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Le paradoxe de la tolérance de Karl Popper

rejoignez-moi sur patreon pour accéder à l'ensemble de mon contenu inédit des épisodes spéciaux des courants visaux des apérophyos un moyen simple de soutenir mon travail tout en vous donnant matière à penser je vous attends sur patreon le lien est dans la description bonjour à tous aujourd'hui on va parler du paradoxe de la tolérance de Carl Popper Carl Popper est un philosophe autrichien du 20e siècle il est surtout connu comme un Phil philosophe des sciences on lui doit d'avoir introduit un critère fondamental dans les sciences le critère de la réfutabilité on en parlera dans un futur épisode mais il est aussi connu comme un philosophe politique notamment grâce à un ouvrage qu' l'a rendu célèbre un ouvrage qui s'intitule la société ouverte et ses ennemis publié en 1945 poperer écrit son livre pendant la Seconde Guerre mondiale en tant que juif il est contraint de quitter l'Autriche entre 37 il décide alors de s'installer en Nouvelle-Zélande et c'est là qu'il écrit ce livre qui est à la fois un essai philosophique et un manifeste politique manifeste politique dans la mesure où poperer il défend ouvertement des positions libérales et c'est dans ce livre que Popper expose son fameux paradoxe de la tolérance dont on va parler dans cet épisode alors avant de commencer je voudrais tout de suite préciser deux choses la première c'est que si vous avez déjà entendu parler du paradoxe de la tolérance bien dites-vous qu'il est très probable qu'on vous en ait présenter une version tronquée une version incomplète et donc potentiellement fausse c'est tout le problème quand on parle de sujet politique on aime bien présenter les choses de la manière qui nous arrange quitte à les déformer pour les faire correspondre à ce qu'on cherche à démontrer donc mon travail ça va être de vous restituer paradoxe dans son intégralité de vous exposer ce que dit réellement poperer et ce qu'il ne dit pas et vous allez voir qu'à l'arrivée benah ça change pas mal de choses donc restez bien jusqu'à la fin la deuxième chose c'est que le paradoxe de la tolérance cétait pas du tout un élément central de la pensée de poperer on en fait une sorte de texte fétiche et moi-même en lui consacrant un épisode j'ai bien conscience que je participe à en faire un texte fétiche mais en réalité ce paradoxe c'est juste quelques lignes dans une note de bas de page c'est pas du tout le cœur de sa réflexion le cœur de sa réflexion parce qu'il faut quand même qu'on en dise quelques mots c'est de montrer qu'historiquement il existe une opposition entre deux types de sociétés ce qu'il appelle les sociétés ouvertes et les sociétés fermé société fermée ou société close ça dépend des traductions donc société ouverte société fermée au départ c'est une distinction qu'on trouve chez le philosophe Henry Berkson dans son livre Les deux sources de la morale et de la religion et ce que va faire poperer c'est qu'il va remonter aux origines de cette opposition il va remonter jusqu'à Platon puisque selon poperur Platon est le précurseur des sociétés fermées tandis que la démocratie athénienne serait la première forme de société ouverte et donc si on devait caractériser ces deux modèles de société si on devait en faire la fiche technique pour ainsi dire la société ouverte c'est une société démocratique libérale et égalitaire tandis que la société fermée c'est au contraire une société autoritaire conservatrice et hiérarchisée de la même façon les sociétés ouvertes accordent une place très importante à l'individu à la raison au progrès là où les sociétés fermées sont centrées sur le collectif la religion et la tradition donc vous voyez qu'on a une opposition point par point et on pourrait prolonger la liste encore longtemps les sociétés ouvertes sont dynamiques c'est-à-dire qu'elles sont favorables au changement les sociétés fermées sont statiques réfractair au changement les sociétés ouvertes sont portées vers l'extérieur donc vers l'in les sociétés fermées vers l'intérieur l'exclusion et s'il fallait ajouter un dernier adjectif et c'est là que vous allez comprendre le lien avec l'épisode d'aujourd'hui c'est que les sociétés ouvertes sont des sociétés tolérant tandis que les sociétés fermées sont des sociétés intolérantes et donc vous l'aurez compris poperer prend position en faveur des sociétés ouvertes politiquement Popper est un libéral un libéral c'est quelqu'un qui place la liberté individuelle comme une valeur centrale de la vie en société et donc quand poer parle des sociétés fermées de quoi parle-t-il il parle des régimes totalitaires c'est-à-dire des régimes qui répriment la liberté individuelle totalitaire ça veut dire qui exerce un contrôle total sur les individus aussi bien sur les corps que sur les esprits et je précise que dans les régimes totalitaires poperer inclut aussi bien le totalitarisme de droite le faschisme donc que le totalitarisme de gauche le communisme l'Allemagne nazie et l'Union soviétique alors je sais ce qu'on va me dire que c'est pas comparable qu'on ne peut pas mettre sur le même plan un régime qui prône la persécution raciale et un régime dont l'objectif initial était l'émancipation des travailleurs oui on est bien d'accord mais sauf que pour poer la question n'est pas celle des intentions la question est celle des structures or il relève qu'aussi bien dans l'Allemagne Nazi que dans l'URSS de Staline les structures sont les mêmes la suppression des libertés la soumission à un chef le culte du collectif l'abandon de tout esprit critique et surtout ce que Popper appelle l' hisicisme l'historicisme c'est l'idée que l'histoire est guidée par des lois inéluctables et que donc il y aurait un destin historique des sociétés pour le nazisme le destin de l'histoire c'est le règne de la race arienne pour le communisme c'est le règne du prolétariat et si les sociétés ont un destin historique ça veut dire qu'elles peuvent légitimer le recours à la violence et à l'oppression pour faire adevenir ce destin pour réaliser la volonté de l'histoire donc l'historicisme c'est ça pour poper l'ingrédient essentiel du totalitarisme alors je ne vais pas m'attarder davantage sur le contenu du livre je vous invite évidemment à le lire si vous voulez approfondir mais je voulais quand même donner un peu de contexte pour faciliter la compréhension de ce qu'on va dire par la suite et donc le paradoxe de la tolérance c'est un texte qu'on trouve dans la 4e note du chapitre 7 de la société ouverte et ses ennemis et que nous dit ce paradoxe il nous dit que si une société tolérante veut perdurer dans le temps il y a une chose vis-à-vis de laquelle elle ne peut pas se montrer tolérante cette chose c'est l'intolérance elle-même pourquoi parce que tolérer les intolérants c'est tolérer des individus qui veulent détruire la tolérance c'est donc prendre le risque de faire disparaître la tolérance conclusion une société tolérante peut tout tolérer sauf l'intolérance alors évidemment il va y avoir énormément de choses à dire soyez attentif prenez des notes si vous le voulez et n'hésitez pas à faire part de vos réflexions dans les commentaires la première chose à dire c'est que ce paradoxe il est réel il est réel au sens où c'est pas juste un jeu d'esprit un jeu d'esprit vous savez c'est comme quand on dit il n'y a pas de vérité mais dire qu'il n'y a pas de vérité c'est déjà énoncer une vérité oui d'accord mais bon au-delà de la formule ça nous dit pas grandchose sur le fond or le paradoxe de la tolérance nous dit quelque chose sur le fond il nous dit qu'une tolérance absolue n'est pas possible en pratique qu'une tolérance illimité conduit nécessairement à son autoanéantissement autrement dit que si on veut rendre le principe de tolérance effectif effectif dans la société effectif dans le réel il faut lui donner des limites et ça évidemment c'est une idée qui fait polémique pourquoi ça fait polémique parce qu'aux yeux de certains si on dit qu'on est pour la tolérance on doit être pour la tolérance à l'égard de tout le monde y compris des intolérants être pour la tolérance mais sous certaines conditions bah c'est pas être pour la tolérance un peu comme ceux qui disent je suis pour la liberté d'expression mais bon ben si vous êtes pour la liberté d'expression mais c'est que vous n'êtes pas pour la liberté d'expression autant dire je ne suis pas raciste mais quand on est pour un principe on est pour l'application intégrale de ce principe pas pour une application sélective et d'ailleurs c'est exactement cet argument qui est utilisé par les personnes qui ont des idées disons extrêmes et qui quand on refuse de leur donner la parole répondent vous êtes pour la tolérance et bien toléreznous tolérez nos idées tolérez qu'on ne soit pas d'accord avec vous en un mot soyez cohérent avec vous-même soyez cohérent avec votre propre principe et bien c'est exactement ça le problème posé par poper faut-il oui ou non appliquer le principe de tolérance sans distinction alors historiquement il existe deux conception de la tolérance la première conception c'est celle qu'on pourrait qualifier d'absolutiste à savoir une tolérance illimitée sans restriction ça consiste à dire si on est pour la tolérance on doit tout tolérer on peut pas faire de la tolérance à la carte donc c'est une position qu'on pourrait aussi qualifier de déontologiste c'est-à-dire une position de principe le propre d'une position de principe étant qu'elle n'admet aucune exception c'est la phrase de Voltaire quand il dit je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites mais je me battrai jusqu'à la mort pour que vous ayez le droit de vous exprimer à notre é cette position on la retrouve chez quelqu'un comme Noam schomski par exemple schomski qui a défendu la liberté d'expression de Robert forisson c'est-à-dire d'un homme qui affirmait que les chambres à gaz n'existaient pas parce que ce qui compte pour schomski ce ne sont pas les idées c'est la possibilité de les exprimer jski a eu beaucoup de problèmes suite à cette prise d'pposition parce qu'évidemment on lui a reproché de soutenir un négationniste et donc il a eu toutes les peines du monde à expliquer que soutenir la liberté d'expression d'un auteur ce n'était pas approuver ce que disait cet auteur on est sur de plans totalement indépendants ça c'est quelque chose qu'on a beaucoup de mal à intégrer de nos jours parce qu'on a une vision politique de la liberté d'expression politique au sens d'orienter politiquement alors que la liberté d'expression ce n'est pas une position politique c'est une position philosophique c'est une position qui transcende les appartenances politiques donc en tant que principe philosophique la liberté d'expression n'est pas conditionnée à des appréciations subjectives je vais le dire plus clairement c'est pas à la tête du client être pour la liberté d'expression c'est être pour la liberté d'expression de tout le monde sinon ça devient juste une posture esthétique la tolérance ce n'est pas de l'esthétique c'est de l'engagement concret donc ça c'est la première conception historique de la tolérance la tolérance illimitée et puis on a une deuxième conception de la tolérance une conception qu'on pourrait qualifier de restrictive ou de limitative et qui consiste à dire la tolérance doit s'arrêter au frontière de l'intolérance autrement dit les intolérants ne doivent pas bénéficier du régime de tolérance c'est la position classiquement attribuée à Saint- justuste quand il dit pas de liberté pour les ennemis de la liberté et qui rejoint donc la position défendue par poperer alors je dis qui rejoint et pas qui est identique parce que même si Saint-Juste et Popper arrivent à la même conclusion le raésonnement n'est pas le même chez Saint-Juste le raisonnement c'est de dire qu'on ne peut pas revendiquer un droit qu'on refuse aux autres vous êtes contre la liberté bon ben venez pas vous plaindre si on vous en prive question de logique alors que chez poer on n'est pas dans un raisonnement logique on est dans un raisonnement pragmatique le but n'est pas de mettre les intolérants face à leurs contradiction le but c'est de protéger la tolérance de la protéger contre ceux qui veulent la détruire mais dans les deux cas on a bien l'idée qu'il y a une limite au principe de tolérance qu'il ne peut pas s'agir d' d'un principe absolu alors je me doute bien que vous tous qui m'écoutez vous avez probablement une position personnelle sur le sujet mais quelle que soit votre position que vous soyez pour une tolérance illimitée ou pour une tolérance restreinte ce que j'aimerais vous montrer c'est que ces deux conceptions posent des difficultés la difficulté que pose l'idée d'une tolérance illimitée bah c'est celle qu'on a évoqué en introduction à savoir que si on tolère les intolérants on tolère des personnes qui veulent détruire la tolérance autrement dit on prend le risque de voir disparaître ce pour quoi on lutte une tolérance sans limite c'est comme une maladie auto-immune le système finit par se retourner contre lui-même donc le problème de la tolérance sans limite c'est le problème de la contradiction interne parce que avoir des principes c'est bien beau mais si le fait de suivre ces principes va à l'encontre du but de ces principes bah ça devient contradictoire c'est le problème que soulevait Saint- Thomas d'quin quand il disait qu'il ne fallait pas suivre la lettre de la loi quand la lettre de la loi allait contre l'esprit de la loi la lettre de la loi c'est ce qui est écrit dans le code pénal c'est ce qui est autorisé et interdit l'esprit de la loi c'est la raison d'être de la loi c'est ce à quoi elle sert donc par exemple si vous plongez dans un lac où la baignè est interdite bah vous prenez une amende parce que vous enfraignez la loi mais si vous plongez dans ce lac parce que quelqu'un est en train de se noyer et que donc vous faites ça pour le sa ben ce serait quand même un peu culotté de vous mettre une amende la loi sert à protéger les citoyens on peut interdire la baignade dans un lac pour des raisons de sécurité mais si quelqu'un est en train de se noyer protéger les citoyens c'est pas interdire de les sauver c'est autorisé à titre exceptionnel d'enfreindre la loi pour mieux servir l'esprit de la loi et d'ailleurs dans cette situation c'est respecter la loi qui serait délictuelle non insistance à personne en danger donc voyez que au nom d'un principe il peut arriver qu'on doiv enfreindre la règle qui découle de ce principe et bien c'est exactement la même chose pour la tolérance et donc vous vous souvenez ce qu'on disait tout à l'heure on disait que le fait de vouloir limiter la tolérance c'était incohérent que si on était pour la tolérance on était pour la tolérance à l'égard de tout le monde y compris des intolérants et bien ici Popper nous montre que c'est justement le fait d'appliquer le principe de tolérance à tout le monde qui crée une incohérence autrement dit que l'incohérence ne se trouve pas dans le fait de vouloir limiter la tolérance mais dans le fait de vouloir tellement l'appliquer qu'on ne la protège plus dans la pratique et donc autant l'idée d'une tolérance illimitée pouvait être qualifiée de position déontologiste autant là on a affaire à une position conséquentialiste on s'intéresse aux conséquences du principe on remplace une question abstraite qu'est-ce qu'il faut par une question concrète qu'est-ce qu'il vaut mieux qu'est-ce qu'il vaut mieux dans la pratique est-ce qu'il vaut mieux suivre un principe aveuglément quitte à le voir disparaître ou est-ce qu'il vaut mieux faire une exception au principe mais au moins le sauvegarder pour tout le reste donc c'est ça le problème de la tolérance illimitée le retournement de la tolérance contre elle-même maintenant quel problème y a-t-il avec l'idée d'une tolérance restreinte bien le principal problème c'est celui de savoir qu'est-ce qu'on met derrière le mot intolérance qui décide de ce qui relève de l'intolérance en somme où est la limite l'intolérance c'est une notion très vague qui varie énormément en fonction de la sensibilité politique de chacun si vous êtes un traditionnaliste vous n'aurez pas la même définition de l'intolérance que si vous êtes un progressiste du point de vue d'un progressiste un traditionnaliste tolérant c'est déjà un intolérant la difficulté la difficulté c'est qu'il y a une grande part de subjectivité dans la notion d'intolérance et tout le problème est là le problème de la caractérisation de l'intolérance et pourquoi c'est un problème c'est un problème parce qu'au nom du refus de l'intolérance on peut interdire des idées qui relève de la simple divergence d'opinion du simple débat de société or qu'est-ce que l'intolérance sinon précisément le fait de ne pas tolérer la divergence d'opinion il y a des propos que certains qualifieront d'intolérant alors que d'autres considéreront que c'est simplement du bon sens éventuellement du conservatisme mais sauf que jusqu'à nouvel ordre être conservateur bah c'est pas interdit alors il y a un mot qui a émergé dans le débat public pour caractéris des propos qui ne sont pas explicitement intolérants mais dont on estime qu'il participe de l'intolérance c'est le mot problématique un propos est considéré comme problématique quand il va à l'encontre d'une certaine conception de la tolérance par exemple si vous pensez qu'il est important de protéger les traditions culturelles on pourra vous répondre que ce que vous dites est problématique parce que ça revient à pronner le repli identitaire et donc à exclure les populations qui viennent d'ailleurs alors qu'on est bien d'accord que c'est pas du tout ce que ça veut dire il faut être d'une sacrée mauvaise foi pour transformer la phrase il faut protéger les traditions culturel en il faut exclure les étrangers le mot intolérance il a un sens on peut pas mettre ce qu'on veut dedans si vous dites que vous êtes pour l'expulsion de toute les personnes d'origine étrangère là on est d'accord que c'est de l'intolérance sur ce genre de propos il y a pas d'ambigué en revanche si vous dites que vous êtes pour l'expulsion de tous les étrangers en situation irrégulière est-ce que ça c'est de l'intolérance bah là c'est plus compliqué c'est plus compliqué parce que d'une part étranger en situation irrégulière ça ne désigne pas pas un groupe ethnique ça ne stigmatise pas une origine ça stigmatise un statut juridique et puis c'est compliqué aussi parce que bah c'est ce que dit la loi la loi dit qu'un étranger sans titre de ses jours n'a pas le droit de résider sur le territoire donc si être pour l'application de la loi c'est déjà être intolérant ben ça veut dire qu'on a peut-être une définition un peu trop extensive de l'intolérance ça veut dire qu'on a peut-être un critère de définition de l'intolérance qui n'est pas viable alors évidemment ne soyons pas naïf parmi les gens qui sont pour l'expulsion de tous les étrangers en situation irrégulière on est bien d'accord qu'il y a sans doute un grand nombre de personnes racistes mais sauf que le propos en lui-même je suis pour l'expulsion des étrangers en situation irrégulière c'est pas un propos raciste le seul moyen d'en faire un propos raciste c'est de prêter à celui qui tient ce propos des arrière-pensées racistes et donc si on doit juger de l'intolérance de quelqu'un non pas à ce qu'il dit mais à ce qu'on imagine qu'il pense à ce qu'on présume qu'il se dit au fond de lui on raisonne plus comme des démocrates on raisonne comme des esprits totalitaires puisqu'on est plus sur le terrain des faits et des preuves on est sur le terrain des présomptions et du procès d'intention dans un état de droit dans une société démocratique et libérale on juge les gens sur ce qu'ils disent et ce qu'ils font sur leurs paroles et sur leurs actes pas sur leurs intentions présumées c'est dans les sociétés totalitaires qu'on fait ça dans les sociétés totalitaires si on a a décidé de vous faire condamner on vous accusera de ce qu'orwel appelit un crime de pensée et on vous fera arrêter par la police de la pensée c'est-à-dire par la police chargée de dire ce que vous pensez au fond de vous et de vous punir pour ce qu'elle aura décrété que vous pensiez les procès de Moscou en 36 c'était quoi que vous disiez vous êtes coupable parce qu'on a décidé que vous étiez coupable et toute tentative de nier ce dont on vous accuse sera considéré comme une preuve supplémentaire de votre culpabilité on sait que Staline voyait des traîes absolument partout qu'il voulait purger son parti de tous les éléments indésirable bon ben quand on veut éliminer des éléments indésirables on fabrique leur culpabilité qui veut noyer son chien l'accuse de la rage mais dans une société démocratique l'accusation ne repose pas sur des présomptions ni sur des interprétations ni sur des extrapolation elle repose sur des faits sur des preuves matérielles et cette différence change absolument tout alors oui c'est contraignant de devoir donner des preuves c'est pénible parce que ça oblige à se baser sur la réalité pas sur notre extrapolation de la réalité pas sur ce qu'on voudrait que soit la réalité donc retenez bien cette idée que l'intolérance ce n'est pas la présomption d'intolérance maintenant je vais prendre un autre exemple si je critique une religion si je la critique ouvertement pas de manière présumée pas de manière subliminale si si je dis d'une religion qu'elle est absurde par exemple est-ce que ça c'est de l'intolérance certains répondront que oui parce que derrière toute religion il y a un croyant et donc critiquer une croyance religieuse ce serait faire preuve d'intolérance envers les pratiquants de cette religion admettons mais alors qu'est-ce que ça signifie ça signifie que pour être tolérant on doit s'interdire de critiquer un dogme autrement dit qu'il faut réintroduire le délit de blasphème le blasphème c'est quand on manque de respect à une chose considérée comme sacrée mais le problème c'est que le blasphème c'est un concept intareligieux autrement dit pour pouvoir parler de blasphème il faut considérer soi-même que ce qui est critiqué est sacré or si vous n'êtes pas croyant le blasphème ça n'a pas de sens pour vous puisque précisément vous ne considérez pas la religion comme sacrée le blasphème na de sens qu'au sein de la communauté des gens qui considèrent que leur religion est sacrée donc interdire la critique des religions est-ce que c'est de la tolérance envers les croyants ou est-ce que ce n'est pas au contraire de l'intolérance vis-à-vis du principe de libre opinion en France c'est l'héritage des Lumières et de la laïcité nous avons une tradition de libre critique des religions pourquoi parce qu'on fait la distinction entre les idées et les personnes entre la croyance et le croyant sans prendre à une religion ce n'est pas la même chose que s'en prendre aux gens qui pratiquent cette religion pour une raison toute simple qui est que la pensée n'est pas consubstantielle à la personne quand une personne croit elle n'est pas condamnée à croire ce qu'elle croit toute sa vie sa croyance peut évoluer elle peut se fragiliser elle peut se solidifier elle peut même disparaître donc le croyant ne se confond pas avec sa croyance endre le contraire c'est faire ce qu'on appelle de l'essentialisme c'est-à-dire considérer que l'être de la personne est liée à sa croyance le problème que ça pose bah c'est qu'on a tous des croyances et que donc si on devait considérer toute critiques des idées comme des critiques à l'égard des personnes qui ont ces idées on pourrait plus avoir de désaccord sur rien on nurait plus le droit de se contredire sur rien c'est le principe même de débat contradictoire qui disparaîtrait si c'est ça la tolérance et bien il faut vraiment revoir la définition de ce mot allons encore plus loin imaginons que je critique une religion parce que dans cette religion il est dit que les mécréants c'est-à-dire les athés et ceux qui croient à une autre religion ne mérite pas de vivre si je critique ça est-ce moi qui suis intolérant ou est-ce que ce n'est pas le fait de dire que certaines personnes ne méritent pas de vivre qui est intolérant si je critique une religion parce que cette religion dit que les femmes doivent être soumises à leur mari ou que la théorie de l'évolution est fausse ou qu'on a le droit d'avoir des esclaves suis-je intolérant si la réponse est oui alors ça veut dire une chose que là encore le le mot intolérance n'a plus aucun sens respecter quelqu'un ce n'est pas respecter sa croyance c'est respecter son droit à avoir cette croyance et c'est cette subtilité qui échappe généralement à ceux qui pensent que quand on critique un dogme on critique les gens qui adhèrent à ce dogme quand je critique une religion je ne refuse pas au croyants le droit de pratiquer leur religion je m'autorise à dire ce que j'en pense parce que dire ce que j'en pense n'empêche pas les croyants de croire quand je critique une idéologie politique ou une certaine vision de la société je n'interdis pas aux personnes qui adhèrent à cette vision de la société d'y adhérer je m'autorise à dire ce que j'en pense et en retour les personnes dont je critique la vision mais dont je respecte le droit à avoir cette vision peuvent critiquer ma critique mais il doivent respecter mon droit à faire cette critique la tolérance ce n'est pas s'interdire de critiquer c'est reconnaître le droit à chacun d'adhérer aux opinions que je critique c'est ça la to l'acceptation du pluralisme l'acceptation de ce avec quoi je ne suis pas d'accord accompagné de la possibilité d'exprimer mon désaccord de l'exprimer dans le respect étymologiquement est-ce que vous savez ce que veut dire le verbe tolérer tolérer ça veut dire supporter comme quand on parle de tolérance à la douleur donc quand on tolère on n'approuve pas on n'adhère pas on supporte vivre dans un état de droit çaimplique de supporter que les autres citoyens exercent leurs droit même si ça nous dérange même si on a une autre conception des choses vivre dans une société tolérante ça a un coûp le coût de l'acceptation faudrait des cours de stoisme à l'école pour nous apprendre à supporter donc je supporte que mon voisin pratique une religion qui n'est pas la mienne je supporte que mes amis ai des opinions politiques qui ne soi pas les mienne parce que c'est leur droit parce que je n'ai pas autorité à dicter aux gens ce qu'ils doivent faire ou ce qu'ils doivent penser la tolérance c'est supporter de laisser vivre les autres maintenant se pose évidemment la question de la limite jusqu'à quel point faut-il tolérer que les autres disent ce qu'ils disent ou fassent ce qu'ils font bien ça il y a un critère qui est d'ailleurs le critère prévu par la loi ce critère c'est la nuisance à autrui en terme juridique le préjudice j'ai le droit de dire ou de faire ce que je veux à partir du moment où je ne porte pas préjudice à mon prochain je peux critiquer la religion de mon voisin mais je ne peux pas l'empêcher de la pratiquer je peux critiquer les opinions politiques de mes amis mais je ne peux pas les enfermer dans ma cave pour les empêcher d'aller voter et ça marche dans les deux sens mon voisin a le droit de pratiquer sa religion il n'a pas droit de m'imposer le respect de sa religion mes amis ont le droit de voter pour qui ils veulent ils n'ont pas le droit de m'obliger à voter pour qui ils veulent la tolérance repose sur le principe de réciprocité et de l'équilibre entre acceptation de la différence et interdiction de la nuisance ce qui évidemment nous confronte à une autre question à partir de quand peut-on considérer qu'il y a nu insulter les gens en raison de leur religion ce n'est pas de la liberté c'est de la nuisance diffamer quelqu'un parce que je ne partage pas ses opinions ce n'est pas de la liberté non plus c'est de la nuisance quand on dit qu'en démocratie toutes les opinions ont le droit d'être exprimé c'est faux il y a des opinions qui ne relèvent pas de la liberté d'expression quoi par exemple ben par exemple ce qu'on disait tout à l'heure le racisme c'est la phrase qu'on a l'habitude d'entendre vous savez le racisme n'est pas une opinion c'est un délit alors dire que le racisme n'est pas une opinion mais un délit en réalité c'est une formule parce que c'est une opinion mais c'est une opinion délictueuse d'ailleurs si on va être absolument précis ce n'est pas l'opinion raciste à proprement parler qui est délictueuse c'est son expression il y a une différence en réalité entre liberté d'opinion et liberté d'expression vous avez le droit d'avoir des opinions racistes mais vous n'avez pas le droit de les exprimer parce que dans le premier cas vous ne causez de préjudice à personne puisque bah ça reste à l'intérieur de vous tandis que dans le second vous causez un préjudice puisque vous portez atteinte aux personnes donc les propos racistes ne sont pas tolérés ème pour les propos sexistes idem pour les propos homophobe idem pour tous les propos discriminatoires et pourquoi les propos discriminatoires sont-ils interdit parce qu'il constitue un préjudice moral une atteinte à la dignité pareil pour la diffamation je rappelle qu'il ne faut pas confondre diffamation et calomnie la diffamation c'est le fait de tenir des propos sur une personne qui porte atteinte à sa réputation donc la diffamation n'est pas toujours mensongère mais elle est toujours dégradante c'est son but donc les propos discriminatoires ne sont pas tolérés les propos diffamatoires ne sont pas tolérés parce qu'ils relèvent de l'atteinte à la personne donc quand on dit que la tolérance c'est l'acceptation du pluralisme des les opinions ça n'inclut pas les atteintes à la personne une critique est une opinion un désaccord est une opinion une atteinte à la personne n'est pas une opinion une insulte une menace une intimidation ne sont pas des opinions elle est là la frontière à savoir que dans un cas on exprime des idées dans l'autre cas on attaque des personnes dans un cas on fait vivre le débat démocratique dans l'autre on met en péril le débat démocratique on met en péril les conditions du vivre ensemble exprimer des opinions fussent-ell choquante fusent-ell contraire à l'idée que vous vous faites de la tolérance ce n'est pas ça que poer veut interdire si vous prenez la tolérance mais que vous êtes pour envoyer tous ceux qui ne partagent pas vos idées en camp de rééducation bah désolé de vous le dire mais vous n'avez pas compris ce que Popper appelle la tolérance si vous n'avez pas vu je vous conseille l'épisode de South Park qui s'intitule le camp de la mort de la tolérance épisode 14 de la saison 6 dans lequel les enfants de l'école sont envoyés dans un camp de redressement où on les force à faire des dessins qui reflètent la diversité et s'ils oublient de représenter certaines minorités on déchire leur dessins et on leur demande de recommencer c'est une caricature mais c'est une caricature qui illustre une tendance réelle à savoir la conception totalitaire du combat pour la tolérance défendre la tolérance par des moyens qui sont le propre des sociétés intolérante par la censure par la répression ou par la violence c'est la preuve d'une dissonance entre l'idéologie affichée et l'idéologie réelle donc poer n'est pas pour l'interdiction des discours réactionnaires des discours antiprogressistes ou même des discours antidémocratiques il est pour l'interdiction des discours qui incite à la violence il est pour l'interdiction des appels à la haine des appels à la persécution les opinions radicales les opinions extrêmes ou dissidente poperer dit qu'il ne faut pas les interdire du moment qu'elle s'exprime dans un cadre rationnel il est là le critère de poperur la rationalité on bascule dans le totalitarisme quand la rationalité cède le pas à la la violence quand l'argumentation cède le pas aux menaces quand les armes intellectuel cède le pas aux armes réelles ce qui pose problème à la démocratie nous dit popur ce ne sont pas les discours qui s'opposent à la démocratie c'est l'irrationalisme c'est-à-dire le refus des arguments rationnels ce qui pose problème c'est quand les intolérants décident de ne plus jouer le jeu de la contradiction rationnelle et qu'il devient impossible de les contenir autrement que par la force poer croit dans les vertus du débat démocratique pour lui c'est même ça le moteur de la démocratie la confrontation des points de vue le moteur des sociétés totalitaires étant l'uniformisation des points de vue les sociétés fermées sont fondées sur le principe de la pensée unique les sociétés ouvertes sont fondées sur le principe de la pensée contradictoire et pour qu'il y ait pensée contradictoire il faut qu'il y ait libre expression des points de vue dans les sociétés démocratiques on donne la parole à ses adversaires on les laisse exposer leurs arguments et on leur répond sur le fond ce sont les règles du débat c'est lorsque les règles du débat ne sont plus respectées autrement dit c'est quand on quitte le terrain de la rationalité pour s'engager sur celui de la violence qu'il faut intervenir au fond il plan sur le paradoxe de la tolérance de poper un grand malentendu on a voulu en faire un joker philosophique pour justifier la censure des idées intolérantes sans voir que ce qui était condamné dans ce paradoxe ce n'était pas tant les idées intolérantes que les comportement intolérant je vais maintenant vous lire le paradoxe de la tolérance dans son intégralité en vous invitant à être attentif au passage où poper explique bien où se situe le problème de l'intolérance selon lui à savoir dans le refus de l'argumentation rationnelle et dans l'incitation à la violence je cite la tolérance illimitée ne peut que conduire à la disparition de la tolérance si nous accordons une tolérance illimitée même à ceux qui sont intolérants si nous ne sommes pas prêts à défendre une société tolérante contre les assauts des intolérants alors les tolérants seront détruits et la tolérance avec eux avec cette formulation je ne veux pas dire par exemple que nous devrions toujours réprimer les philosophies tolérante tant qu'il nous est possible de les contrer par des arguments rationnels et de les tenir en échec grâce à l'opinion publique les interdires ne serait certainement pas judicieux mais nous avons intérêt à revendiquer le droit de les réprimer si nécessaire même par la force car il se peut fort bien qu'il n'accepte pas la confrontation d'arguments rationnels et dénonce d'emblé tout argumentation il risquent d'interdire à leurs adeptes d'écouter toute argumentation rationnelle parce qu'elles seraient trompeuses et de leur apprendre à répondre aux arguments en faisant usage de leur points ou de leur pistolet nous devons donc revendiquer au nom de la tolérance le droit de ne pas tolérer les intolérants nous devrions affirmer que tout mouvement prêchant l'intolérance se place hors la loi et considéré comme criminel l'incitation à l'intolérance et à la persécution de la même manière que nous considérerions comme criminel l'incitation au meurtre à l'enlèvement ou à la relance de la traite des esclaves dans une société où cohabite des visions du monde différentes des croyances différentes des opinions différentes il n'y a pas d'autre alternative que la tolérance ou plutôt si il y en a une le totalitarisme la mise au pas dans les sociétés totalitaires la liberté est écrasée parce qu'être libre c'est se donner la possibilité de s'écarter de s'écarter du droit chemin du seul chemin tolérable dans une société démocratique on laisse les opinions s'exprimer et on les laisse pas s'exprimer par complaisance on les laisse pas s'exprimer pour les approuver on les laisse s'exprimer pour les critiquer pour les soumettre à la réfutation à la contradiction argumentée pas à l'anathème pas à la diabolisation juste à la critique parce que dans une société tolérante on supporte la critique on supporte ce qui ne va pas dans notre sens on ne le dira jamais assez tolérer c'est supporté je vous [Musique] remercie