Alors le goût, on peut l'entendre de manière physiologique, on va parler de physiologie un peu, on peut l'entendre de manière génétique, on va parler un peu de génétique. Il y a évidemment une composante artistique, on va en parler aussi, une composante culturelle. Bref, on est vraiment sur un sujet qui est à une frontière qu'on aime beaucoup au muséum, qui est cette frontière entre la nature et la culture. Et on va voir que les deux aspects sont éminemment présents dans cette notion du goût.
Et puis aussi un volet sociétal, capital, qui est celui de l'éducation au goût. Donc tout ça, ce sont des choses qu'on va aborder. L'idée, c'est de faire un tour de table, effectivement, pour que chacune ait l'occasion de présenter un peu ses activités, son expertise, et puis après, on relancera la discussion de différentes manières.
Et évidemment, il y aura du temps pour les questions, donc on va essayer de respecter... Enfin, pas on va essayer, mais on va respecter... Un timing extrêmement strict qui consiste à, grosso modo, à 19h40, à vous laisser la parole pour qu'on puisse avoir vos questions qui sont fortement attendues. Le goût est un peu présent dans l'exposition, effectivement, pour ceux qui l'ont déjà visité ou qui vont la visiter.
On en parle dans la première partie pour tout ce qui est justement plutôt physiologie, construction du goût, qu'est-ce qui se passe entre un nourrisson, entre un enfant de 3-4 ans et puis après avec un adulte. avec les notions de physiologie présentes mais aussi justement la notion de la construction du goût qui sera sûrement un des sujets de ce soir. Je vais démarrer juste aussi quand même par une citation de Bria Savarin parce que je suis un grand fan de Jean Anthem de Bria Savarin pour qui la cuisine est l'art d'apprêter les mets et les rendre agréables au goût. Donc cette notion d'agréable au goût c'est évidemment une notion toutes relatives. La notion d'agréable n'est pas forcément la même pour tout le monde.
La question du goût et du dégoût est un sujet de société éminemment culturelle et c'est sans doute quelque chose qui va faire partie de nos discussions. Alors pour démarrer tout de suite, sinon je vais vous parler pendant une heure, ça ne va pas du tout aller. Je vais peut-être, on va peut-être déjà donner la parole à Nathalie Politzer pour le coup, pour justement, pour démarrer sur les aspects...
L'éducation au goût et que tu nous expliques un peu peut-être ce qui se passe à l'Institut du goût. Déjà que tu présentes l'Institut du goût parce que je ne suis pas sûr que tout le monde connaisse ici. Moi étant tourangeau d'origine, je connais bien, mais tout le monde n'a pas la chance d'être tourangeau d'origine.
Donc je vais te laisser présenter tout ça. Avec plaisir. Donc Nathalie Politzer, je m'occupe des formations et projets pédagogiques de l'Institut du goût.
Et cet institut, c'est une association qui a été fondée... par deux personnalités très complémentaires dans le monde du goût. Notre président fondateur, Patrick MacLeod, était un scientifique qui avait beaucoup travaillé sur la physiologie sensorielle et sur les neurosciences. Et au cours de sa carrière, il avait pu participer à des études essentielles sur la compréhension des mécanismes sensoriels du goût et de l'odorat en particulier.
Son idée en créant l'Institut du goût en 1999, c'était de partager ses connaissances émergentes sur le goût avec le plus de gens possible, avec des professionnels de l'alimentation, mais aussi avec le grand public, notamment avec les enfants. Patrick Macléod, qui était le président de l'Institut du goût, était très proche de Jacques Puizet qui est le papa de l'éducation sensorielle en France. Jacques Puizet qui est toujours le vice-président de l'Institut du Goût et qui est le fondateur d'un programme qui est resté assez confidentiel même s'il est né il y a longtemps, il est né en 1974 ce programme.
C'est un programme qui s'appelle les classes du goût. C'est un programme qui a fait rentrer le goût et l'éducation sensorielle dans les écoles primaires. Alors à l'origine, Jacques Puizet avait testé une pédagogie autour de l'éducation au goût dans différentes tranches d'âge, depuis la maternelle jusqu'au lycée.
Et en fait, il s'est rendu compte que le travail qu'il proposait convenait très bien aux élèves de l'école primaire parce que ces classes du goût reposent beaucoup sur la verbalisation des sensations. Donc dans ce travail-là, on va essayer de dépasser une réponse hédonique de type j'aime cet aliment, je n'aime pas cet aliment Et on va essayer d'aller un petit peu plus loin et d'écrire ses propres perceptions sensorielles. Donc on va libérer le langage et chacun va exprimer une certaine subjectivité.
Voilà, donc ce qui réunit ces deux personnages, c'est que les deux s'intéressent vraiment aux mangeurs. Donc à l'Institut du Goût, on n'est pas du tout spécialiste d'une filière de produits, mais plutôt de l'individu qui mange, qui goûte. Et on s'intéresse finalement à tout ce qui se passe à partir du moment...
où les récepteurs sensoriels sont stimulés et où le message sensoriel va prendre naissance, va être traité par les différents centres des systèmes sensoriels, va être mis en mémoire, associé à du plaisir, du déplaisir, décrit avec des mots. Et donc voilà, on met l'éclairage principal sur l'individu qui goûte. Et ce faisant, on se rend compte forcément qu'il y a de très grandes différences interindividuelles. C'est une thématique très forte dans nos programmes pédagogiques.
On prend vraiment en compte ces différences entre goûteurs. On essaye de les expliquer, à la fois sur le plan de la physiologie, en constatant qu'il y a beaucoup de différences interindividuelles dans le domaine des sens chimiques, donc l'odorat et le goût essentiellement, alors que ces différences de détection, de perception, sont moins importantes dans le domaine des sens physiques, la vue. l'audition et la somesthésie ou toucher. Il y a aussi des différences, bien sûr, d'appréciation entre les individus qui sont là davantage liés à leur vécu, à leur culture alimentaire et à leur éducation. Et justement, l'éducation au goût, c'est vraiment un sujet qui nous passionne, c'est vraiment le cœur de nos activités.
Donc je vous disais tout à l'heure qu'on était parti des classes du goût. fondé par Jacques Puizet en 1974, donc un programme qui a été soutenu par différents ministères, le ministère de la Culture, le ministère de l'Éducation nationale, qui est aujourd'hui davantage porté par le ministère de l'Agriculture. Donc c'est un programme qui existe toujours, qui s'est adapté au fil des décennies. On a maintenant un certain recul sur ce programme et sur son impact.
Et on a pu participer à un programme de recherche qui s'est tenu entre 2005 et 2009, avec... avec l'INRA de Dijon, qui pilotait ce programme-là, pour justement essayer de comprendre quel était l'impact de l'éducation au goût sur le comportement alimentaire de l'enfant. Donc, c'était un programme très innovant, parce que jusqu'à présent, on ne disposait que des témoignages des enseignants qui avaient fait de l'éducation au goût, qui disaient quand même que ça avait un impact très positif sur l'expression des enfants, sur leur vocabulaire, sur le langage, et aussi sur des...
Des aspects tels que la confiance en soi et la qualité de la communication entre les enfants au sein de la classe. Et pour avoir animé des classes du goût, je confirme qu'effectivement, plus on avance dans les séances, il y en a une dizaine, plus on voit le comportement des enfants, les attitudes des enfants se transformer, les enfants les plus timides arriver à prendre la parole pour exprimer ce qu'eux ressentent de façon très authentique et très personnelle. Et puis une écoute qui se développe, un respect des différences inter-individuelles, ce qui fait que les enseignants sont ravis de faire des liens avec des disciplines comme l'éducation civique, le langage, le français et évidemment les sciences de la vie. Donc ce programme de recherche qui porte le joli nom de EduSens, comme éducation sensorielle, a montré principalement deux effets, de l'éducation au goût. Premier effet sur la néophobie alimentaire, puisque vous savez que dans la construction du comportement alimentaire de l'enfant, il y a plusieurs stades.
En gros, de 0 à 2 ans, les tout-petits sont très curieux de découvrir une multitude de goûts et de textures. Alors c'est vraiment une période d'acquisition sensorielle extrêmement riche et intense pour le tout-petit. Et puis tout d'un coup, souvent vers l'âge de 2 ans, 2 ans et demi, les parents racontent que...
L'enfant n'a plus envie de goûter des aliments inconnus. Donc ça c'est ce qu'on appelle la néophobie alimentaire, la peur de goûter un aliment nouveau. La néophobie qui s'accompagne souvent en même temps d'une sélectivité alimentaire, c'est-à-dire que l'enfant émet un certain nombre d'aliments connus et puis tout d'un coup...
Aux mêmes âges, à 2 ans, 2 ans et demi, l'enfant va se mettre à rejeter ses aliments qu'il aimait bien auparavant. Donc sélectivité et néophobie sont concomitantes. Et donc on parle d'un enfant difficile à nourrir quand on a un enfant à la fois néophobe et sélectif.
Voilà donc cette phase un petit peu critique, un petit peu compliquée. qui peut poser problème à la maison pour les repas familiaux et qui restreint le répertoire alimentaire de l'enfant. Elle va durer jusqu'à l'âge de 6 ans en général et puis après à partir de 7-8 ans, on repart vers de l'ouverture alimentaire.
Donc on a des enfants qui sont de nouveau enclins à goûter. des aliments pas très familiers, qui sont curieux. En plus, ils ont des capacités cognitives qui se développent.
Ils se posent plein de questions sur l'origine de leurs aliments, comment est-ce que c'est produit, comment est-ce que c'est transformé, cuisiné, consommé, etc. Et donc, nous, on travaille souvent à partir de ces tranches d'âge-là, les 8-11 ans, parce que c'est une cible idéale. On sort un peu de là.
la néophobie et on a des enfants très curieux qui sont prêts à se construire des nouveaux savoirs alimentaires. Pour en revenir à ce projet de recherche et du sens, on a montré que les classes du goût permettaient de réduire la néophobie alimentaire. dans le groupe qui avait expérimenté les classes du groupe par rapport à un groupe témoin.
On a pu tester cet effet avant et après le programme d'éducation sensorielle. Et dans ce programme de recherche, on avait eu la chance d'avoir un autre point de mesure, neuf mois après la fin du programme pédagogique. Et alors là, patatras, le soufflet est un petit peu retombé, parce qu'en fait...
on voit que neuf mois après, les enfants du groupe d'intervention, qui ont fait les classes du goût, sont à peu près équivalents aux enfants du groupe témoin. Donc l'effet de diminution de la néophobie alimentaire qu'on avait pu tester après les classes du goût ne persiste pas vraiment dans le temps. Et on a un petit peu la même conclusion sur le vocabulaire sensoriel, la richesse de ce vocabulaire sensoriel.
On mesure, donc bon, je n'ai pas trop le temps de vous expliquer les procédures, mais on avait mesuré un enrichissement du vocabulaire sensoriel des enfants, juste après les classes du goût, et neuf mois après la fin de ces classes du goût, on voit que groupe témoin et groupe d'intervention se retrouvent à peu près à des niveaux équivalents. Voilà, donc... L'éducation sensorielle est un outil intéressant qui peut avoir des impacts vraiment positifs parce que diminuer la néophobie et encourager l'enfant à s'exprimer, je pense que ce sont vraiment des points très très importants.
En revanche, pour que ces effets soient durables, il est vraiment essentiel de prolonger cette éducation sensorielle et donc d'impliquer également les parents dans cette éducation au goût. Et donc ça, c'est une thématique sur laquelle on travaille beaucoup en ce moment à l'Institut du goût, notamment à travers un programme pédagogique que nous avons mis au point il y a peu de temps, qui s'appelle Goûts en famille, qu'on a pu aller tester en Guadeloupe. On a fait une mesure d'impact avec des familles témoins et puis un groupe d'intervention. Et là on a aussi des effets hyper intéressants, à la fois sur le contexte du repas, puisque dans les outils de mesure qu'on a utilisés, on a pu regarder avec qui les enfants mangeaient, si la télé était allumée, si l'enfant menait une autre activité pendant qu'il était en train de dîner. si les smartphones étaient à table ou pas, etc.
Et donc, on a un impact positif du programme Go en famille, dans le groupe d'intervention, qui montre que finalement, quand on a fait le programme pédagogique, et quand on passe à table, on passe vraiment à table, et on se centre sur ses sensations, et on passe un moment de partage, de convivialité en famille, en parlant davantage de ce que l'on ressent. Donc ça, c'était un point très très positif pour nous. Et l'autre point concernait les consommations alimentaires des enfants, puisqu'on leur avait fait remplir aux grands dames des mamans des carnets alimentaires hyper détaillés, avant et après le programme pédagogique. Donc les mamans passaient 45 minutes par jour à noter tout ce que l'enfant mangeait et buvait à domicile, hors domicile. Donc c'était un gros, gros travail, mais c'était une base de données qui n'existait pas, notamment en Guadeloupe, et qui a montré que...
Après le programme pédagogique goût en famille, les enfants du groupe d'intervention consomment une variété de légumes plus importante que dans le groupe témoin, ce qui est un point essentiel, encore une fois. Vous savez qu'en général les enfants ont un petit peu de mal à consommer des légumes. Je pense que dans la salle vous avez peut-être des enfants ou des petits-enfants qui ne sont pas forcément, qui boudent un petit peu les plats de légumes.
Et donc l'éducation sensorielle. Aide l'enfant finalement à se familiariser avec les propriétés sensorielles de ces aliments un petit peu mal aimés. On utilise aussi comme outil la cuisine justement, en faisant de la cuisine sensorielle. Et donc ce qu'on a pu mesurer à l'issue de ce programme, c'est une hausse de la variété de légumes consommés dans le groupe d'intervention par rapport au groupe témoin. Voilà, donc bon je ne vais pas prendre trop de temps non plus.
C'est déjà une bonne introduction. Juste une question pour le programme des classes du goût, du coup ça fonctionne comment ? C'est les instit qui demandent, ils contactent l'institut du goût, ils disent moi j'aimerais bien faire quelque chose avec ma classe ?
Alors sur le fonctionnement des classes du goût, le plus souvent c'est un fonctionnement à l'échelle d'une région et c'est la DRAF, donc l'émanation du ministère de l'agriculture en région. qui pilote le déploiement des classes du goût et qui organise soit des formations d'enseignants, soit qui envoie des intervenants extérieurs dans les classes, donc des gens vraiment spécifiquement formés à cette pédagogie du goût parce que c'est une pédagogie très particulière, c'est à l'opposé d'une approche normative en fait. On est vraiment là pour libérer l'expression de l'individu.
Ce qu'on ne veut pas, ce sont des réponses attendues, des réponses convenues. On essaye de limiter les effets d'imitation et de groupe dans la classe. On essaye d'expliquer qu'il n'y a jamais de bonne ou de mauvaise réponse dans la dégustation.
Et que ce qui nous intéresse, c'est l'effet que l'aliment a produit sur l'enfant, sur l'individu, plutôt que le contenu de l'assiette. C'est vraiment une démarche très centrée sur l'humain, très hédoniste et très humaniste. Donc plutôt que d'avoir des enfants qui vont répéter des choses comme des petits singes savants ou des perroquets, on essaye vraiment d'avoir leur réponse à eux authentique et sincère.
Bien, merci. Du coup, différence individuelle que tu as mentionnée, le goût c'est culturel ou naturel finalement ? La génétique peut nous dire quelque chose là-dessus ? Je vais peut-être commencer par me présenter rapidement.
Donc moi, je suis chercheur CNRS ici au Musée de l'Homme, qui fait partie du Muséum d'histoire naturelle. Donc je suis chercheur en anthropologie génétique. Ça veut dire que je m'intéresse aux différences génétiques entre populations, pas forcément entre individus, mais plutôt entre populations. Et j'essaye de comprendre en particulier en quoi le fait que les populations n'aient pas les mêmes régimes alimentaires ont influencé leur diversité génétique.
Donc en quoi les populations d'agriculteurs se sont adaptées génétiquement à leur régime alimentaire. par rapport à des populations d'éleveurs ou des populations de chasseurs-cueilleurs. Donc c'est vraiment la question qui m'intéresse.
Donc par rapport au goût, déjà nous on a besoin de définir qu'est-ce que c'est que le goût pour pouvoir le mesurer, le quantifier et voir les différences qu'il existe entre populations. Donc c'est pas quelque chose qui est forcément facile à mesurer mais il y a un consensus en gros sur le fait qu'il existe cinq types de goûts. Donc on fait goûter différentes substances aux gens, il y a des substances qui vont être très corrélées entre elles et donc on va considérer que c'est le même goût et puis des substances qui vont répondre de manière différente. Donc on considère qu'il y a le goût du sucré. du salé, de l'amère, de l'acide et de ce qu'on appelle l'umami, qui est le goût de la protéine, de l'acide aminé, qui permet de détecter les protéines.
Et ce qui est intéressant d'un point de vue évolutif, c'est qu'on voit qu'il y a vraiment deux types, le goût est intéressant pour deux choses. La première, c'est de détecter des aliments qui sont d'un point de vue nutritif intéressants. Donc savoir détecter le sucré, savoir détecter le protéiné.
Ça permet pour un animal de pouvoir, quand il goûte quelque chose, savoir est-ce que ça va avoir une valeur nutritive intéressante. Donc la première, c'est des choses qu'on veut pouvoir garder dans l'alimentation. Et la deuxième, qui est finalement peut-être la plus intéressante et la plus importante, c'est d'éviter des choses dans l'alimentation qui vont être toxiques. Et donc ça, c'est particulièrement la fonction de détecter l'amère et de détecter l'acide.
C'est que l'amère, souvent, c'est des composés qui sont propres à des plantes qui peuvent avoir... différentes substances toxiques pour l'homme et pour d'autres animaux. Donc le but de détecter la mer, c'est de l'éviter, c'est d'éviter des plantes qui vont être trop toxiques.
Et l'acide, c'est à peu près pareil, c'est aussi d'éviter des produits qui vont être soit toxiques, soit qui vont être en gros déjà avancés, enfin pas pourris, mais je veux dire des composés animaux qui deviennent acides, c'est une marque de transformation du produit qui n'est pas forcément qui peut être aussi toxique pour l'homme. Donc voilà, ça c'est juste un petit fond intéressant. Et par rapport à la génétique, ce qu'on voit c'est que le sucré, le salé, l'acide et le protéiné, c'est codé par un, deux ou trois gènes, enfin un petit nombre de gènes, donc pas énormément.
Par contre la mère, le fait de détecter la mère est codé par 25 gènes et 10 pseudogènes, donc là on voit que la famille de gènes elle est beaucoup plus importante. Et donc ça, ça nous dit aussi... Pendant l'évolution, il a été vraiment important de détecter cette amère, puisqu'on a mis un grand nombre de gènes à disposition de cette fonction-là.
Ça, on le retrouve chez tous les primates, ce n'est pas quelque chose qui nous est propre. Ce qui est intéressant, c'est que par rapport à l'olfaction, où on voit que l'humain en général a perdu une grande capacité olfactive quand on compare avec d'autres grands singes, au niveau du goût, ce n'est pas le cas. On n'a pas perdu de capacité gustative par rapport à nos... A nos cousins les grands singes, par contre on a vraiment perdu des capacités olfactives, donc certainement du fait qu'on est moins frugivore, moins folivore, on a quand même incorporé de la viande dans notre alimentation en quantité non négligeable, en tout cas au moins il y a deux millions d'années et depuis.
Donc c'est possible que le fait de s'éloigner des végétaux et d'aller plus vers de la viande... On nous a fait perdre des capacités olfactives, mais en tout cas on a bien conservé la capacité de détecter les autres goûts. Donc par rapport aux différences interindividuelles, j'aurais bien aimé avoir un chiffre un peu à vous donner sur quel est le pourcentage de la variabilité qui est expliqué par les gènes. Je pense que, intuitivement, d'après ce que j'ai pu lire et comprendre, c'est quand même assez minoritaire.
On peut le comparer par exemple à l'obésité. L'obésité c'est quand même quelque chose qui est majoritairement environnemental. mais qui est aussi, on va dire, à 2, 3, 4, 5% déterminée par les gènes. Les gens ont plus ou moins des capacités à prendre du poids, à être attirés justement vers des aliments qui sont plus sucrés, plus gras, etc. Je pense que le goût, mon intuition, c'est vraiment quand même majoritairement une construction individuelle.
Donc ça veut dire à la fois en tant qu'individu propre, mais aussi en tant qu'individu dans sa société, dans sa culture, évidemment. Puisqu'on voit d'ailleurs entre populations humaines qu'il y a des aversions. et au contraire des goûts pour des choses qui sont assez différentes. Et pour l'instant, on n'a pas trouvé de base génétique pour le fait que certaines populations soient plus attirées vers des aliments par rapport à d'autres. Je pense que ce qui est important de comprendre pour le goût, la génétique du goût, c'est que ça ne va pas aller vers un aliment par rapport à un autre.
Ça ne va pas dire une préférence pour de la viande ou du poisson ou pour l'endive par rapport à la carotte. Moi, la manière dont je le vois, c'est plutôt vraiment arriver à détecter des choses sucrées, détecter des choses protéinées. et détecter les choses amères et acides. Donc ça, c'est pas forcément, évidemment, que ça change en fonction de l'aliment, mais c'est pas une préférence pour un aliment particulier. Bon, après, l'amère, il s'avère qu'effectivement, c'est en forte concentration dans tout ce qui est choux, brocolis, endives et autres.
Donc là, on peut voir que les gens... qui sont ce qu'on appelle super goûteurs, qui détectent l'amertume à des niveaux très très faibles, ces gens-là, oui, effectivement, il y a une corrélation avec leurs préférences alimentaires, puisqu'ils vont éviter tout ce qui est brocoli, choux, endives et d'autres choses qui peuvent être amères avec du tannin, etc. Et le super goûteur s'explique génétiquement, justement ? Le super goûteur, ça s'explique génétiquement. Donc, par rapport à l'amertume, il y a trois groupes de gens.
Ce qu'on appelle les non-goûteurs, ça veut dire qu'ils détectent l'amertume à un niveau qui est tellement élevé qu'en fait il est plus élevé que ce qu'on trouve dans la nature. Donc quand ils vont goûter de l'amertume, ils ne vont pas le détecter. Les goûteurs, ils vont dire que c'est désagréable, c'est amer, mais ce n'est pas non plus une réaction de dégoût qui est trop extrême.
Et le troisième groupe de super-goûteurs, où là vraiment, quand c'est une petite expérience, on met un petit papier buvard imbibé d'une solution sur la langue, là le dégoût est très très fort. Finalement, ce dégoût chez les nourrissons, effectivement, il existe chez tous les nourrissons. Le goût de l'acide et de l'amère, de manière unanime, est très fortement désapprécié des nourrissons. Et puis justement, on évolue, puisque ces récepteurs au goût se mettent en place aussi de manière développementale. Ils ne sont pas là dès la naissance.
Mais pour le coup, l'amère, c'est reconnu dès la naissance. C'est clairement évité par les nourrissons. Dès qu'on naît, on sait qu'il faut éviter les composés trop amers ou trop acides.
Donc effectivement, les préférences alimentaires sont certainement influencées par ces capacités de détection de ces cinq grandes familles. Mais je pense que la part du social et du culturel est largement plus importante dans les préférences, les aversions et la sensation de goût et de dégoût. Une autre chose aussi, par rapport à ces cinq goûts, il y a pas mal de recherches en ce moment sur un sixième sens du goût qui serait le goût du gras. Donc là, on a vu qu'il y avait le rôle du sucré et de la protéine, donc glucides, protéines. C'est vrai qu'il manque la troisième catégorie qui est les lipides.
Et là, de plus en plus, il y a des recherches en génétique qui s'intéressent à la détection du gras, qui avant, on pensait que c'était surtout une question de texture et que ça passait surtout par l'odeur. Et finalement, c'est possible qu'il y ait aussi une base génétique, avec notamment un gène pour l'instant qui a été impliqué, dans la détection du gras au niveau de la langue et pas de l'odeur ou de la texture. Au niveau génétique, on parle souvent beaucoup des récepteurs au goût qui sont sur la langue, mais après il y a aussi toute une variabilité au niveau de la transdiction du signal, des différences neuronales.
Alors ça c'est plus compliqué à identifier parce que les neurones étant impliqués dans beaucoup de choses, c'est pas aussi simple de dire ça ça va être impliqué dans tel goût qu'un récepteur où on va voir facilement si des gens manquent ce récepteur-là. Là on voit tout de suite qu'ils n'arrivent pas à détecter certains goûts, c'est plus simple à identifier. Et puis évidemment l'odeur aussi, on parle du goût et des récepteurs au goût, mais le goût est très fortement aussi ce qu'on appelle goût, qui est donc au final la sensation, et pas seulement le goût propre dans la bouche, mais aussi un résultat très important de l'odeur.
Et ça, il y a moins de choses aussi sur en quoi la génétique du répertoire olfactif influence sur le goût. Juste une dernière petite chose pour contraster encore goût et odeur. Ce qui est intéressant, c'est qu'il y a des centaines et des centaines de différentes molécules qui peuvent...
peuvent être goûtées et pareil pour les molécules qui peuvent être senties. Et les gènes de l'odeur, chez l'homme et les primates et autres mammifères, c'est plusieurs centaines de gènes. On est vraiment dans une famille de récepteurs olfactifs qui est très importante et très développée, bien que chez l'homme, je vous ai dit qu'on avait perdu de plus en plus ses capacités. Donc ces gènes sont de plus en plus non fonctionnels.
Alors que pour l'amertume et pour les autres goûts encore plus, c'est 25 gènes, je vous ai dit, pour l'amertume, 1, 2 ou 3 pour les autres goûts. Donc finalement, ce n'est pas des capacités, des répertoires génétiques qui sont très importants. par rapport au répertoire olfactif. Donc les gens se demandent encore comment on est capable d'avoir autant de sensations de goût différentes avec finalement un répertoire génétique qui est relativement restreint. Bien que pour la mère il est plus important, mais pour les autres il est quand même assez restreint.
On a trois gènes qui en se combinant vont nous donner les goûts de sucré et les goûts de... Du protéiné, alors qu'il y a quand même plein de types de surs différents, le fructose, le glucose, le lactose, on pourrait imaginer qu'on ait des spécificités de chacun de ces surs. Et au final, en termes génétiques, il n'y a pas une grande spécificité des capacités génétiques. En termes d'odeur, on est armés, moins que nos cousins les primates, mais on est armés avec plusieurs centaines de gènes pour détecter des composés olfactifs.
Merci. Si je conclue bien, la pétance pour la mère est forcément quelque chose d'acquis. Quand on aime la bière, ça ne peut pas être génétique. Je dirais inné dans le sens où les nourrissons ont déjà...
Oui, la pétance. La pétance, oui. La pétance.
Oui. Après, ce qui est intéressant, je rajoute une dernière chose sur ce goût pour la mer, c'est qu'on se pose la question pourquoi il y a des goûteurs et des non-goûteurs dans une population. Au final, on a l'impression que ce qui est intéressant, c'est de savoir le détecter pour l'éviter.
Donc on penserait instinctivement qu'il ne faudrait qu'il n'y ait que des goûteurs dans la population. Et le fait qu'il y ait une persistance de goûteurs et de non-goûteurs, alors ça dépend des populations, mais ça peut être moitié-moitié. Et on voit ça aussi chez les chimpanzés.
Les chimpanzés sont à moitié goûteurs, à moitié non-goûteurs. C'est qu'il y a forcément un avantage au fait de ne pas être goûteurs. Et une proposition qui a été faite parmi d'autres, c'est que la quinine notamment permet de protéger contre le paludisme. Et donc ce serait possible par exemple que le fait d'abaisser son seuil de détection aux amers nous fait consommer plus de quinine.
Et donc ça a été une manière de se protéger contre le paludisme, la malaria, dans un grand nombre d'habitats humains. Donc voilà, c'est des choses qui peuvent être après des... des balances entre l'avantage, attention à ne pas trop avoir de substances toxiques, mais d'un autre côté, c'est peut-être des substances qui ont des intérêts pour d'autres fonctions. Parce que du coup, tu as plein d'antioxydants dans les végétaux qui sont un peu amers.
C'est une autre hypothèse. La question de la dose. Bien. On va passer en cuisine.
Amandine, tu nous racontes un peu, Pouliche, ce qui se passe. Comment tu jongles avec les saveurs, avec les odeurs ? Comment est-ce que tu fais pour satisfaire des clients qui n'ont pas du tout envie des mêmes doses d'amère, de salé, de sucré, d'acide ?
Moi déjà j'ai une approche au goût qui est vachement moins structurée que vous. Le goût est au cœur de ma vie et il a assez souvent été en fait. Je m'en suis rendue compte au fil des années. J'ai grandi dans un milieu extrêmement scientifique. Ma mère était directrice de recherche au CNRS en biochimie et mon père était dans l'informatique.
Il n'y a rien de me prédestiné à finir dans une cuisine. Mais pourtant j'ai toujours été extrêmement sensible aux odeurs, aux goûts. depuis toujours. Je pense que mes premiers souvenirs, quand j'étais vraiment toute enfant, c'était des souvenirs d'odeurs et de goûts de framboises shippées dans le jardin de mon arrière-grand-mère. Chaque période de ma vie est comme ça ponctuée de souvenirs, de goûts et d'odeurs.
Je ne sais pas si c'est quelque chose d'une hypersensibilité à ces sens-là. Je ne sais pas, mais c'est vrai que ça a toujours été dans ma vie. Justement, quand c'est des souvenirs de framboises, Pour moi, il n'y a pas de base génétique d'être sensible à cette odeur-là.
Je pense que c'est là où, vraiment, peut-être qu'il y a une sensibilité neuronale d'avoir associé autant de souvenirs et que, pour vous, la framboise, ce soit un souvenir très précis, alors que pour d'autres, ils n'ont pas forcément associé un souvenir. Je pense que c'est là où ça... Je pense qu'il y a aussi, dans mon environnement, ma famille et notamment ma mère étaient très présentes pour me sensibiliser, pour justement me pointer du doigt sur ce monde de ces...
ces détails du quotidien sur des odeurs, sur des sensations, des choses comme ça. Donc voilà, oui, effectivement, j'ai une approche du goût vachement moins structurée. Pourtant, le goût est au cœur de ma vie. Et au-delà du goût, il y a toutes les sensations de la table, on dirait.
On a parlé beaucoup du goût, mais aussi pour moi, les textures qui sont extrêmement importantes. C'est vrai qu'en France, je digresse un petit peu sur la texture. En France, on a tendance à avoir du mou, du croquant, du croustillant. Après, quand on voyage un petit peu...
Notamment en Asie, il y a un goût très particulier. Le goût au sens large inclut ces trois composantes qui sont l'odeur, la saveur, le trigéminin et les textures. Et là-bas, on trouve notamment beaucoup de textures avec lesquelles j'ai un peu de mal.
Couchouteuse, typiquement sur les tendons. Quand on est en Chine, on mange des tendons frits ou des choses comme ça. Et le gluant aussi, qu'on trouve notamment avec les gombos ou avec les sauces un peu... Donc moi effectivement mon boulot c'est de jongler avec les saveurs, avec les aliments et aussi avec le goût de chacun. Donc c'est pas toujours évident.
Et en plus au-delà de ça, maintenant il faut rajouter aussi les allergies et les petites phobies alimentaires. Je vous raconte pas le casse-tête que ça peut être. Il y a tellement de choses à dire sur le goût, sur la table, sur la façon dont on... dont on construit, quand on imagine des recettes ou des choses comme ça.
Tu dis le bon mot, quand tu imagines une recette, c'est quoi ça se passe ? C'est dans la tête d'abord ? Ça part de la tête, effectivement.
Alors, l'inspiration, puisqu'on appelle ça comme ça, elle est très personnelle. Moi, je sais que l'idée d'une recette peut m'arriver en flânant au marché, en goûtant quelque chose. en discutant avec quelqu'un d'une sensation, de choses comme ça.
Je sais que j'ai des collègues qui sont parfois inspirés par la musique ou par des couleurs ou des choses comme ça. Donc, il doit y avoir des connexions quelque part, en fait, entre les goûts, les odeurs. Et puis, chacun doit avoir des petits codes. Je ne sais pas s'il y a des couleurs ou des tiroirs dans la tête. Mais on a tous des façons de fonctionner un peu différentes sur le déclencheur, on va dire.
Ensuite, en revanche, il y a un processus... qui nous est commun, en tout cas, avec pas mal de collègues avec qui j'ai pu discuter, c'est qu'effectivement, au moment où on imagine une recette, on a comme un tableau, on a la sensation du résultat qu'on espère. Et après...
C'est un peu d'habitude pour ça, quand même, j'imagine. Effectivement, je pense qu'on a... Enfin, moi, en tout cas, je pense que j'ai des petits tiroirs de mémoire, de goût et de sensation et de trucs, et que, du coup, je compose un peu avec ça.
Et après, on passe en cuisine et on essaye. Alors, on essaye. Parfois, ça marche du premier coup.
Parfois, on essaye une deuxième fois, une troisième fois, une quatrième fois. Parfois, ça ne marche jamais. Donc, on est à côté de la plaque. Mais voilà, effectivement, il y a un process qui part d'une idée un peu très sensorielle de la recette.
Alors, le design de la recette, du coup... justement cette si je prends ces différentes composantes tu les imagines à la fois que ce soit saveur, odeur, texture comme tu dis, est-ce que forcément certaines saveurs vont t'appeler certaines textures ou pas du tout, c'est des manières tout à fait décorrélées comment est-ce que tu gères ces différents paramètres pour moi ça ne va pas forcément ensemble Et en plus, je ne suis pas une grande adepte. Tu as des chefs qui disent qu'il faut tout le temps que tu aies du mou, du croustillant, de la texture.
Je ne suis pas forcément d'accord là-dessus. Moi, personnellement, ça ne me dérange pas d'avoir un plat avec une monoconsistante. Je trouve que de temps en temps, ça t'interpelle de façon différente. Comme de la même façon, tu peux avoir un plat complètement monochrome ou fade. Moi, je trouve que c'est intéressant aussi de temps en temps d'avoir des plats qui sont...
Pas saturé en goût, je trouve que, surtout quand on a des menus un peu à rallonge, comme quand tu es dans certains restaurants où tu passes deux heures à table, au final, si tu as tout le temps des goûts qui sont hyper marqués, hyper forts, au dernier moment, tu n'en peux plus, c'est hyper saturant, ce n'est pas possible. Alors chez Polish, c'est quoi le menu type ? C'est quoi, c'est le menu dégustation ? C'est des tas de différentes formules, j'imagine ?
C'est un format un peu hybride. En fait, moi, j'ai voulu vraiment remettre de la convivialité au milieu de la table. Donc on n'a pas de menu déjà, à strictement parler, et on a des entrées qu'on met au milieu de la table à partager. Vraiment, l'idée c'est que tout le monde picore, que c'est de créer un peu, voilà, exactement, de créer la discussion et les échanges autour de la table.
Beaucoup de légumes, et ensuite le choix uniquement sur un plat qui est un peu plus consistant, donc qui pourrait correspondre à un plat principal, entre guillemets. Donc un à base de poisson, un à base de viande et un à base de légumes. Et aussi une dessert. Bien, on va aller tester ça.
Je me demandais, parce que c'est vrai que je trouve ça intéressant de voir qu'il y a des choses qu'on peut apprécier séparément, mais après quand on les met ensemble, on ne les trouve plus du tout appréciables. Et j'avais l'impression qu'il y avait un espèce de code des goûts qui vont bien ensemble, de la manière qu'on va marier un vin avec une nourriture. Il y a des théories, oui. Mais en fait, j'ai l'impression que scientifiquement, il n'y a pas vraiment de raison pour ça, que c'est vraiment une construction très sociale de qu'est-ce qui va bien ensemble.
Est-ce que pour vous, il y a des consensus ou il y a des gens qui vont dire... Ça, ça se marie bien avec... Ça, non, moi je trouve que ça se marie pas du tout.
Enfin voilà, je me demandais... Oui, il y a effectivement des idées reçues à dire, typiquement, le chocolat avec l'orange. Il y a plein de gens qui adorent le chocolat avec les orangettes, les petites orangettes, les écorces d'orange trempées dans le chocolat. On pourrait croire que ça paie à tout le monde, moi je trouve ça dégueulasse en fait.
Mais c'est que mon goût personnel. Voilà, c'est vraiment, pour le coup, il y a vraiment des goûts très tranchés, il n'y a pas de loi empirique comme en mathématiques du tout. Je pensais particulièrement quand on est entre catégories, donc entre du sucré et du salé, il y a des choses qui peuvent nous sembler... Il n'y a aucune réalité....couter le trouver bon et quand on nous dit ce que c'est après coup, ressentir du dégoût. Du fait que c'est deux choses qu'on n'arrive pas mentalement à...
Il n'y a vraiment aucune règle. Moi, parfois, même avec... Vous prenez n'importe quoi, quasiment. Je n'ai pas envie de jeter une grande théorie sur la paillasse aujourd'hui, mais parfois, je me suis rendue compte qu'il y avait des associations qui étaient complètement improbables, auxquelles on n'aurait jamais pensé. Et il suffit de faire rentrer un troisième élément là-dedans, qui va faire un peu le trait d'union, ou qui va...
qui va finalement harmoniser les choses. Donc c'est assez compliqué. Il y a eu plein d'essais, justement, de théories. Je me souviens notamment d'un livre avec des petites bulles de couleurs pour faire rentrer les aliments par catégorie, avec des sous-couleurs, avec des machins, etc. Mais c'est quand même extrêmement compliqué.
Et puis là, en plus, au-delà de ça, il faut rajouter le personnel, le culturel, etc. Donc en fait, c'est hyper mystérieux et c'est impossible à codifier. Je ne sais pas si tu pensais du coup à la théorie du food pairing, parce que c'est un peu ça son nom de code officiel. C'est un nom de code anglais parce que ça a été développé par des Belges, donc je ne vois pas quel est le rapport, mais c'est comme ça, ils ont appelé ça food pairing.
Et c'est intéressant effectivement parce que du coup, c'est une théorie qui a été pondue avec un vernis scientifique qui consiste grosso modo, si je résume, à dire que ce qui se ressemble s'assemble. Quand je dis que ce qui se ressemble s'assemble, c'est en termes vraiment moléculaires, c'est-à-dire qu'ils font des profils aromatiques. De tous les ingrédients qui existent, qu'elles soient des ingrédients d'origine animale ou végétale, ils ont une base de données, ils en sortent des profils moléculaires avec des pics qui correspondent aux arômes principaux.
Et puis après, la théorie consiste à dire que si je prends du basilic, puis je prends de la tomate, puis que je trouve des composés communs, je vois que bien effectivement, on aime bien mettre une feuille de basilic sur une salade de tomate, parce que d'un point de vue moléculaire, ils ont des composés communs. Donc en fait ce qui est scientifique c'est de faire la mesure des profils aromatiques, mais après de dire que ça va bien ensemble parce qu'ils ont des profils communs, ça c'est pas scientifique, ça c'est une hypothèse. On aurait pu faire l'hypothèse inverse de se dire, ben ils vont bien ensemble parce qu'ils ont des profils qui s'opposent, du coup ils vont bien se compléter. Ça aurait été tout à fait valide scientifiquement.
et donc il a fallu prouver ça et c'est des gens de la biologie des systèmes qui s'y sont collés à Harvard qui n'a a priori rien à voir au départ sauf qu'en fait ils ne connaissaient pas le domaine mais ils avaient les outils d'analyse de données nécessaires pour se lancer dans cette question vertigineuse qui est de se dire est-ce que si on bouffe de la tomate avec du basilic c'est pour une vraie raison moléculaire ou c'est parce que juste les tomates poussent au même endroit où le basilic pousse au même jardin et donc du coup on a ça sous la main on le met ensemble et ça ne colle pas si mal... Et donc ils ont fait de l'analyse de données sur un corpus de plus de 10 000 recettes qui ont été pompées au corpus Asie puis au corpus Amérique du Nord aussi pour voir justement des biais culturels éventuels. Et ils ont fait traitement de données comme on se fait en biologie des systèmes, sauf qu'en biologie des systèmes on fait ça avec des protéines et des voies métaboliques, mais là ils ont fait ça avec de l'ail, de l'oignon, du poivre, des épices, du curcuma, du lait, des œufs, etc.
Ils ont fait tourner les machines avec les 10 000 recettes pour voir s'il y a un moment donné ils sortaient des occurrences. Ou d'un point de vue statistique, on montrait qu'il y avait un biais qui fait qu'effectivement deux ingrédients étaient plutôt plus souvent associés que si c'était purement aléatoire. Et la réponse est, ben non, ils n'ont trouvé à peu près que dalle. Peut-être un très léger biais.
en faveur du food pairing en Amérique du Nord, et puis au contraire, une légère opposition en Asie. Mais ça dit deux choses, ça dit que s'il y a un effet, il est faible, et s'il existe, il est sans doute culturel pour le coup. Et puis comme tu l'as bien dit, le problème c'est que quand tu fais ça, tu compares deux aliments entre eux, mais il faudrait voir qu'est-ce qui se passe quand tu rajoutes un troisième larron, et peut-être qu'effectivement c'est comme ça qu'on arrive à des accords qui seraient deux par deux. Et en plus il y a un mode de cuisson en plus.
Et en plus il y a un mode de cuisson, et puis le mode de tout ce qu'on veut. Donc c'est à peu près voué à l'échec d'avoir une machine. qui nous donne comme ça ce qui va bien ensemble parce qu'il n'y a sans doute pas de loi en soi. Et puis, c'est bon, mais c'est sûr qu'on sent que c'est une quête, la fameuse quête, et qui est aussi présente, comme tu l'as mentionné, pour les accords de mai et vain. On ne compte plus les débats pour savoir pourquoi est-ce que tout le monde, effectivement, sort un verre de vin rouge avec sa maman au bistec, et pourquoi tout le monde sort un verre de vin blanc avec son filet de saumon, alors que pourquoi on ne ferait pas l'inverse après tout ?
Et il y a peut-être des raisons moléculaires quand même, pour certains cas de figure ça a été trouvé dans les réactions particulières, mais c'est plutôt pour des dégoûts que pour des goûts justement. Il y a une réaction par exemple avec les fruits de mer et certains vins blancs qui font un goût métallique, où là on a isolé les voies métaboliques qui font ça, mais c'est très rare. Et donc c'est vrai que c'est, du coup, on est plutôt quand même sur une logique culturelle, on aime ou on n'aime pas, que sur...
une logique moléculaire, universelle, sur ces accords entre aliments. Justement, sur les zoologiques, pour rebondir, il y a une question qui me taraude, parce qu'elle m'est souvent posée, et ça touche à la fois la génétique, mais aussi la cuisine, l'art culturel. culinaire et l'éducation.
Est-ce qu'il y a un biais genré dans le goût ? Il y a un goût féminin, il y a un goût masculin. Ça me fait un peu hérisser souvent ce genre d'artiste.
Je sais, c'est pour ça, j'aime bien. Alors moi, ça va être rapide, puisque a priori, tous les gènes qu'on a identifiés liés au goût ne sont pas sur les promos de homosexualité. mais sur les autosomes. Il n'y a vraiment aucune raison génétique pour qu'il y ait une alimentation genrée. Alors dans l'éducation, est-ce que dans les classes, est-ce qu'il y a des retours là-dessus, avec des instits qui vont dire, ah ben les filles, elles ont plaisir à ça, et les garçons, ceci, cela ?
Là, effectivement, on est plus sur le goût préférence et non pas sur le goût perception. Quand on regarde les études hédoniques, donc sur les préférences alimentaires, on se rend compte qu'il y a très peu de différence entre les goûts et dégoûts des petits garçons et des petites filles. Par contre, c'est vrai qu'à partir de la puberté, là, ça commence à diverger.
Et on voit que les filles se mettent à avoir des préférences plus marquées pour les fruits, les légumes, les crudités, etc. Sans doute pour des raisons liées au bien-être, à l'esthétique. Elles se mettent à penser un petit peu plus leur alimentation, alors que les garçons... Comparativement aux filles, à l'adolescence, on a des préférences plus marquées pour les viandes rouges, par rapport aux légumes notamment. Donc voilà, très peu de différences jusqu'à la puberté et puis ensuite ils prennent des chemins un petit peu différents au niveau des préférences alimentaires.
Amandine, toi t'aimes pas du tout ce concept-là, l'alimentation genrée ? J'ai un peu de mal déjà dès qu'on met un peu les gens dans les cases, c'est une première chose, et puis j'ai entendu tellement d'énormités tout au long de ma vie pro que... Oui, le milieu de la cuisine est un milieu compliqué, tu es à notre côté là, oui.
Ouais, on va dire qu'on n'est pas toujours du meilleur goût. Moi j'ai énormément entendu souvent... des gens qui disaient à tort, oui c'est une cuisine féminine avec l'idée, tu vois, qu'on met de la vanille il y a des petites fleurs, enfin le truc un peu cucu, hyper réducteur et autant aujourd'hui je pense qu'il y a quelque chose de féminin, enfin si il y a quelque chose de féminin dans ce que je fais, c'est dans l'approche je trouve que souvent les chefs, encore une fois je mets énormément de bémol parce que j'aime pas faire de raccourci mais j'ai tendance à...
dire que souvent les chefs hommes ont plus de technique font preuve de plus de démonstration technique si tu veux, que les femmes vont peut-être aller plus vers quelque chose de spontané et moins démonstratif c'est la seule chose que je ferais après sincèrement aujourd'hui quand tu amènes une assiette de poisson à une table avec une assiette de gibier c'est aussi bien un homme et une femme donc il n'y a vraiment pas de, enfin moi je trouve que dans la clientèle il n'y a pas de prédisposition par exemple voilà Ce genre de choses. Moi, je vois en même temps qu'il est 19h45 en face de moi. Donc, j'avais promis qu'on laissait le temps pour les questions.
Donc, je pense que c'est justement le temps venu. Si vous avez des questions à poser à nos expertes. Voilà, c'est parti. Il y en a une ici, on va aller là-bas après. Oui ?
Moi j'ai une question sur les deux saveurs qu'on n'a pas évoquées, c'est la saveur du piment, capsicum ou poivre, et la saveur qui pique le nez, comme le wasabi ou la moutarde. Alors, c'est une entreprise... pas dans les classes du salé sucré acide amer ?
Non, effectivement. La seule chose que je peux dire à ce sujet c'est que j'ai vu qu'il y avait effectivement des corrélations, mais pour le coup inverses, entre la perception de l'amer et la sensibilité aux épices. Alors je ne sais pas si dans ce qu'ils appellent épices, il y avait des distinctions à faire ou pas, mais souvent ceux qui sont plus sensibles à l'amer le sont moins aux épices et vice-versa.
Donc il y avait des corrélations à ce niveau-là. Je n'ai jamais rien vu effectivement sur... La base génétique de la tolérance au wasabi ou au piment ? Je peux compléter.
En fait, on n'en a pas parlé, parce qu'il ne s'agit pas du tout de saveur. Le piment, donc la capsaïcine ou le wasabi, que ce soit la piperine ou autre, ne sont absolument pas détectés par les récepteurs des saveurs. Ce n'est pas du tout la même voie métabolique. Là, on est typiquement dans le sommesthésique, c'est-à-dire que c'est purement les capteurs de la douleur, ce qu'on appelle les sensations trigiminales.
C'est entièrement véhiculé par des nerfs qui n'ont rien à voir avec les nerfs gustatifs, c'est les nerfs trigumeaux. Et du coup, mais ça... Par contre, là où vous avez raison de mentionner ça, c'est que dans le cerveau, tout ça est un peu mélangé. Mais en termes de voie métabolique, c'est très distinct. Et donc ce sont les récepteurs de la douleur en fait.
C'est les mêmes que les récepteurs de la chaleur. C'est pour ça qu'on a ce côté brûlant du piment, parce que vraiment, c'est les mêmes récepteurs qui sont activés par une vraie brûlure. ou par la présence de capsaïcine.
Et pareil pour l'huile d'olive, certaines huiles d'olive qui arrachent un peu en fond de gorge, c'est bon signe, parce que c'est des huiles très riches en composés antioxydants. Mais du coup, c'est pareil, c'est les récepteurs de la douleur qui nous envoient ce message, ça brûle, ça irrite. Et donc, c'est vraiment la voie très géminal qui n'a rien à voir, mais qui après, et c'est aussi pour ça sans doute qu'il y a des corrélations et des interférences entre ces différents composés. sensation, c'est que justement, dans le cerveau, tout ça est joyeusement intégré pour donner la perception globale de l'aliment.
Mais au départ, on a à faire des voies différentes. Je me permets d'en poser encore une. Vous avez abordé l'appétence, parce qu'il y avait les goûteurs et non-goûteurs pour l'acide et la mer. A contrario, il y a des appétences pour l'acide et la mer. Oui, et ça, effectivement, je ne sais pas, ça doit sûrement...
Parce que c'est vrai que, par exemple, l'acide, on a tendance à le rejeter, mais les enfants, ils se régalent de ces horribles... Enfin, ces horribles... Je ne saurais pas dire ça, justement, de ces merveilleux...
J'adore ça. Bonbons, voilà. De ces bonbons bourrés d'acide tartrique, parce que c'est de l'acide tartrique qu'ils mettent dessus, souvent, et effectivement, qui arrachent d'une manière spectaculaire.
Et c'est vrai que ça, je ne sais pas s'il y a une explication... Parce que je ne dirais pas qu'il y a un avantage évolutif à bouffer des têtes de mort, quoi. Mais...
Parce que c'est... J'avais lu que le mélange très sucré et très acide était effectivement quand même, d'un point de vue évolutif, assez favorisé. C'est pour ça qu'on avait une telle appétence pour des sodas, des choses à la fois acides et très sucrées, et pareil pour les bonbons. C'est un peu la face cachée de notre évolution.
Des choses qui, à la base, étaient mises en place pour des bonnes raisons, qui du coup, là, sont complètement saturées. Ce qu'il faut savoir, c'est qu'il y a justement une interférence. pour le coup là aussi entre le sucre et l'acide que tu mentionnes le coca le coca cph 3 c'est à dire c'est du jus de citron pur or le jus de citron pur on est incapable quand on l'avale on trouve que ça arrache coca a priori ça passe et c'est uniquement une interférence entre les récepteurs justement du sucre et de l'acide qui se compense qui fait qu'on a l'impression c'est pareil si je fais la manip avec du jus de citron d'ailleurs je peux le sucre est à fond et je le voirai très bien ça se boira très bien parce que le sucre en fait captera une partie uniquement en termes d'intégration du message, pas en termes neuronales, pas en termes nerveux, mais en termes d'intégration du message, ça va complètement fusionner les messages et faire croire que le jus de citron n'est pas si acide que ça. Donc c'est vrai qu'il y a sûrement des choses comme ça qui font qu'on accepte l'acidité à partir du moment où il y a un peu de sucre avec.
Merci. La cuisine, c'est quand même une évolution assez récente chez nous au cours de, je suppose, les 10 000 dernières années. Ça a été donc relativement rapide.
Et quel effet ça a eu sur notre évolution ? Qu'est-ce que vous appelez la cuisine ? La cuisson ou la cuisine ?
Oui, de préparer les mets autrement que nos cousins chimpanzés. Je dirais qu'il y a eu la première étape de la cuisson, qui elle date d'il y a au moins 400 000 ans. Donc là, il y a eu effectivement beaucoup d'évolutions morphologiques, physiologiques pour répondre au fait qu'on mangeait des aliments qui étaient beaucoup plus mous et prédigérés.
Donc avec tout ce que ça a eu comme conséquence en termes de disponibilité énergétique. La cuisine, comme je ne sais pas trop comment la définir, je ne pourrais pas trop dire quand elle a commencé. Beaucoup plus que 10 000 ans, l'action transformée.
former un aliment, que ce soit par fermentation ou par cuisson, c'est 100, 200 000, 300 000 ans. La cuisson, c'est au moins 500 000 ans. On est sur des échelles de temps qui sont très proches de l'évolution de l'homme. Où se situe la frontière entre je mange la nature et je mange la nature transformée ?
Il y a des exemples chez les primates quand même. pas de la cuisine, mais il y a des... Pas que chez les primates, d'ailleurs, des modes d'opération où ils laissent des aliments un petit peu évoluer avant de les manger, donc qui correspond à une fermentation. Il y a quand même cette idée de transformer l'aliment avant de le consommer et sans doute extrêmement ancienne.
Après, évidemment, pas dans des sophistications telles qu'on peut le faire chez nous, mais... Je crois qu'il y avait des questions là-bas aussi. Vous êtes toujours là-bas ?
Oui. Après, ce sera là-bas. C'est bon, c'est bon.
Allez-y, allez-y. Est-ce qu'on peut situer dans le temps la cuisson du café ? La cuisson du ?
Du café. De la torréfaction. C'est-à-dire ?
Oui, la torréfaction du café, mais je n'ai pas compris. Depuis quand ? Est-ce qu'on peut situer dans le temps quand est-ce que ça a commencé ?
Je n'ai pas la réponse. Tu ne sais pas ? Je ne sais pas.
Aucune idée, mais le fait est qu'un café non torréfié, effectivement, ce qu'on appelle un café vert, développe des arômes extrêmement différents, ça on est d'accord. Mais à partir de quand, et c'est pareil pour le cacao, à partir de quand il a été trouvé que la torréfaction... torréfaction, c'était ça qui donnait l'intérêt de l'aliment ?
Je ne sais pas. Mais bonne question, je note. Torréfaction, origine de la torréfaction, à quel moment ?
Il y avait, oui, alors... Il y avait là-bas, parce que sinon... Oui, après. Étant une pure littéraire, j'avais eu beaucoup de mal à suivre un cours de Patrick McLeod, que j'ai trouvé extrêmement difficile. Et très peu de temps après, j'ai eu la chance d'entendre quelque chose d'hyper lumineux.
C'était un commentaire de dîner par Jacques Puizet à propos des accords May-Vin. Mais alors ça, ça m'a laissé un souvenir extraordinaire. Je voulais vous demander s'il est grand tonologue. Si justement c'est sur le vin par exemple qu'on a fait beaucoup d'études sur le goût pour commencer, ou pas du tout parce que c'est totalement hors ce que vous avez expliqué sur les enfants.
Donc c'est pour ça que je voulais savoir comment est-ce qu'on a commencé à s'intéresser de façon plus générale à la question. Alors c'est vrai que dans le monde du vin, c'est vraiment une tradition de déguster, de décrire. du vocabulaire plus ou moins descriptif qui peut dériver un peu sur des descripteurs très métaphoriques, très imagés, de plus en plus imagés au fur et à mesure qu'on goûte du vin d'ailleurs. Et cette approche de l'analyse sensorielle, elle s'est quand même généralisée à beaucoup d'aliments.
On a notamment de très beaux glossaires, de descripteurs sensoriels dans le monde des produits laitiers, des fromages en particulier qui ont... qui offre des palettes aromatiques très importantes. Vous avez peut-être vu les roues du comté par exemple avec à peu près 80 notes aromatiques, etc. Donc culturellement, c'est vrai que le café aussi fait l'objet de beaucoup de dégustations très pointues, le monde du thé, les huiles d'olive sont très bien décrites sur le plan aromatique de plus en plus.
Donc vous voyez, ça se propage à pas mal de produits, c'est beaucoup plus récent. Oui, tout à fait. La tradition, c'est vrai que c'est...
C'est dans le monde des vins et spiritueux qu'on a quand même beaucoup de vocabulaire là-dessus. Alors ça fait une conjonction assez parfaite avec la question que je voulais poser. C'est par rapport à la perte de différence qu'a le groupe témoin, enfin comment vous l'appelez, le groupe d'intervention, qui au bout de neuf mois perdait sa différence par rapport aux gens qui n'avaient pas suivi les classes du goût. Et donc j'ai l'impression qu'il y a deux possibilités, ou bien il y a une perte du premier groupe ou bien une acquisition par rapport au deuxième. Mais s'il y a une perte, ça veut dire que c'est une perte de vocabulaire.
Est-ce que c'est envisageable qu'un groupe perde des notions qu'il a acquises au niveau vocabulaire ? Alors, il y a une troisième possibilité, c'est qu'il y a une conjonction, en fait, de la perte d'un côté et le gain de l'autre. En fait, ce qu'on a interprété à la fin de ces études, notamment sur le projet de recherche et du sens, c'est que... D'une part, c'est très difficile de transférer des apprentissages qui sont effectués en classe dans la vie quotidienne.
Ça, le transfert des apprentissages sensoriels effectués à l'école demeure vraiment problématique. Dans une étude un peu complémentaire, on avait eu la chance de pouvoir aller dans des familles enregistrer des conversations pendant les dîners familiaux à l'insu de l'enfant. Les parents étaient informés, ils étaient pleinement consentants et c'est eux-mêmes qui déclenchaient la caméra avant et après les programmes d'éducation sensorielle.
Et en fait, on se rend compte que l'enfant a acquis du vocabulaire, il a la possibilité de mieux décrire tout ce qu'il ressent, des textures, des saveurs, des arômes, etc. Mais son discours est quand même très... conditionnés à ce que raconte le parent.
Et donc, on avait vu, c'était une étude qualitative, on avait un petit nombre de familles, mais on voyait que quand le parent était lui-même intéressé par le goût et demandait à l'enfant de parler de ce qu'il ressentait, l'enfant avait en quelque sorte les outils, il était armé pour pouvoir parler de ce qu'il ressentait. Mais c'était une petite minorité de cas. Souvent à table, dans les conversations qu'on a enregistrées, on parlait assez peu quand même de ce qu'on ressentait.
comme sensation. Donc ça, c'est une chose. Et l'autre chose, l'autre conclusion, ça a été de se dire vraiment, il faut beaucoup plus sensibiliser les parents à l'importance de l'éducation au goût. C'est vrai que ce sont finalement les parents, quand même, les premiers pourvoyeurs d'expérience alimentaire des enfants.
Alors moi, je pense que l'école a un rôle très complémentaire à jouer par rapport à la famille. Je pense qu'on ne travaille pas les mêmes axes dans les classes du goût à l'école. et puis à la maison. Il me semble qu'à l'école, on va beaucoup travailler sur l'expression individuelle, sur le développement de la curiosité, sur comprendre comment ces sens fonctionnent, et puis vraiment travailler sur le langage.
Alors qu'à la maison, en fait, l'éducation au goût va permettre de travailler directement sur le comportement alimentaire de l'enfant, sur la variété de son répertoire, l'ampleur de son répertoire. et sur les aliments qu'il va vraiment intégrer à son répertoire alimentaire. Alors, pour rebondir sur ce que vous disiez sur l'aversion pour les légumes, c'est vrai que c'est une tendance générale.
Ensuite, il faut bien voir que le mode de préparation du légume va vraiment jouer sur son acceptation. Ça, ça a été des mesures qui ont été effectuées dans... Dans différents sites, notamment sur des crèches de la région de Dijon, où on avait mesuré l'acceptation de différents légumes par des enfants, on voyait par exemple que des choux-fleurs préparés en gratin, avec un petit peu de sauce béchamel, légèrement gratinés, dorés, etc., étaient largement acceptés par les tout-petits, alors que le choux-fleur froid en salade avait beaucoup plus de mal à passer.
Et c'est vrai qu'en jouant sur... les textures, en atténuant l'amertume avec un peu de crème, un peu de sauce béchamel, etc. On arrive à beaucoup mieux faire accepter un légume à un enfant.
Ce qu'il faut voir aussi, c'est que l'acceptation d'un aliment, elle se fait vraiment au cas par cas. C'est-à-dire que moi, dans différents programmes, j'ai pu constater que... Un enfant pouvait apprendre, suite à un atelier sensoriel par exemple, à apprécier des carottes crues, mais ce n'est pas pour ça qu'il va aimer les carottes cuites.
Donc vraiment, la généralisation des préférences alimentaires est assez faible, et c'est pour ça que ça prend du temps d'apprendre à aimer une large palette d'aliments, parce qu'il faut apprendre à les aimer au cas par cas, à intégrer un profil sensoriel et à lui associer quelque chose de positif pour se mettre à l'aimer. Merci. Oui, je pense qu'il y a un consensus. Oui, c'est reconnu comme une vraie cinquième saveur, je crois, à peu près par toute la communauté.
Aujourd'hui, parce que ne serait-ce pas que justement, on a les récepteurs qui sont identifiés. On va prendre une dernière question. Je vois qu'il est 20h02, donc on a déjà dépassé de deux minutes. C'est de ma faute. Dernière question.
Est-ce qu'aujourd'hui, il n'y a pas dans la société de consommation une perte de la notion de recherche du goût par rapport à ce qu'on voit ? à l'image, de la recherche du visuel. La fraise est rouge, donc le sirop de fraise doit être rouge, alors que le sirop de fraise, ce n'est pas rouge. Le jambon doit être rose, alors que naturellement, il est plutôt gris. Et en fait, quand vous mettez devant les gens des aliments sains qui ont la bonne couleur, ils vont les rejeter et aller plutôt vers le visuel et vers le...
Question. Oui, mais en même temps, le fait est qu'aujourd'hui, quand on va faire ses courses, le seul moyen qu'on a pour juger de la qualité d'un ingrédient, c'est le visuel. Quand on est éduqué, on sait que le visuel, c'est pas être un leurre.
C'est très trompeur. Malheureusement, c'est vrai qu'aujourd'hui, et même dans notre vie quotidienne, le visuel prévaut sur énormément de choses. J'en reviens à l'école du goût.
Dans l'école du goût, il doit y avoir aussi associé l'école du visuel. Alors on est complètement multisensoriel, ce qu'on appelle l'institut du goût c'est vraiment considérer la globalité des sens puisqu'on a une représentation globale de l'aliment. On le goûte, donc le visuel est intégré. Justement, on fait quelques expériences avec les enfants où on prend un même jus de fruits, un qui est standard et l'autre qui est coloré, avec un colorant alimentaire. Et alors, systématiquement, les enfants goûtent les deux jus et quand ils goûtent un jus rose, ils nous disent toujours qu'ils trouvent de la fraise ou de la framboise ou de la cerise ou en Guadeloupe, de la goyave.
Parce que là aussi, c'est culturel, du coup. Avec ce genre d'expérience-là, ils prennent conscience du fait que leurs cinq sens fonctionnent ensemble et que la vue pèse très lourd dans l'appréciation de l'aliment et dans son identification. Ils comprennent que la couleur change le goût.
Après, ils y font un peu plus attention. C'est un test qui les marque beaucoup, dont ils se souviennent longtemps, et qui peut changer, qui peut amener un déclic dans leur comportement alimentaire. Ce qui est intéressant, c'est que ça pèse complètement à notre insu, même chez les adultes, parce que ça va être très bien mesuré sur le vin.
On va en revenir au vin, on va finir sur le vin. Il y avait eu ce test célébrissime de Gilles Moreau, notamment à l'Université de Montpellier, où il a montré que même les dégustateurs professionnels perdaient leur capacité à distinguer un vin rouge d'un vin blanc à partir du moment où ils le voyaient. C'est-à-dire qu'ils avaient servi un vin blanc coloré en rouge avec un verre transparent où tous les dégustateurs tombaient dans le panneau. Ils le décrivaient avec des descripteurs de vin rouge.
alors que le même vin dans un verre noir récupérait leur capacité à effectivement identifier qu'il s'agissait bien d'un Sauvignon et non pas d'un Pinot. Et donc ça montre à quel point la vue, même chez des gens chevronnés, perturbe complètement la faculté de dégustation. Et donc on imagine l'effet que ça a sur, de manière générale, notre alimentation. Merci beaucoup à toutes et merci à vous pour votre présence.