De retour dans cette journée de formation avec notre deuxième conférencier Denis Alamardou que vous devez voir à l'écran normalement. Il vient de nous dire qu'il était en pleine recherche-action dans une école de Poitiers d'où il va intervenir. On va utilement avoir un autre aperçu de ce qui est en cause dans la production d'écrit dès la maternelle, avec son intervention particulièrement centrée sur le geste graphomoteur au long des cycles.
Et puis je vous le dirai tout à l'heure, mais on complétera notre session le 29 mars avec d'autres domaines, va-t-on dire, de la production d'écrit tout au long de l'école primaire. Merci. Merci M. Alain Margot d'être avec nous.
de Poitiers. Après qu'on ait résolu les problèmes techniques, n'hésitez pas dans le chat à se faire remonter s'il y avait des difficultés à suivre. On essaierait de régler au fur et à mesure les questions techniques. Bonne conférence à tous.
La parole est à Denis Alamarin. Merci beaucoup, M. l'inspecteur général.
Je vais prendre juste le temps de partager mon écran. Peut-être juste vous demander la confirmation. que l'écran est bien partagé et que vous voyez bien la présentation. Est-ce que c'est bien le cas ?
Entendu. Écoutez, je viens grâce au distanciel vous parler de graphomotricité, plus précisément du geste graphomoteur. et dont on sait que l'apprentissage chez les élèves est en général assez long, en tout cas plus long qu'on ne le pensait il y a quelques années.
Et ce geste graphomoteur, son apprentissage, son acquisition, fait l'objet de beaucoup de recherches ces dix dernières années dans le secteur des sciences cognitives en l'occurrence. Et donc nous avons accumulé un certain nombre de résultats qui nous semblent très importants de transmettre aujourd'hui aux équipes d'encadrement, aux équipes d'enseignants. de façon à ce qu'on puisse améliorer en fait l'apprentissage, l'enseignement du geste graphomoteur, de la graphomotricité, dès l'école maternelle évidemment, mais aussi, et ce sera un peu le sens de mon message, au-delà du cycle 1 et possiblement cycle 2, cycle 3. Donc je voudrais vous parler d'une part du développement du geste graphomoteur. Quels sont les...
Le processus, les représentations mentales qui sont impliquées dans ce développement du geste graphomoteur, quelle est l'évolution de ce développement, de façon ensuite à donner des pistes pour l'évaluer, évaluer les performances graphomotrices chez les élèves de façon la plus simple possible, l'efficace possible dans les classes, et puis finir cette intervention sur des pistes d'intervention en vous donnant des exemples concrets d'activités que l'on peut effectuer en classe. Donc très concrètement, lorsque nous menons là, comme c'est le cas actuellement, des recherches dans les écoles, les enseignants nous saisissent de plusieurs questions, et en l'occurrence ici j'ai extrait quatre questions parmi l'ensemble des questions qui peuvent nous être posées par les enseignants, par les conseillers pédagogiques, entre autres. Par exemple, comment expliquer que beaucoup d'élèves en cycle 3 ne sachent plus bien tracer leurs lettres ou encore intègrent des lettres script dans leur écriture malgré les recommandations.
Comment expliquer l'impression d'une perte dans la maîtrise du geste d'écriture entre la sixième et la cinquième quatrième ? Vous voyez cette question qui portait sur les cycles 3, on la retrouve aussi au collège. Certaines lettres deviennent illisibles dès la cinquième, comment guider vers un retour à un usage de l'écriture qui permette la lecture par autrui ?
Quelle place laisser à la construction d'une écriture personnelle quand l'écriture grossit jusqu'à prendre trois interlignes, quand les lettres sont toutes détachées ? Quand les mots sont tous resserrés les uns contre les autres, existent-ils des recommandations spécifiques dans le développement du geste d'écriture, notamment lorsqu'on doit introduire plus tard encore les abréviations, par exemple dans la prise de notes ? Vous voyez, ici, ces questions finalement traversent la scolarité, traversent les niveaux, traversent les établissements et les structures. Et on voit, on constate aujourd'hui un certain marasme par rapport à l'apprentissage de l'écriture. où on peut parfois repenser aux lignes de calligraphie des anciens cahiers d'un autre temps, et la question se pose aujourd'hui de la pertinence, de l'intérêt d'apprendre à écrire toujours à la main.
Parfois on peut penser que le clavier pourrait se substituer, ou encore est-ce qu'il s'agit de maintenir l'écriture cursive par rapport à l'écriture scripte par exemple, ce sont des questions qui traversent la société. Pour avancer un peu dans la compréhension de la graphomotricité, évidemment c'est un élément central, je dirais la graphomotricité est ici au cœur de la production écrite. Évidemment la production écrite, ça ne consiste pas qu'à écrire des lettres, c'est produire des mots orthographiquement corrects, c'est produire des textes avec des procédés linguistiques, des anaphores, des marques de cohérence, de cohésion, etc.
On a cet ensemble ici complexe d'un point de vue cognitif qui suppose de maîtriser ce que nous appelons trois composants, dont la graphomotricité. Ce que l'on sait aujourd'hui de la graphomotricité en termes cognitifs, c'est que ça n'est pas qu'une activité motrice. C'est-à-dire que tracer des lettres ne consiste pas simplement à guider le crayon sur une page de papier. Tracer des lettres, c'est en réalité un phénomène où impliquent des traitements cognitifs relativement compliqués, que nous appelons ici les traitements graphomoteurs, et qu'il faut situer finalement après les traitements orthographiques.
Prenons un exemple très simple. Un élève doit ici écrire le mot « bonjour » , qui est un mot fréquent et régulier. Et donc, les traitements orthographiques vont permettre de déposer dans ce que nous appelons une mémoire, un tampon, un buffer graphémique ou encore orthographique, la série des lettres dans l'ordre dans laquelle les traitements orthographiques les ont instanciés.
Et l'enjeu, et ça c'est très important à comprendre, c'est que les traitements orthographiques peuvent être réalisés en quelques centaines de millisecondes, donc 200, 300, 400 millisecondes, un élève. peut gérer, traiter et installer en quelque sorte en mémoire, ici dans le tampon graphémique, les lettres qui permettent d'écrire bonjour. Donc les traitements orthographiques sont rapides, en revanche l'écrit est très lent. Et donc ce qui peut être calculé en quelques centaines de millisecondes va prendre 3, 4, 5, peut-être 7, 8 secondes à être effectivement écrit, tracé.
Et si on regarde la vitesse d'écriture de nos plus jeunes élèves, en CP par exemple, écrire bonjour prend un certain nombre de secondes. Et donc vous comprenez bien qu'il va falloir utiliser cette instance mémorielle, qu'on appelle aussi une mémoire tampon, qui porte bien son nom ici, pour réguler finalement, tout en écrivant, le maintien de la forme orthographique. Donc vous comprenez tout de suite que la moindre interférence, Le moindre bruit dans la salle, toute activité interférente pourrait faire que le résultat de ce traitement orthographique déposé et maintenu le temps de l'écriture dans le tampon graphémique, eh bien disparaît, c'est l'évanescence, et donc il faut réitérer le traitement orthographique.
Donc vous voyez que parmi les traitements graphomoteurs se situent finalement des traitements mémoriels, et en l'occurrence un maintien. des lettres dans l'ordre desquelles il faut qu'elles soient écrites. Et puis ce maintien ne suffit pas, il va falloir aussi sélectionner ensuite pour aller vers l'écriture la forme de la lettre et c'est là où se pose un problème plus cognitif pour l'élève, en tout cas le plus jeune, c'est-à-dire choisir parmi l'éventail des lettres ce que nous appelons l'allographe, c'est-à-dire la forme de la lettre qui peut être minuscule, majuscule, scribe, cursive, capitale, etc.
Et puis, ça ne suffit pas, c'est-à-dire qu'on a l'ordre dans lequel produirent les lettres, l'allographe de la lettre, et bien il va falloir ensuite instancier ce que nous appelons des programmes moteurs, des patterns moteurs, pour indexer la forme, c'est-à-dire choisir la taille, et puis ajuster finalement le geste à travers un ajustement très très fin, d'une prise de crayon très habile qui va devoir tracer la lettre. En quelques minutes ici, je dresse toute la complexité de ce traitement qui, je le répète, n'est pas simplement dessiner des lettres, c'est maintenir, traiter, choisir, décider, et ensuite paramétrer, et ensuite exécuter. Donc de ce fait, de par cette complexité qui allie mémoire, cognition et motricité, le développement de la graphomotricité s'étale sur plusieurs années, et de surcroît est discontinu.
Très très tôt, vers l'âge de 2-3 ans, les jeunes enfants dissocient le graphisme de ce tracé spécifique qui est l'écriture. Ici, c'est une élève de petite section au tout début d'année qui, d'ores et déjà, lorsqu'elle dessine et qu'elle sait que c'est de l'écriture, on lui dit par exemple « écris ton prénom » , on voit qu'il y a un tracé qui commence à ressembler à une... proto-écriture, évidemment les lettres ne sont pas connues, mais on sait bien que des lettres ont cette forme-là, et donc ce pré-graphisme en quelque sorte va être un berceau à partir duquel les lettres vont peu à peu se distinguer du dessin.
Alors ici voici un élève de 4 à 5 ans, 4 ans et demi, qui est en moyenne section, à qui on demande d'écrire son prénom, et donc Étienne se lance dans, vous voyez, l'activité graphomotrice. et qui est effectivement encore difficile pour lui, difficile d'écrire son prénom alors que ce sont des lettres familières. Et vous allez voir à la fin du film une grande hésitation quant à l'orthographe même. du prénom et on finit par mettre le E. Je reviendrai évidemment sur ces performances avec une certaine lenteur, on va parler de fluence, comme on parle de fluence en lecture, on peut parler de fluence graphomotrice, et puis vous voyez ce tracé légèrement cabossé sur lequel je reviendrai, qui peut être une marque d'expertise, ou d'absence d'expertise en l'occurrence ici.
Un autre phénomène en évolution et sur lequel je reviendrai au cours de la conférence, c'est la prise du crayon, qui peut effectivement questionner tant les praticiens que les enseignants, parfois les parents, où on constate une évolution de la prise du crayon entre l'âge de 3 ans et 6 ans. Ensuite, elle évolue peu, entre 6, 8 ou 9 ans, avec des prises, évidemment, qui sont des prises immatures et puis des prises intermédiaires. pour aller peu à peu, vers l'âge de 5-6 ans, vers des prises qu'on appelle plus académiques.
Et ici, en l'occurrence, une prise que nous appelons la tripode dynamique, qui est en général une prise qui est considérée comme experte et qui est visée tant par les psychomotriciens que par les enseignants. On reviendra sur cette évolution des prises et sur l'efficience ou l'efficacité présumée de certaines prises du crayon. Donc si on veut maintenant... dresser un portrait développemental au-delà de l'école maternelle et du début du CP, et bien ce que l'on va en général considérer c'est que l'âge de 5-6 ans, donc grande section CP, c'est un moment important dans l'acquisition et notamment de l'écriture cursive, donc de l'écriture attachée cursive, qui est une des caractéristiques du système français, non exclusif à la France en tout cas. Nous avons choisi de faire apprendre à nos élèves l'écriture cursive pour différentes raisons, sur lesquelles on pourrait revenir en discutant à la fin de la conférence.
Mais donc, ce moment-là est un moment crucial d'acquisition, d'apprentissage progressif de la cursive, en général débuté en cours de la grande section et systématiquement étudié au CP. Et puis, on va considérer le CE1 comme un moment de renforcement de la graphomotricité. Et puis en général, de façon ici peut-être un peu caricaturale, mais néanmoins en général, on va considérer qu'autour de 9-10 ans, CM1, CM2, cycle 3, et puis au-delà, cycle 4, collège, eh bien la graphomotricité est quelque chose qui est intégré et sur laquelle on n'a plus forcément à revenir. Si on regarde néanmoins l'évolution de la vitesse d'écriture, qui est un indicateur extrêmement important, eh bien on peut voir qu'en fait, au-delà...
du CP et notamment en CE1, évidemment en CM1 et jusqu'au collège, la vitesse d'écriture continue à croître, ce qui signifie que les apprentissages continuent à s'opérer. Et plus encore, si on observe la courbe, on voit ici une phase de plateau qui en fait témoigne d'une restructuration du geste graphomoteur et notamment de l'apparition des programmes moteurs. Et autour de 9-10 ans, donc plus concrètement au CM1, les élèves restructurent leur écriture et écrivent non plus avec la vision comme moyen cognitif de contrôler le tracé des lettres, mais avec des programmes moteurs qui leur permettent, de par des connaissances qui sont stockées en mémoire à long terme, de guider le crayon et donc de pouvoir possiblement écrire les yeux fermés.
Donc autrement dit... jusqu'au CM1, c'est l'œil qui guide le crayon et les élèves ont besoin finalement d'observer la trace écrite pour l'ajuster au fur et à mesure qu'ils tracent. Et ce n'est qu'après le CM1 que les programmes moteurs sont devenus suffisamment efficients, installés en mémoire pour pouvoir écrire sans plus regarder la trace.
Et si vous vous amusez à écrire les yeux fermés, vous verrez qu'en fait, ça ne gêne pas le tracé de la lettre et ça n'altère pas la forme de la lettre. Donc ça c'est très important, puisqu'on voit qu'entre 8 ans et 12 ans, la cinétique ou la cinématique de l'écriture va considérablement évoluer, et les micros d'accélération qui donnent cette impression de cabossage de la lettre vont s'estomper pour avoir une écriture qu'on appelle beaucoup plus fluide, c'est le terme technique, 4 ans plus tard. Ici, je vais vous montrer concrètement des résultats d'expérimentation que nous menons en ce moment même, où nous avons manipulé le feedback.
Autrement dit, proposer aux élèves de maternelle, de CP, de CE1, d'écrire sur une tablette avec un feedback, donc une encre, la tablette renvoie la trace de l'écriture comme attendue, et puis une autre condition où la tablette ne renvoie pas le feedback, donc l'équivalent d'une encre invisible, et encore une troisième condition où c'est carrément la main et le stylo qui sont cachés. Vous pouvez voir ici que l'élève de maternelle, évidemment en situation de vision, écrit un R en copie relativement conforme. Et vous allez voir ce R, dès lors qu'on supprime l'an, qui commence à s'agrandir pour gagner en fait en feedback kinesthésique, la forme commence à s'altérer et plus encore, troisième essai, lorsque l'on cache la main, on voit bien que l'élève ici altère plus encore le tracé de la lettre. Il est dans une situation où il a absolument besoin des feedbacks, tant de l'encre que de la main, et de pouvoir visualiser le stylo, la main, les doigts, lorsqu'il gère le tracé. Les élèves de CP, un an plus tard, finalement, en écriture cursive ici, sont gênés de façon relativement similaire.
aux élèves de grandes sections et on voit que la privation même du feedback de la main et du stylo les gêne considérablement. Les CE1 commencent comme vous pouvez le voir ici. à réguler le tracé de l'écriture en étant de moins en moins gêné par l'absence de feedback, que ce soit l'encre ou que ce soit la main et le stylo, ce qui laisse penser que les CE1 commencent à intégrer des programmes moteurs et donc vont peu à peu se détacher de l'emprise visuelle de l'écriture.
Alors, je reviendrai évidemment sur cet aspect-là puisque l'œil ne peut pas être à deux endroits en même temps, évidemment, et dès lors que... que les élèves, à partir du CE2, CM1, et plus encore au CM2, peuvent tracer les lettres sans plus regarder le tracé des lettres et ajuster le tracé au fur et à mesure, et bien cette attention visuelle peut être utilisée, notamment pour le suivi orthographique au cours de l'écriture, pour le contrôle orthographique. Donc vous verrez qu'aider la graphomotricité au-delà du CP-CE1... Ça a des avantages collatéraux au-delà du tracé de la lettre, puisque ça va permettre de contrôler l'orthographe, et on a même montré de faciliter la production textuelle.
Alors, maintenant, comment évaluer la graphomotricité ? Certes, on peut l'évaluer dans les cabinets de psychomotriciens, dans les laboratoires, comme nous pouvons le faire. Nous avons des épreuves standardisées qui s'appellent le HEDGE, le BHK. Je passerai très très vite, puisque ce ne sont pas des outils forcément adaptés aux pratiques enseignantes.
Le HEDGE permet de repérer la qualité, la lisibilité, la conformité des lettres. Le BHK, qui est plus connu parce que très utilisé dans le monde médical ou des psychomotriciens, est une épreuve standardisée à travers 13 critères qui permettent, à partir d'une tâche de copie, de qualifier l'écriture des enfants et de dépister possiblement des enfants dysgraphiques. Nous avons depuis l'avènement des outils numériques des moyens plus complexes encore, technologiques qui nous permettent de mesurer la cinématique de la lettre. Vous avez vu tout à l'heure des lettres se tracer. On peut mesurer les vitesses, les pauses, les pressions exercées sur le crayon, les accélérations, les décélérations, ce qui nous donne des indicateurs ici, voyez, comme l'évolution de la fluidité du tracé.
Chaque point rouge, c'est une pause dans l'écriture. On voit bien qu'entre 5 ans et l'âge adulte, il y a une diminution des pauses d'écriture et puis une augmentation de la vitesse et de la fluidité du mouvement. Ce qui peut être observé au niveau d'un mot peut l'être également au niveau d'un texte. Tout ce que vous pouvez voir ici comme rond rouge correspond à des pauses, pour la plupart des pauses graphomotrices, qui sont nécessaires pour poursuivre l'écriture et le tracé des lettres au cours d'une tâche de rédaction. Alors, dans les classes maintenant, puisqu'on n'a pas forcément des tablettes, on n'utilise pas forcément des épreuves standardisées, il est intéressant d'évaluer la graphomotricité, puisque j'ai évoqué le fait qu'elle se développait longuement, de façon discontinue, et un des enjeux est de cerner chez les élèves si, oui ou non, ils sont en mesure de développer des programmes moteurs, de façon à libérer l'attention visuelle.
Et donc une façon très très simple, très économique et très rapide d'évaluer la graphomotricité dans les classes, c'est de proposer par exemple d'écrire son prénom plusieurs fois à la suite pendant 30 secondes. Et on va simplement compter le nombre de lettres du prénom qui ont été lisiblement écrites pendant 30 secondes. Donc on calcule comme ça de façon aisée, une fluence.
Avec les élèves un peu plus âgés, on va leur proposer d'écrire pendant... En 15 secondes, les lettres de l'alphabet, la chaîne alphabétique, en général, des élèves de CE1 écrivent 7, 8, 9 lettres de l'alphabet en 15 secondes. Ces tâches-là, le prénom en 30 secondes, l'alphabet en 15 secondes, ce sont également des tâches qu'on utilise en recherche pour évaluer très rapidement, avant même d'utiliser des tablettes ou des épreuves standardisées, l'efficience des traitements graphomoteurs chez les élèves. On peut aussi demander à copier une phrase aux élèves, notamment un pangramme qui contiendrait les 26 lettres, mais sachez que le prénom et l'alphabet sont des mesures complémentaires tout à fait pertinentes et que je conseillerais évidemment aux enseignants, aux équipes enseignantes, de pratiquer par exemple tous les mois. En fin de mois, on fait ce petit test qui dure somme toute 45 secondes, et puis on compte les lettres et on trace des diagrammes, et on verra très très vite les progrès des élèves.
Ce qui va être plus important encore, c'est de faire deux fois cette tâche, ou ces deux tâches, les faire d'une part les yeux ouverts et d'autre part les yeux fermés. Et là, vous avez compris que les élèves qui attesteraient de performances similaires les yeux ouverts, les yeux fermés, font partie du groupe d'élèves qui ont réussi à installer en mémoire procédurale les programmes moteurs. Là où d'autres élèves dans la même classe qui verraient leur écriture altérée, par exemple la forme des lettres altérées, la taille qui s'agrandit, l'affluence qui diminue, dès lors qu'ils écriraient les yeux fermés, ce serait le signe qu'ils ont besoin du feedback visuel et donc qu'ils ont absolument...
besoin encore de focaliser leur attention sur l'écriture. Alors comment maintenant améliorer la graphomotricité dès lors qu'on l'a évaluée ? Eh bien là encore, il faut pouvoir choisir entre deux grands axes.
D'une part, la lisibilité, et c'est plutôt ce qui est privilégié dans les plus petites classes, c'est-à-dire écrire lisiblement de façon... conforme par rapport à un modèle qui est souvent écrit par l'enseignant ou l'enseignante de façon très académique. Et puis, la vitesse. Et en l'occurrence, si on privilégie dans les plus petites classes la conformité, la lisibilité, il ne faut pas négliger la vitesse, parce que l'agrafomotricité, c'est avant tout un geste.
C'est un geste, c'est presque du sport. Et si on apprenait à dribbler à vitesse constante avec un ballon, on ne préparait pas forcément bien au match de basket. Et donc ce qu'il faut absolument travailler, c'est à la fois la lisibilité, mais également la vitesse.
Donc vous voyez qu'en fait, il faut osciller entre deux vecteurs, écrire le mieux possible et le plus rapidement possible, et donc ne pas forcément privilégier la lisibilité au dépend de la vitesse, et inversement. Donc c'est un juste équilibre qu'il faut... vers lequel il faut tendre avec les élèves, et ce dès lors qu'ils peuvent tracer des lettres en grande section ou CP.
L'aspect moteur, la dynamique du tracé est très importante. Alors sur la prise du crayon maintenant, qui est évidemment un paramètre important, il faut savoir que les études n'ont pas en pu, pour le dire de cette façon-là, n'ont pas pu montrer d'effet significatif des quatre grandes familles de prises, notamment les prises tripode dynamique, les prises tripode latérale, les prises quadrupode dynamique, latérale quadrupode, ou quadrupode latérale, pardon. Eh bien, ces quatre types de prises, en fait, ne semblent pas, ou l'une en tout cas, ne semble pas conduire à des traces écrites de meilleure qualité ou écrites plus rapidement.
Ces quatre prises sont... équivalentes, en tout cas non différentes. Donc ça laisse penser que dès lors que l'enfant a évolué de prise immature intermédiaire vers l'une de ces quatre prises et qu'il les stabilise en général vers 5-6 ans, il ne servirait à rien, a priori, de le forcer à partir d'une prise, par exemple, latérale-tripode, d'aller forcément vers une prise dynamique-tripode qui est considérée comme étant la plus efficace. En réalité...
Elles le sont toutes les quatre. Alors ça, ce sont des études canadiennes qui ont été réalisées chez des élèves de 9 ans, donc quatrième année des CM1. Et là, nous sommes concrètement en train de dresser le portrait développemental des prises de crayons de la petite section jusqu'au CM2 pour justement vérifier ces effets-là. Donc ne pas forcément, et sans jeu de mots, se crisper sur la prise de crayon dès lors qu'elle fait partie de l'une de ces quatre prises. Ce qui va être important aussi, c'est de s'appuyer sur le prénom en petites, moyennes, grandes sections, puisqu'on a pu démontrer par exemple que les élèves, lorsqu'ils écrivent des lettres de l'alphabet, écrivent plus vite et mieux les lettres de leur prénom, les lettres éléments de leur prénom, plutôt que des lettres qui n'appartiennent pas à leur prénom.
Donc le prénom devient un support, parce que ce sont des lettres familières, vues souvent, écrites souvent. qui vont permettre à partir de là de construire un répertoire qui va être étendu à des lettres peut-être plus difficiles, ou en tout cas moins familières à tracer. Un autre vecteur d'apprentissage, c'est celui de l'apprentissage par ailleurs, enfin de l'entraînement, du programme d'entraînement.
Et en l'occurrence ici, je décrirai en quelques minutes un programme que nous avons mis au point dans... des écoles au Québec avec des élèves de première année, donc des élèves de CP, et que nous avons testé, autrement dit validé en termes d'efficacité. C'est ce qu'on appelle un programme composite qui dure 30 minutes et que l'on va faire régulièrement. Et en l'occurrence, vous voyez composite parce qu'il porte à la fois sur un échauffement musculaire, donc une stimulation sensorielle, une introduction d'une lettre, et pendant 5 minutes on va activer les muscles de la main.
On va parler de la lettre du jour, on va l'identifier dans les prénoms, on va en discuter avec les élèves. Puis il y a un enseignement explicite pendant 10 minutes de la lettre, notamment on la cerne dans une famille, aussi aux caractéristiques similaires. On va présenter les caractéristiques visuelles de la lettre, la trajectoire de la lettre, on va la modéliser. Dans l'espace, l'enseignant ou l'enseignante va guider les mains des élèves, toujours cette dynamique qui va être recherchée.
On va l'explorer multisensoriellement en traçant dans le sable, dans les airs, les yeux ouverts, les yeux fermés. Vous reconnaissez ici les principaux paramètres. Et puis on va pratiquer cette lettre, et ça c'est très important, dans des exercices variés. Autrement dit, des grands encadrés, des petites ardoises, des tableaux blancs. On va la pratiquer avec modèle, sans modèle, avec des interlignes ou pas.
Et surtout, on va la pratiquer dans des mots, puisqu'il ne s'agit pas d'apprendre à tracer des lettres pour des lettres, mais de tracer des lettres dans des mots en les articulant. Et enfin, les cinq dernières minutes, on a un retour métacognitif sur la production de la lettre. Et donc, on explique comment on a tracé cette lettre, pourquoi on l'a trouvée difficile par rapport à une autre lettre, par exemple. On corrige la production d'un ami et ensuite, on s'auto-évalue.
Vous voyez, c'est un programme qui est dit composite puisqu'il aborde plusieurs aspects de la lettre. Et donc on a pu montrer que ce programme était efficace, significativement efficace par essence, c'est-à-dire qu'il favorise effectivement le tracé des lettres conformes produites en 15 secondes. La ligne bleue ici correspond au groupe qui a été entraîné par rapport à un groupe contrôle.
Mais, et ça c'est très important, il y a un effet favorable collatéral, c'est-à-dire que les élèves qui font cet entraînement graphomoteur ont également une meilleure réussite orthographique précoce lors de la production de mots, là encore un effet d'interaction. Alors au-delà, et j'en finirai puisque le temps s'écoule, au-delà de la grande section du CP de cet exemple, ici de programme d'entraînement dont je vous fournirai les détails et ensuite des documents associés si vous voulez les approfondir, évidemment il existe d'autres programmes qui peuvent être... mise en œuvre en grande section au CP et au-delà.
Ce qui va nous intéresser, c'est des programmes qui nous permettent de travailler et de poursuivre le travail de la graphomotricité au CE2, au CM1 et au CM2. Il est évident qu'on ne travaille pas au CM2 comme on le ferait avec des CP. Et donc nous avons, avec ma collègue Marie-France Morin, répertorié les programmes d'entraînement qui ont pu être éprouvés par des études scientifiques et dont on a pu montrer l'efficacité. Merci.
Et nous les avons classés en quatre grandes familles. Autrement dit, trois grandes familles et des sous-catégories. Des programmes basés sur des aspects perceptifs ou moteurs, comme par exemple la perception visuelle, repérer, est-ce que les petits repères, vous savez, c'est très connu, on indique par où commencer la lettre, des flèches qui nous indiquent dans quel sens la tracer, quel est l'effet de ces repères, quel est l'effet aussi de la perception haptique, Là on est beaucoup dans la mouvance montessorienne, on va dire, et donc l'exploration tactile de lettres en creux, de lettres en relief, est-ce que c'est pertinent ? Alors ça l'est, en fait, chacun de ces entraînements peut l'être, mais sur des aspects différents. La motricité globale, l'implication du corps, par exemple, marcher en salle de motricité sur des lettres, on a pu montrer que ça avait un effet favorable sur la connaissance de la lettre et son écriture ultérieurement.
L'intégration visiomotrice avec des modèles dynamiques à reproduire où l'enfant voit le tracé de la lettre en temps réel avec les accélérations, décélérations, et refait par exemple sur une tablette le modèle avec les mêmes temporalités. Donc on a ces entraînements-là perceptifs ou moteurs qui vont pour les uns faciliter la forme de la lettre, pour d'autres faciliter la cinématique de la lettre. Et ça va permettre en fait, en travaillant par exemple ces quatre entrées simultanément, eh bien ça va permettre de travailler à la fois la lisibilité, la vitesse et de se situer dans un vecteur intermédiaire. Des entraînements cognitifs, métacognitifs, expliquer, verbaliser, conscientiser les caractéristiques du geste pour travailler l'autorégulation et enfin des entraînements composites comme j'ai pu le décrire à travers le programme d'En Mouvement J'écris.
Donc ce que l'on sait, c'est qu'au-delà du CP-CE1, Ces entraînements-là, lorsqu'ils sont faits, on va y revenir, de façon intensive et sur des durées importantes, ont des effets significatifs, complémentaires. Donc ça signifie que nous avons tout un programme qui peut être tout à fait mis en place au cycle 2, cycle 3. Mais j'attire votre attention sur les deux paramètres. C'est-à-dire dès lors qu'on travaille la graphomotricité, c'est comme la musique, c'est comme le sport, ça suppose un entraînement intensif.
Deux semaines minimum par semaine si on veut que le programme soit efficace et sur une durée qui est importante, notamment 8 à 12 semaines. Voilà, le temps est écoulé, je n'irai pas plus loin si ce n'est pour vous dire que ce travail sur la graphomotricité... Il est important évidemment pour améliorer la lisibilité des lettres, pour faire en sorte que les élèves ne soient pas, à un moment donné, parce qu'ils pratiquent peu, verraient leur écriture se dégrader, ils n'auraient pas les moyens de rectifier cette moindre efficience de l'écriture.
Donc il y a évidemment un enjeu pour écrire toujours lisiblement, à minima, mais il y a aussi l'enjeu que j'évoquais. sur lequel je finirai, c'est-à-dire se dégager des contraintes visuelles pour pouvoir, au cours même de l'écriture, chasser les erreurs d'orthographe et contrôler son orthographe, par exemple au cours d'une dictée. Ça fait partie des programmes de recherche que nous menons actuellement et qui montrent qu'un bon graphomoteur, si vous permettez ce terme, est également un élève qui est un bon...
orthographieur ou un bon rédacteur, parce que vous avez compris qu'en fait, dès lors qu'on économise des ressources cognitives en libérant l'attention de la graphomotricité, c'est un gain pour l'orthographe et la rédaction. Voilà, je vous remercie. Je vous communiquerai par l'équipe de l'ADGESCO, et bien les deux articles qui vous permettront d'approfondir cette conférence et de notamment pouvoir identifier les pratiques et les effets des entraînements que j'ai abordés rapidement. Voilà, je vous remercie.
Merci cher Denis Alamardou pour cette synthèse très très proactive, qui pour ma part m'a tenu complètement en alerte sur l'état de ce que l'on sait du geste graphomoteur aujourd'hui. J'ai lu un peu le chat en même temps et il est évident que... Si vous vous rappelez le graphique ou l'ensemble graphique présenté par Madame Carvin tout à l'heure, effectivement on a une entrée parmi d'autres qui n'est pas réductible à elle seule, mais qui peut nous donner de bons points d'appui dès la maternelle quant aux apprentissages dans le domaine de l'écriture en général.
Donc on a malheureusement peu le temps, et je remercie à nouveau Denis Alamargo de nous laisser. Des documents complémentaires, ces deux articles que vous retrouverez sur notre plateforme. On va avoir une petite coupure, une micro-coupure de 30 secondes pour passer d'un système de diffusion à un autre. Et aussitôt, nous reviendrons sur l'atelier avec Anne Wiber et Bernadette Cavin. A tout de suite.