Bonjour à tous, aujourd'hui on va parler de la première grande révolution scientifique en économie, la révolution marginaliste. Cette révolution scientifique va provoquer le remplacement de la théorie classique, qui était la théorie économique dominante au 19e siècle, par la théorie néoclassique, qui est devenue progressivement la théorie économique dominante depuis, malgré une importante parenthèse keynésienne. Et dans cette vidéo, on va essayer de comprendre les principaux ressorts de cette révolution scientifique qui fut d'ailleurs pour un certain nombre d'économistes plutôt une régression scientifique. Pour cela, je vous recommande fortement d'avoir vu avant les vidéos sur la théorie de la valeur travail.
Donc c'est parti, on va d'abord parler un peu de la théorie classique, puis des raisons profondes qui vont pousser à son remplacement, et enfin on parlera un peu de la théorie néoclassique. La théorie classique, c'est ce courant qui va débuter avec Adam Smith, atteindre son apogée avec Ricardo, puis s'éteindre progressivement à partir de la fin du XIXe. Parmi les points fondamentaux de cette école de pensée, on retrouve la théorie de la valeur travail. Ce qui fonde la valeur d'un bien, c'est en gros.
la quantité de travail direct et indirect qui a été nécessaire pour le fabriquer. On trouve ensuite plusieurs autres théories d'inspiration très libérales. Par exemple la loi de Say selon laquelle l'offre crée sa propre demande donc il ne peut pas y avoir de crise liée à une demande trop faible. Ou la la neutralité de la monnaie, selon laquelle les variations de la quantité de monnaie n'ont pas d'impact sur l'économie.
Ou encore l'effet d'éviction, d'après lequel une hausse des déficits publics entraîne nécessairement une baisse de l'investissement privé. Autant de théories donc qui défendent l'idée que les marchés doivent fonctionner librement, sans intervention de l'Etat ni réglementation excessive. Mais on fera un jour une vidéo spécifique sur cette théorie et ses différents points. Le problème est que dans le dernier tiers du 19ème, le besoin d'une nouvelle théorie économique va se faire de plus en plus sentir chez les économistes libres.
ce qui va aboutir à cette fameuse révolution scientifique en économie. Et on va voir maintenant les principaux ressorts de cette révolution. Il est toujours difficile de savoir avec certitude pourquoi tel changement dans la pensée s'est produit à tel moment. Pour la révolution qui nous concerne, elle s'est produite dans les années 1870 à partir des travaux de trois économistes, Jevons, Menger et Walras qui vont jeter les bases d'une nouvelle théorie de la valeur en économie. Ils vont donc remplacer la théorie de la valeur travail par une nouvelle théorie.
Il est intéressant de noter ici qu'on a affaire à ce qu'on appelle une découverte multiple, c'est-à-dire que ces trois économistes sont arrivés à des conclusions proches durant la même période mais sans avoir eu connaissance du sujet. du travail des deux autres. Donc le développement d'une nouvelle théorie de la valeur était vraiment dans l'air du temps et plusieurs hypothèses ont été avancées pour l'expliquer.
Je vais donner ici les deux qu'on retrouve le plus souvent. La première explication est tout simplement que la théorie de la valeur travail souffre de plusieurs défauts. Déjà comme on l'a rappelé dans cette vidéo, elle ne marche pas parfaitement.
Elle peut dire au mieux que les rapports entre les prix des biens correspondent en gros aux quantités de travail incorporées dedans. Et ce en gros il fait un peu tâche quand on veut expliquer un phénomène scientifiquement. En plus cette théorie ne s'applique pas à tous les biens. elle ne s'applique qu'aux biens reproductibles industriellement, comme on l'avait vu aussi. Donc la valeur d'un tableau célèbre ou d'une matière première relativement rare ne s'explique pas par la quantité de travail nécessaire pour peindre le tableau ou extraire la matière première.
La théorie de la valeur travail ne s'applique pas non plus aux marques, qui vont faire qu'un produit peut être beaucoup plus cher qu'un autre produit similaire, tout simplement parce qu'il est de telle ou telle marque. Donc cette théorie de la valeur travail est très intéressante, mais elle a aussi de nombreuses limites, que certains d'entre vous avaient d'ailleurs soulevées en commentaire. Et c'est donc à ce concept là que vont s'attaquer les prix... de la théorie néoclassique pour bâtir une nouvelle théorie.
Surtout que, deuxième explication, en plus de ses faiblesses théoriques, la théorie de la valeur travail souffre d'un autre défaut de nature plus politique. Elle a été reprise par Marx et va même se retrouver au coeur de la théorie marxiste de l'exploitation et de sa critique du capitalisme. Il est donc très probable que les économistes libéraux, pour mieux prendre leur distance avec la théorie marxiste, aient décidé de s'éloigner également de la théorie de la valeur travail des classiques qui a tant inspiré Marx. J'indique plusieurs citations d'économistes défendant cette idée en description.
La révolution marginaliste va donc se produire par le remplacement de la théorie de la valeur-travail, par une nouvelle théorie de la valeur, qui est encore celle qu'apprennent les étudiants à l'université aujourd'hui. Quand Adam Smith puis Ricardo ont écarté l'idée que la valeur d'un bien provenait de l'utilité qu'ils procuraient, ils ont fait le raisonnement suivant. Pour qu'un bien ait de la valeur, il faut certes qu'il soit utile d'une manière ou d'une autre, sinon personne ne l'achèterait.
Mais une fois cette utilité acceptée, le rapport est plus fort. entre le prix de deux biens n'a pas grand chose à voir avec leur utilité. Par exemple, si une bouteille de vin coûte en moyenne six fois plus cher qu'une baguette de pain, ce n'est pas parce que boire du vin apporterait six fois plus de plaisir que manger du pain, mais parce que pour produire du vin, il faut en moyenne six fois plus de travail que pour produire du pain.
Une preuve à cela est le fameux paradoxe de l'eau et du diamant. L'eau est infiniment plus utile aux hommes que les diamants, et pourtant un litre d'eau coûte bien moins cher qu'un diamant. Donc il semble bien n'y avoir aucun rapport entre le prix d'un bien et son utilité. Mais les précurseurs de la théorie néoclassique vont apporter une autre solution à ce paradoxe qui va aussi leur permettre de répondre à d'autres défauts de la théorie de la valeur travail. Ils vont faire le raisonnement suivant.
Si tu es en train de mourir de soif, effectivement un litre d'eau a pour toi une valeur énorme et tu serais prêt à échanger tout ce que tu possèdes pour boire. Mais une fois ce premier litre d'eau bu, le deuxième qu'on te proposera aura moins de valeur pour toi, car tu te seras déjà un peu désaltéré. Donc tu seras prêt à payer moins cher ce deuxième litre d'eau.
Et ainsi de suite, plus l'eau est abondante, et moins tu seras prêt à payer cher pour ton procuré. Donc moins cette eau a de la valeur, puisque tu ne souffres plus de... de la soif et que tu sais que tu peux t'en procurer facilement.
Et on peut appliquer le même raisonnement avec les diamants. Si on te propose un beau diamant qui brille et que tu n'en as pas, tu seras certainement prêt à payer ce diamant assez cher. Mais bien sûr pas aussi cher qu'un litre d'eau dans le cas où tu mourrais de soif.
Et si on te vend un deuxième diamant, comme tu en as déjà un, tu ne l'achèteras qu'à un prix bien inférieur au premier. Et ainsi de suite, plus le diamant est abondant et moins tu seras prêt à payer cher aussi pour en obtenir un. Donc on peut voir sur ce graphique le prix de l'eau et des diamants en fonction de leur abondance. Et si... aujourd'hui le vaut beaucoup moins cher que le diamant, c'est tout simplement pour les économistes néoclassiques qu'il y a beaucoup d'eau autour de nous mais très peu de diamant.
Donc la valeur de l'eau, très abondante, se situe bien en dessous de celle du diamant, très rare. Voilà pourquoi l'eau est bien moins cher que le diamant, parce que l'utilité que nous procure l'eau du fait de son abondance est bien plus faible que celle que nous procure le diamant du fait de sa rareté. En raisonnant ainsi, ces économistes font donc la valeur d'un bien non pas sur la quantité de travail nécessaire pour le produire, comme les classiques, mais sur son utilité et plus plus précisément son utilité marginale, c'est-à-dire l'utilité procurée par la dernière unité consommée.
L'avantage avec ce raisonnement est qu'il n'est plus nécessaire de distinguer les biens reproductibles industriellement de ceux qui ne le sont pas, ou de ceux vendus sous une marque célèbre. Tout s'explique par la même théorie, grâce à ce concept d'utilité marginale. Par exemple, une paire de chaussures vaut plus cher si elle est d'une marque célèbre, tout simplement parce que la marque procure plus d'utilité, de plaisir à son acheteur. Donc cette nouvelle théorie de la valeur va à la fois proposer une solution au paradoxe de l'eau et du diamant.
et résoudre certaines faiblesses de la théorie de la valeur travail. Et c'est ce renversement de la vision de la valeur, auxquelles vont progressivement adhérer une majorité d'économistes, qui va conduire à la révolution marginaliste et à l'avènement de la théorie néoclassique. D'après cette théorie, le rapport entre le prix de deux biens va dépendre notamment du rapport entre leurs utilités marginales.
C'est ce qu'apprennent les étudiants aujourd'hui encore à l'université. Alors que pour un économiste classique, ce qui l'occupe très peu cher dans nos pays, c'est qu'extraire de l'eau d'une source ou d'une nappe phréatique ne demande pas beaucoup de travail. Et le diamant est cher.
cher car c'est un bien rare, recherché et non reproductible industriellement. Sinon, sa valeur serait égale à la quantité de travail nécessaire pour le fabriquer. Néanmoins, malgré cette rupture sur la théorie de la valeur, il existe aussi une grande continuité entre théorie classique et néoclassique sur d'autres concepts, dont on va parler maintenant.
On a dit tout à l'heure que la théorie classique s'appuyait sur plusieurs concepts. Du point de vue de l'origine de la valeur, il y a la théorie de la valeur travail. Mais la plupart des économistes classiques s'accordent aussi sur la loi de Say, la neutralité de la monnaie ou encore l'effet d'éviction. Autant de concepts...
qui justifie un très fort libéralisme économique. Eh bien, la théorie néoclassique va reprendre ses différents concepts et adhérer également à la loi de Say, à la neutralité de la monnaie ou à l'effet d'éviction. En revanche, elle renversera la théorie de la valeur travail pour la remplacer par une théorie de la valeur travail. de la valeur basée sur l'utilité.
On a donc désormais une nouvelle école de pensée qui se construit sur une théorie de la valeur et donc sur une base totalement différente. Sachant que cette modification va ensuite avoir de profondes répercussions dans d'autres domaines, notamment sur les théories de la répartition de la richesse. Mais on en parlera dans une autre vidéo.
Depuis, cette théorie de la valeur est très largement acceptée par les économistes, pourtant elle a été aussi très critiquée dès son apparition. Et aujourd'hui, les économistes post-kénésiens marxistes par exemple n'adhèrent pas dans leur très grande majorité à une telle théorie. Keynes lui-même affirmait d'ailleurs que la seule théorie valable de la valeur est la théorie de la valeur travail, malgré ses faiblesses qui l'ont discrédité.
Et effectivement, on peut se demander, est-ce que ça a du sens d'affirmer qu'un jean coûte en moyenne 5 fois plus cher qu'un t-shirt, parce que l'utilité marginale procurée par un jean serait en moyenne 5 fois supérieure à celle d'un t-shirt ? Personnellement, ça me laisse très dubitatif. Alors qu'il me paraît plus sensé, ainsi qu'aux économistes post-keynésiens ou marxistes, de dire qu'un jean vaut en moyenne 5 fois plus qu'un t-shirt, parce qu'en gros, il faut 5 fois plus de travail pour faire un jean. pour fabriquer un jean que pour fabriquer un tee-shirt.
Donc si vous êtes un économiste post-keynésien ou marxiste, cette révolution scientifique s'apparente plus à une régression scientifique qui aurait éloigné la théorie économique de la réalité. Ces économistes ne croient pas à la loi de Say, à la neutralité de la monnaie ou à l'effet d'éviction. Et ils ne croient pas non plus en la théorie de la valeur utilité. Ils estiment que la théorie de la valeur travail constitue une bien meilleure approximation du rapport entre la valeur des biens.
Même si Keynes ou les post-keynésiens n'utilisent pas non plus cette théorie dans leurs travaux. On a en reparlera. Donc aujourd'hui ces courants se retrouvent en complet désaccord avec la théorie économique dominante. En fait ce concept d'utilité marginale permet d'avoir un beau raisonnement qui solutionne le paradoxe de l'eau et du diamant et permet d'expliquer certains phénomènes comme les prix plus élevés des objets de marque.
Mais pour les post-kinesiens ou les marxistes ce raisonnement apporte finalement une réponse peu convaincante à la question de la valeur dans la plupart des cas. Ce qui est regrettable aujourd'hui c'est que les étudiants en économie apprennent la théorie de la valeur travail comme une curiosité au détour d'un cours d'histoire de la pensée économique. Alors que leurs cours de microéconomie sont basés sur cette théorie de la valeur utilité marginale, comme si c'était une vérité scientifique, et sans jamais que celle-ci ne soit réellement discutée, ou que des points de vue opposés soient présentés.
C'est comme ça, pour un étudiant en économie, rapport des prix égale rapport des utilités marginales. L'économie a donc connu à la fin du 19e siècle une révolution qui lui a permis de pallier certains défauts de la théorie de la valeur-travail des classiques et de s'éloigner du cadre d'analyse marxiste. Cela a donné naissance à un nouveau courant de pensée, la théorie néoclassique.
Mais pour d'autres écoles de pensée, comme les postes... aujourd'hui ou les marxistes, cette révolution a plutôt eu tendance à éloigner la théorie économique de la réalité. Voilà, merci d'avoir regardé cette nouvelle vidéo et un grand merci également aux tipeurs, à très bientôt ! J'ai de l'eau chaude.
T'as de l'eau chaude ? Ben oui, grâce à l'énergie générée par le vélo. Oh mais toi, mais comment je t'aime !