielle, les océans ont absorbé près de 40% des émissions de CO2 dues aux activités humaines, même si l'absorption par les océans se fatigue comme on le verra plus loin.

J'ai écrit en vert le carbone présent dans la nature avant 1750 et en rouge le carbone dû aux activités humaines. Chaque année les océans relâchent du carbone mais en absorbent davantage, ils accumulent donc de plus en plus de carbone. J'ai laissé la différenciation entre le carbone déjà présent dans la nature et celui qu'on ajoute dans le bilan.

On voit que du carbone d'origine humaine est absorbé chaque année parce que l'atmosphère est plus concentrée et les équilibres physiques entraînent une dissolution du carbone dans l'océan. On voit également qu'une partie du carbone originellement présent, retourne à l'atmosphère. C'est lié à un phénomène dont on a déjà parlé.

La solubilité d'un gaz comme le CO2 diminue quand l'eau chauffe. Donc la montée en chaleur des océans entraîne une évolution des équilibres physiques qui diminue leur capacité à absorber le CO2. Mais qu'est-ce que cet ajout de CO2 dans l'océan implique ?

Parce que la première réaction que l'on pourrait avoir et que les scientifiques ont eue, c'est que c'est une bonne nouvelle. Si les océans absorbent du carbone, ça en fait moins dans l'atmosphère, donc un réchauffement climatique moins fort. Pour comprendre le problème de l'acidification, il nous manque encore quelques notions. Laissez-moi vous expliquer ce qu'est l'acidité. L'acidité est définie par la concentration d'une solution en ion H+.

Pour rappel, un ion est un atome ou une molécule qui a gagné ou perdu un ou plusieurs électrons et qui se retrouve donc électriquement chargé. La concentration en ion H+, en solution, varie énormément. Donc pour simplifier les choses, on utilise le potentiel hydrogène ou pH dont vous avez très certainement entendu parler.

Pour faire simple, le pH est une mesure de l'acidité qui a une propriété intéressante. Si on multiplie l'acidité par 10, il diminue de 1. Si on la multiplie par 100, il diminue de 2. Et si on la multiplie par 1000, il diminue de 3. Le pH est traditionnellement utilisé entre 0 et 14. Plus un liquide est acide, plus son pH est bas. L'acidité est une notion importante. La concentration en ion H+, joue un grand rôle en chimie et en biologie.

Si le pH est inférieur à 7, on parle de solution acide. Si le pH est supérieur à 7, on parle de solution basique. Et quand il est égal à 7, on a une solution neutre.

Il peut être intéressant d'avoir quelques repères. L'acide chlorhydrique à 37% dans l'eau a un pH de 0. L'acide gastrique a un pH de 2. Le vin 4 et la bière 4,5. Le café a un pH de 5 et le thé 5,5.

Toutes ces solutions sont acides. Une eau pure est neutre avec un pH de 7. Pour les solutions basiques, on peut citer le sang qui est maintenu par le corps entre 7,38 et 7,42, ce qui nous montre la grande sensibilité du vivant à l'acidité. L'eau de Javel à 2,6% de chlore actif à un pH de 11,5 et la soute caustique de 14. Beaucoup de produits ménagers sont basiques.

On trouve également dans la partie basique l'eau de mer à 8,2. Et oui, l'océan est basique. On dit qu'il s'acidifie parce qu'il est de moins en moins basique. et donc de plus en plus acide. Sa concentration en ion H+, augmente.

Mais les océans ne sont pas acides. Pour qu'ils deviennent acides, il faudrait qu'ils aient un pH inférieur à 7, ce qui est encore très important. loin d'être le cas.

Parce que les océans forment un immense volume d'eau. Les rendre acides demanderait d'y déverser une quantité phénoménale de substances acidifiantes. Maintenant, il faut comprendre pourquoi les océans s'acidifient, pourquoi le pH diminue. On a déjà vu que les océans absorbaient du CO2. Alors voyons maintenant ce que cela implique.

Lorsque le CO2 se dissout dans l'eau, il ne reste pas sous cette forme. Il réagit avec l'eau pour former, suivant les conditions, un acide carbonique. un ion bicarbonate et un ion H+, ou un ion carbonate et deux ions H+.

La proportion de ces trois espèces dépend de différents paramètres, comme le pH de l'eau ou sa température. Mais de façon générale, dissoudre du CO2 dans l'eau va libérer des ions H+, et donc l'acidifier. Ce phénomène est la principale source d'acidification des océans. Mais on pourrait aussi citer l'acidification liée à l'absorption par les océans de composés azotés, principalement issus de l'agriculture et du chauffage. ou de composés soufrés issus de la combustion des énergies fossiles pétrole, charbon, gaz...

encore eux. Ces sources moins importantes de façon générale peuvent devenir prépondérantes dans certaines zones géographiques comme des littoraux pollués. Ce qu'observent les scientifiques c'est que les océans s'acidifient. Le pH des eaux superficielles est passé de 8,25 à 8,14 depuis la période pré-industrielle ce qui fait tout de même une augmentation de l'acidité de 25%. Et si on en croit les projections du GIEC, le pH devrait encore diminuer de 0,3 d'ici 2100. Le CNRS prévoit quant à lui une diminution du pH de 0,4 d'ici 2100, ce qui implique une augmentation de l'acidité de plus de 50%.

Et on sait bien que les différents phénomènes dont on parle ne s'arrêteront pas en 2100. Les derniers phénomènes d'acidification de cette ampleur remontent à plusieurs dizaines de millions d'années. Et comme d'habitude quand on parle de notre impact sur la nature, l'acidification que l'on est en train de provoquer, se fait à un rythme sans précédent. Mais quel est l'impact de cette acidification ? Est-ce que c'est un phénomène grave ?

L'acidification, tout comme la température, change la capacité des océans à absorber le CO2 parce qu'il modifie l'équilibre entre les trois formes dont on a déjà parlé avant. Pour faire simple, plus un volume d'eau est acide, moins il peut contenir de CO2. Mais l'impact sur le vivant est plus préoccupant. Les premiers animaux impactés par l'acidification des océans sont ceux qui ont besoin d'une coquille calcaire.

Plus le pH est bas. plus il est difficile pour différentes espèces de synthétiser leur teck, leur squelette planctonique ou leur coquille. D'ailleurs, on peut s'en convaincre très facilement en dissolvant du calcaire avec un acide.

Vous pouvez même faire l'expérience à la maison en plongeant une craie, un coquillage ou même un oeuf dans du vinaigre. Bien sûr, les océans ne sont pas aussi acides que le vinaigre, mais on observe que la coquille des escargots commence à être érodée dans certaines parties de l'océan. Les espèces de planctons qui forment des coquilles comme les jolis coccolithes sont également impactés. Ce qui est problématique pour deux raisons.

D'une part le plancton absorbe du carbone permettant d'extraire une partie du CO2 de l'atmosphère. D'autre part il est à la base de la chaîne alimentaire dans les océans. Si un phénomène s'attaque aux populations de plancton, il va impacter l'ensemble des animaux dans les couches supérieures des différentes chaînes alimentaires concernées. Les coquilles comme les moules et les huîtres vont aussi être affectées par l'acidification des océans.

Le problème c'est que ce sont des animaux filtreurs, ils se nourrissent en filtrant et nettoyant une énorme quantité d'eau. Leur diminution ou disparition peut considérablement changer la qualité de l'eau et affecter les autres espèces de la zone. Les espèces animales sont interdépendantes, il suffit parfois de la disparition de quelques espèces clés pour faire s'effondrer tout un écosystème.

L'exemple des coraux est le plus frappant. Les coraux sont en réalité des colonies constituées d'une multitude de tout petits animaux, les polypes, qui génèrent un exosquelette dur. L'accumulation de ces petits squelettes finit par former les récifs coralliens.

Le problème, c'est que la formation de ces squelettes devient de plus en plus difficile avec l'acidification puisqu'elle dépend de la disponibilité du calcaire et que celle-ci décroît avec la diminution du pH. Et le drame, c'est que les coraux abritent des écosystèmes extrêmement riches et complexes. Beaucoup d'espèces que l'on trouve dans les récifs coralliens ne vivent nulle part ailleurs. La disparition de cet habitat unique ferait disparaître des dizaines d'espèces.

La réalité, c'est que les coraux se meurent. La mort des petits organismes qui composent les coraux est bien visible car les récifs coralliens blanchissent, ne devenant qu'un amas de calcaire, une structure morte, superposition de centaines de petits squelettes d'animaux morts. Sous plusieurs effets combinés, dont les deux principaux sont le réchauffement et l'acidification des océans, on estime que 10% des récifs coralliens du monde sont récemment morts et environ 60% de ceux qui restent sont en danger.

D'ici 2030, on pourrait perdre la moitié des récifs coralliens de la planète. On assiste impuissant. à la disparition de ces écosystèmes marins uniques. Les oursins et certains poissons seraient également impactés directement par l'acidification des océans. D'autres espèces ne sont pas affectées directement, voire se développent mieux dans des océans plus acides.

C'est le cas de certaines algues ou du phytoplancton. Ces espèces peuvent quand même être affectées par l'effondrement des écosystèmes dont elles dépendent. Il est très probable que nous assistions dans les années à venir à des changements considérables de la vie marine. Cela va poser des problèmes de sécurité alimentaire dans certaines régions du monde et impactera aussi considérablement l'économie à travers des secteurs comme la pêche ou le tourisme.

Les pertes prévisibles se chiffrent en centaines de milliards d'euros. L'acidification des océans désigne la diminution du pH dû à l'absorption par le milieu océanique d'une partie de nos émissions de CO2. Cette acidification est indiscutable et va se poursuivre à l'avenir avec plus ou moins de gravité suivant notre capacité à réduire nos émissions de CO2.

L'acidification des océans a des conséquences purement physiques, comme la diminution de leur capacité à absorber une partie de nos émissions de CO2. Mais les impacts sur le vivant sont bien plus préoccupants. L'acidification des océans va gravement impacter les animaux qui forment une coquille calcaire, du minuscule plancton aux immenses récifs coralliens, en passant par les oursins, les escargots de mer, les moules et autres coquilles. L'impact sur ces animaux et ces habitats va se répandre le long des différentes chaînes alimentaires et affecter une part importante de la vie marine. L'acidification des océans est incontestablement grave, mais c'est un phénomène qui s'ajoute à leur réchauffement, à leur désoxygénation, à la surpêche, à l'eutrophisation et à d'autres pollutions.

L'ensemble de ces phénomènes placent un énorme stress sur les écosystèmes marins qui vont subir des changements graves et irréversibles sur une période de temps relativement courte. Personnellement, l'idée de pouvoir assister de mon vivant et en partie à cause de moi à la disparition des récifs coralliens m'est vraiment pénible. Merci à tous d'avoir regardé cette vidéo. Je doute que le sujet vous ait réjoui mais je pense qu'il vaut mieux être au courant.

On ne peut pas s'atteler à régler des problèmes qu'on ne connait pas. Si la démarche vous plaît, n'hésitez pas à me mettre un petit pouce bleu et à partager cette vidéo. Comme vous l'avez peut-être remarqué, en ce moment les vidéos ont tendance à s'espacer.

J'ai pas mal de boulot et je suis un peu fatigué. Mais j'essaye de revenir le plus vite possible avec une vidéo qui parlera de l'évolution des précipitations. C'était le réveilleur et à bientôt sur le net.