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Raisonnement Logique et Biais de Confirmation

Notre cerveau humain n'est pas toujours très bon à raisonner correctement. Je vous propose un petit test pour vérifier si, vous, avez un esprit logique, ou pas. Imaginons un paquet de cartes à jouer. Imaginons qu'on ne sache pas grand chose sur sa composition. Peut-être que le jeu est pas complet, peut-être qu'il y a des cartes en double. Mais apparemment, il semble y avoir des régularités notables. Et par exemple, certaines personnes ont déjà fait cette hypothèse : "Si une carte a une dame d'un côté, alors l'autre côté est bleu". Comment pourrions-nous vérifier cette hypothèse ? Pour en être absolument certains, il faudrait pouvoir vérifier toutes les cartes ; mais il y en a trop. Imaginons qu'on puisse retourner ces quelques cartes, là. Quelles cartes faudrait-il retourner pour vérifier l'hypothèse ? Je vous laisse réfléchir un moment. Cet exercice a été proposé à des milliers de personnes, dans des expériences de psychologie sociale. Depuis Peter Watson, dans les années 60, jusqu'à aujourd'hui, les résultats sont fascinants. Moi je trouve que cet exercice est une superbe métaphore de la démarche scientifique. Imaginons que le paquet de cartes représente le monde dans lequel on vit. L'univers, la matière, tout ce qui nous entoure. On se demande si sa composition suit des règles, les lois de la nature. On finit par proposer des hypothèses à propos de ces régularités, ce sont les théories scientifiques. Pour vérifier ces théories, on peut faire des expériences, mettre la nature à l'épreuve. Ici, c'est : retourner une carte. Les cartes disponibles, c'est ce dont on a les moyens de vérifier expérimentalement. Vu que nos matériels de mesure de la réalité sont limités, il y a des cartes qu'on ne peut pas encore retourner. Il y a des hypothèses qui ont l'air évidentes, genre "Il y a autant de rois que de valets". Mais ça mérite quand même d'être testé ; si ça se trouve, ce n'est pas aussi simple. C'est comme : "Le temps s'écoule de la même façon pour tout le monde". Ça a l'air évident, mais c'est pas aussi simple. Et puis, il y a les hypothèses complètement farfelues, genre : "Il paraît qu'il existe un quinze de trèfle". Moi, j'en ai jamais vu. Ceux qui disent en avoir vu, comme par hasard, ne l'ont plus sous la main. C'est comme : "Il existe des fées et des lutins". Il faudrait juste faire confiance à leur témoignage ? Même si j'en ai jamais vu, je suis quand même curieux, et s'il y a des preuves, j'y croirai. Bon bref, voici la réponse. Dans les expériences de psychologie, la très grande majorité des gens répondent qu'il faut retourner les cartes 1 et 3. La première carte est une dame, bien sûr qu'il faut la retourner, pour vérifier. Si le dos et bleu, bon ben ça confirme l'hypothèse, mais ça ne la prouve pas définitivement. La règle c'est : toutes les dames ont un dos bleu. Mais si le dos est d'une autre couleur, alors on aura infirmé l'hypothèse. On sera sûrs qu'elle est fausse, car il y a au moins un contre-exemple. La deuxième carte n'est pas une dame, aucun intérêt à retourner, la règle ne concerne que les dames. La troisième carte a un dos bleu. Plein de gens répondent qu'il faut la retourner. Mais en fait, ça n'avance à rien, car même si de l'autre côté il y a une dame ça change quoi ? On a juste dit : les dames ont un dos bleu, on n'a jamais prétendu que les dos bleus avaient une dame. La quatrième carte a un dos qui n'est pas bleu. Celle-là par contre, il FAUT la retourner. Parce que si jamais derrière il y a une dame, ça prouve que la règle est fausse, qu'on peut la mettre à la poubelle. Et ça, très peu de gens y pensent. Seulement 4% des personnes interrogées proposent de retourner les bonnes cartes : 1 et 4. Je suppose que ça vient de notre envie profonde de confirmer l'hypothèse. On retourne les cartes pour vérifier que la règle est juste. Alors que le seul raisonnement intéressant, c'est d'essayer d'infirmer l'hypothèse. Pour vérifier si la règle n'est pas fausse, en cherchant un contre-exemple. En fait, il est impossible de prouver définitivement qu'une théorie est vraie. Tout ce qu'on peut faire, c'est prouver qu'elle est fausse, avec un raisonnement déductif. C'est quand on part d'une théorie, et qu'on en déduit quel devrait être le résultat de l'expérience. Ça, c'est assez définitif, car si les résultats de l'expérience ne correspondent pas, ça infirme la théorie. Prouver que la théorie fausse, c'est imparable, il faut la modifier, ou la mettre à la poubelle. Mais comment faire pour prouver que la théorie est vraie ? C"est impossible ; on peut seulement faire un raisonnement inductif. C'est quand on fait des expériences, et qu'on remarque des régularités. Alors, on peut suggérer une théorie, parce que ça a l'air de marcher à chaque fois. Mais on ne peut pas prouver, de façon définitive, qu'elle sera vraie tout le temps. Au mieux, on peut seulement échouer suffisamment longtemps à essayer de prouver qu'elle est fausse. Si personne ne parvient à prouver que la théorie est fausse, alors on peut commencer à être satisfaits de notre théorie. Ça c'est un truc avec lequel le cerveau humain a beaucoup de mal. Nous, d'instinct, on veut toujours chercher à confirmer des trucs. C'était probablement un avantage évolutif pour nos ancêtres de faire comme ça. Mais aujourd'hui, c'est pénible ; c'est ce qu'on appelle le biais de confirmation. C'est pour ça que les gens de gauche lisent l'Huma, ou que les gens de droite lisent le Figaro, chacun pour trouver les news qui confirment leur opinion. S'abonner à un magazine de l'autre bord, ce serait prendre le risque d'être contredit, et ça on n'aime pas. Imaginons qu'on puisse être sûr de ces deux affirmations : "Pendant une soirée, les personnes majeures peuvent boire de l'alcool", et "Je suis majeur". On peut donc faire cette déduction : je peux boire de l'alcool. Ça, c'est un raisonnement valide. On peut résumer ainsi : Si on peut être sûr que si on A, alors on a X, et qu'on a A, alors on a X. C'est les bases de la logique. C'est formalisé depuis des millénaires. Sous cette forme, on appelle ça une implication. D'habitude on utilise le terme "modus ponens" mais bon, moi je parle pas latin. Pour s'y retrouver, il faut donner un nom à chacun des éléments de l'argumentaire. A c'est l'antécédent, X c'est le conséquent. Par exemple : "Les personnes majeures peuvent boire de l'alcool". "Je ne suis pas majeur", donc je ne peux pas boire d'alcool. Et ben ça, c'est invalide. On a juste dit que les majeurs peuvent boire de l'alcool, on n'a jamais dit que les mineurs ne pouvaient pas. Peut-être qu'en fait tout le monde peut boire de l'alcool, avec juste ça on ne peut pas conclure. C'est un sophisme. C'est-à-dire une erreur de raisonnement, une logique fallacieuse. C'est le sophisme dit de la négation de l'antécédent. C'est comme dire si A existe, alors on a X, mais on n'a pas A, donc on n'a pas X. C'est faux. On peut très bien avoir X quand même. C'est une erreur de raisonnement qui est parfois dure à repérer, parce qu'il ressemble à la contraposée : Si on a A alors on a X, mais on n'a pas X, donc on n'a pas A. Ça, c'est un raisonnement juste. Par exemple : les personnes majeures peuvent boire de l'alcool, moi j'ai pas le droit de boire de l'alcool, donc, c'est que je ne suis pas majeur. Ça, c'est valide. Notre cerveau est vraiment très mauvais à ce genre de jeu. Par exemple : le rhume cause la fièvre, j'ai de la fièvre, donc j'ai le rhume. Bah ça aussi c'est invalide. En effet, j'ai peut-être le rhume, c'est possible, mais c'est pas sûr. Tout ce qu'on a dit, c'est : si il y a rhume, il y a fièvre, on n'a pas dit si il y a fièvre, il y a rhume. C'est le sophisme de l'affirmation du conséquent. C'est comme dire : si on A, alors on a X, or, on a X donc on a A. C'est faux. A implique X, ça veut pas forcément dire que X implique A. Remarquez bien que le fait que le raisonnement soit invalide, ne garantit pas que la conclusion est fausse. C'est peut-être faux, c'est peut-être vrai, on ne peut pas conclure. Beaucoup de gens pensent qu'ils ont démontré que la théorie de leur adversaire est fausse, juste parce que des arguments invalides ont été utilisés. Mais on peut très bien avoir raison... pour de mauvaises raisons. Cet exercice est vraiment bien conçu, parce qu'il couvre tous les cas de figure. Chaque carte correspond à chacun des quatre raisonnements possibles. La pensée critique, que je vous propose de développer ici, c'est analyser que tous les arguments d'un discours tiennent la route. Dans le domaine paranormal, bien sûr, parce que c'est mon truc, mais aussi dans tous les autres domaines de la vie quotidienne. La pensée critique, c'est pas juste critiquer pour le plaisir de critiquer, pour faire chier, c'est une méthode nécessaire pour faire avancer la connaissance. Pour s'assurer de la fiabilité d'une info, avant d'y croire. Contrairement à une idée reçue, c'est constructif d'essayer de démolir les arguments des autres. C'est même la seule méthode structurellement constructive, si on propose après un meilleur argumentaire. Ça peut sembler paradoxal, parce que si seuls les raisonnement déductifs sont logiquement valides, toutes nos connaissances scientifiques actuelles, elles, ont été avancées par un raisonnement inductif. Comment sait-on que le soleil se lèvera demain matin ? Parce que c'était le cas tous les matins jusqu'ici. Pourquoi pense-t-on que les licornes roses n'existent pas ? Parce que personne n'en a jamais vu jusqu'ici. La démarche scientifique ne peut pas prouver qu'un modèle théorique est vrai. Elle peut seulement échouer à démontrer qu'elle est fausse, et dans ce cas, c'est un signe qu'on peut lui faire confiance. Bon, c'est tout pour cette fois. Avant de nous quitter, je vous laisse avec un devoir à la maison. Quel type de sophisme a été utilisé dans le passage suivant ? Justifiez votre réponse. « Nous sommes dans une époque où tout, toutes les élites, feignent de croire que c'est la valeur ajoutée qui crée la valeur, que c'est la matière qui crée l'esprit. Parce que tout le monde est marxiste, que ce soient les marxistes pur sucre, ou les libéraux, les ultralibéraux du mondialisme. Je vais d'abord redessiner le logo, et lever les couleurs. Et là, les chefs d'entreprises sont venus me voir en me disant mais attendez, de quoi vous nous parlez, là, c'est pas avec un drapeau qu'on va vendre nos produits, c'est pas avec un un nouveau logo qu'on va fabriquer de la valeur ajoutée. Et je leur dit : vous êtes marxistes, parce qu'avec le nouveau drapeau, avec le nouveau logo, on va forcer les habitants de ce département à regarder vers le haut, vers un symbole commun, et lorsqu'ils auront retrouvé la fierté de ce symbole commun, vous verrez... »